Immigration en France : Ces tests d’ADN qui insultent l’humanité

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Le recours aux tests d’ADN pour les étrangers candidats au regroupement familial en France, proposé dans un projet de loi actuellement au centre de débats controversés, explique tout simplement que le pays du président Sarkozy a encore la tête dans le néolithique même s’il a les pieds dans le XXIè siècle.

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« Les Français sont un composé d’incohérence, d’ignorance et de bêtise ». Le constat est de François Marie Arouet dit Voltaire, penseur du 18è siècle, siècle des Lumières. Jugement péremptoire ou sentence brusque, la formule, lourde, n’a pas encore épuisé sa charge de condamnation d’une inintelligence sociale qui surprend et qu’elle semble même déterminée à charrier à travers les temps. En effet, plus de deux cents ans d’évolution historique et de maturation civilisationnelle n’ont pas érodé sa substance et l’auteur, entre autres, des Lettres philosophiques, de Zadiq et de Candide, ne continue pas moins, de nos jours encore, à être considéré en Europe comme un des princes de l’esprit et des idées philosophiques. Preuve que Voltaire n’avait pas que jeté des mots en l’air. Signe aussi qu’il a été confronté en son temps à des inepties qui contrastaient, ô combien ! avec l’intelligence supposée des Français.

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L’histoire, qui a le don de se répéter, nous permet de comprendre certaines vérités d’hier. La formulation voltairienne sur l’incohérence, l’ignorance et la bêtise génétiquement françaises nous revient aujourd’hui dans toute sa crudité. Le recours aux tests d’ADN pour les étrangers candidats au regroupement familial en France, proposé dans un projet de loi actuellement au centre de débats controversés, explique tout simplement que le pays du président Sarkozy a encore la tête dans le néolithique même s’il a les pieds dans le XