Chronique du Vendredi : Le Mali d’abord, le reste ensuite

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Pour le poète, les séquences de la belle révolution malienne diffusées le 26 mars dernier  lors du tête à tête ATT-Sidiki Konaté confirment simplement la toute-puissance du temps qui a fait qu’aujourd’hui, des figures légitimes de l’époque ne sont plus là pour témoigner : Demba Diallo, Bakary Karembé, Siaka Koné, Mamadou Lamine Traoré et d’autres, paix à leur âme.

 Du politologue, l’attention se sera sans doute portée sur le treillis de l’ancien lieutenant-colonel devenu président de la République dix ans plus tard, mais surtout sur l’hystérie populaire qui l’accueillit dès que le libérateur qui osa arrêter Moussa Traoré entra dans la Bourse du Travail. L’habitude a son revers : la banalisation.  Elle rend naturel et ordinaire tout ce que nous avons aujourd’hui au point d’en oublier d’où ce pays revient et surtout où il était, non pas le 26 mars qui l’a délivré mais le 24 mars où on lui tirait dessus. Sans l’espèce de baraka dont tout le monde s’accorde à créditer ce vieux pays, nous ne serions peut-être pas là où nous sommes aujourd’hui. C’est à dire un pays menacé, il y a vingt ans, de partition mais qui a choisi l’arme la plus difficile : celle du dialogue pour régler la crise du nord, même si de nouvelles menaces heureusement perçues à leur juste mesure, apparaissent aujourd’hui, porteuses de déstabilisation et d’insécurité.

C’est-à-dire aussi un pays dont la capitale et les villes secondaires se développent, rangeant les célèbres nids de poule d’une certaine époque dans les mauvais souvenirs et cherchant à rattraper le formidable retard que nous accusions vis-à-vis de certains Etats voisins dans le domaine du logement à coût modéré. C’est-à-dire enfin un pays où les libertés fondamentales sont préservées entre une presse certes perfectible mais libre, une société civile qui n’est pas souvent évaluée mais qui prolifère et un secteur privé qui prend de plus en plus la place de l’Etat là où celui-ci ne doit pas être. Autosatisfaction?  Non. Juste un rappel avant 2012 et pour 2012 où l’ère démocratique, il faut qu’on s’y prépare, passera par la tronçonneuse de certains candidats.

La nostalgie des années de plomb n’est pas acceptable.  Pas plus que les anomalies dénoncées aujourd’hui ne peuvent justifier  le retour à l’ordre monolithique. Ceci dit, les défis de la période démocratique sont réels. Le professeur Mamadou Lamine Traoré, dans une de ses mémorables boutades, disait qu’on ne mange ni le goudron ni le béton. C’est vrai, surtout si  aux dires des spécialistes, malgré les taux de croissance positifs sur deux décennies, plus de Maliens seraient devenus  non seulement pauvres mais plus pauvres. Mais est-ce la vérité ou simplement l’effet de prisme des nouveaux indicateurs de bien-être lié à la difficulté d’estimer les richesses d’une économie surtout informelle ?

 Une réflexion  malienne sinon africaine est à mener sur la question. Il y a aussi que la gouvernance démocratique n’est pas une finalité mais un moyen pour satisfaire les besoins d’une nation. On ne peut donc pas se limiter à une comptabilité sèche du nombre de journaux ou de radios privés pour mesurer le degré de démocratie d’un pays. Nous l’avions dit et nous le maintenons : en plus de la pluralité de l’information, une démocratie se mesure à l’indépendance de ses médias publics tout comme à la séparation réelle et à l’indépendance effective des  institutions, ces pouvoirs imaginés pour brider le pouvoir. Sans parler de la qualité du système de représentation (donc le processus électoral). Vingt ans après, le président Touré a eu raison de faire auditer notre démocratie. Mais a-t-il réellement mis le Mali avant ses propres scrupules?  A-t-on vraiment cherché à adopter le modèle le plus proche de notre culture de gouvernance ?  Peut-être faisons-nous erreur, mais notre conviction est que si nous organisions aujourd’hui une conférence        nationale d’évaluation du parcours depuis 1991, des institutions seront abandonnées. Il s’agit notamment de  la primature qui ne nous apporte rien sauf dans un régime parlementaire, mais aussi des Hautes Collectivités Territoriales qui, perverties, peuvent prendre la décentralisation en otage. Nous renforcerions alors le parlement car c’est lui la vitrine de la démocratie et nous laisserions tomber la relique gréco-romaine du Sénat. Au nom de l’efficience. Parce que ça doit être le Mali d’abord et le reste ensuite.  

Adam Thiam

 

 

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