La Délégation générale aux élections (DGE) bénéficie de ressources d’environ 350 à 400 millions de FCFA en année non électorale et de 1,5 milliard de FCFA en année électorale. Elle a fait l’objet d’une vérification financière et d’une vérification de performance pour les exercices 2006, 2007, 2008 et jusqu’à juin 2009 par les soldats anti-corruption du Bureau du vérificateur général. Une fouille minutieuse a donc permis aux hommes de Sidi Sosso Diarra de découvrir le pot-au-rose : une mauvaise gestion de plus d’un milliard de nos francs et une foultitude d’irrégularités constatées. Nous vous livrons ici les faits.
Dans une note introductif visant à mettre le lecteur dans le bain, les vérificateurs expliquent que « la DGE bénéficie de ressources d’environ 350 à 400 millions de FCFA en année non électorale et de 1,5 milliard de FCFA en année électorale, a fait l’objet d’une vérification financière et d’une vérification de performance pour les exercices 2006, 2007, 2008 et jusqu’à juin 2009. La vérification financière a pour objectif de vérifier la régularité et la sincérité des opérations financières alors que la vérification de performance consiste à examiner dans quelle mesure le fichier électoral a été élaboré avec économie, efficacité et efficience ».
La vérification financières et ses cascades d’irrégularités
C’est ainsi qu’à l’issue de leur fouille, les vérificateurs ont constaté que les serveurs dédiés à la diffusion du fichier électoral n’ont pas tous été retrouvés dans les locaux de la DGE : ils ont été déplacés sans support juridique chez le prestataire chargé de cette diffusion.
Lors de sa création, explique le rapport, la DGE n’a pas été dotée de la fonction de comptable-matières dans son cadre organique. Le chargé de matériels, qui fait office de comptable-matières, ne procède pas à l’immatriculation des biens. La présence d’un spécialiste permettrait à la Délégation d’assurer une gestion adéquate des biens qu’elle acquiert.
Selon les hommes de Sidi Sosso Diarra, la DGE a passé par entente directe des marchés à un prestataire au motif que celui-ci est le concepteur du logiciel de gestion du fichier électoral. Or, ce logiciel a été développé à la demande de la DGE par un groupe d’ingénieurs de l’Administration. La propriété intellectuelle du logiciel de gestion du fichier électoral, revenant entièrement à l’Etat, ne peut être transférée à une société privée sans acte formel. Par conséquent, les contrats passés pour un montant de 462,15 millions de FCFA avec la société ICD Sarl ne sont pas justifiés, car elle n’est pas le concepteur du logiciel de gestion du fichier électoral. Pourtant, elle l’exploite commercialement à son profit, sans bourse délier, et facture ses prestations à la DGE. Elle a aussi passé d’autres marchés irréguliers pour 383,46 millions de FCFA.
En 2007 et 2008, révèle toujours les vérificateurs, la délégation a dépensé 241,93 millions de FCFA en carburant pour des activités rattachées à l’organisation matérielle des élections ne relevant pas de son champ de compétence. La DGE a recruté irrégulièrement en 2007 et 2008 des agents de saisie de données sans diffusion d’avis d’emploi temporaire et sans contrat de prestations de service, pour 127,02 millions de FCFA. Ne disposant pas de NIF, les agents ainsi embauchés n’ont pas été assujettis à la retenue à la source de l’Impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux (IBIC), ce qui a privé l’État de 22,22 millions de FCFA de revenus fiscaux. En 2007 et 2008, la délégation a accordé à son personnel, sans base juridique, des indemnités d’alimentation, de transport, de communications téléphoniques et d’heures supplémentaires pour 57,38 millions de FCFA.
C’est donc la sommation de ces différentes irrégularités constatées qui a permis aux soldats anti-corruption de Sidi Sosso Diarra de conclure à une mauvaise gestion portant sur 1,2 milliard de FCFA, dont 0,18 milliard de FCFA proposé au recouvrement.
En vue de mettre fin à la gabegie, le Bureau du végal recommande à la Délégation générale des élections de : installer tous ses serveurs dans ses locaux ; d’instituer dans le cadre organique la création de la fonction de comptable-matières ; respecter les dispositions du décret n°06-322/PRM du 08 Août 2006 relatif aux avantages accordés à son personnel ; respecter les dispositions de l’arrêté n° 2212 MEF/SG du 6 septembre 2001 portant institution d’une régie d’avances ; respecter les dispositions du Code des marchés publics relatifs notamment à la mise en concurrence des fournisseurs, aux critères d’évaluation des offres, et à la tenue correcte des documents ; recouvrer le montant des manques à gagner, soit 175,52 millions de FCFA.
Révélations fracassantes de la vérification de performance
A ce niveau, le tableau est loin d’être reluisant. Et pour cause, les vérificateurs reprochent à la DGE le fait qu’elle n’a pas mis en place un mécanisme assurant la maîtrise du processus de diffusion du fichier électoral. Ainsi, le fait que les serveurs de la DGE soient installés dans les locaux du prestataire privé chargé de cette diffusion met en insécurité l’intégrité des données du fichier électoral. A la DGE, les salles de saisie et les salles serveurs contenant le matériel informatique ne sont ni climatisées ni sécurisées contre l’incendie. Cela comporte des risques d’altération, de perte ou de révélation de données confidentielles.
Le rapport du végal relève que la DGE ne procède pas à une évaluation objective de ses besoins. Elle effectue plutôt ses achats de matériels, de fournitures et de services sans plan de passation prévisionnel. Un tel plan permettrait d’acquérir des biens et services qui répondent aux besoins réels, à de meilleurs prix et dans les meilleurs délais. La DGE ne met pas ses fournisseurs en concurrence. Des marchés informatiques ont été passés par entente directe avec un seul prestataire, au motif que ce prestataire est le concepteur du fichier électoral alors qu’il s’agit plutôt d’une œuvre collective d’informaticiens rémunérés par la DGE. Ainsi, de 2005 à 2009, 6 marchés totalisant 350,03 millions de FCFA ont été attribués sans appel à la concurrence. En outre, malgré l’existence d’ingénieurs informaticiens qualifiés et formés par la DGE, la mise à jour du fichier et sa diffusion sur l’Internet sont assurées par ce prestataire privé.
La DGE dispose de 3 ingénieurs informaticiens qualifiés ayant suivi des formations appropriées. Pourtant, souligne les hommes de Sidi Sosso Diarra, elle sous-traite avec un particulier les prestations relatives à la gestion du fichier électoral et qui auraient pu être effectuées par les 3 ingénieurs. Ainsi, toute modification nécessite l’intervention rémunérée du prestataire ICD-SARL. Le recrutement d’agents temporaires, pour les besoins de la saisie, ne permet pas à la DGE de capitaliser les acquis accumulés au cours d’une révision des listes électorales. La DGE ne dispose pas d’un spécialiste pour assurer la passation des marchés. La fonction est assurée par un agent sans formation adéquate.
Aussi, le rapport indique que certains membres de la Commission administrative chargés de dépouiller les cahiers de recensement pour établir les tableaux rectificatifs menant à l’élaboration des listes électorales n’ont pas tous le niveau d’instruction nécessaire pour assurer un travail de qualité. Les compensations financières accordées par l’État aux membres des
Commissions Administratives ne sont pas suffisantes pour les motiver.
A cela il faut ajouter le fait que le fichier de Recensement administratif à caractère électoral (RACE) 2001 dont a hérité la DGE lors de sa création n’a pu être apuré des anomalies consécutives aux erreurs d’enregistrement. Il n’a pu, non plus, être apuré des anomalies provoquées par la rupture dans la séquence de numérotation des cahiers de recensement 2001. Cette rupture a été causée à la suite d’un changement de prestataire. La Commission administrative ne procède pas systématiquement et de façon exhaustive aux radiations rendues nécessaires par les décès et les déplacements des populations. Le Ministère de l’administration territoriale et des collectivités locales (MATCL) accuse d’importants retards dans l’envoi des listes électorales et des tableaux rectificatifs aux commissions administratives. Le MATCL ne s’assure pas que les mairies aient à leur disposition un stock suffisant de carnets de recensement. Ainsi, dans certains cas, des pénuries de carnets ont été constatées.
Dans le même rapport, on peut constater que la DGE ne prend pas les dispositions appropriées pour rendre lisibles les listes électorales. Celles-ci sont parfois difficiles à lire en raison de la qualité du papier et de l’encre utilisés pour les impressions. La DGE ne prend pas en compte toutes les corrections effectuées par les
Le lot des irrégularités est clôturé par la révélation selon laquelle il existe dans le fichier électoral 369 194 doublons relevés sur la base des critères suivants : similarité du numéro d’identification, des noms et prénoms, du nom de la mère, de la date de naissance et du sexe. Le taux d’erreurs de saisie constaté par la mission sur un échantillon de 18925 fiches manuelles a été de 5% correspondant aux différences entre les listes manuelles et le fichier de la DGE.
A l’issue donc de sa mission dans les affaires de la structure, les vérificateurs de Sidi Sosso Diarra sont en venus à la conclusion que « la DGE le relèvera d’autant mieux sa mission que ses ressources seront bien gérées et que la collaboration entre les différentes structures engagées dans le processus électoral sera efficace ».
Abdoulaye Diakité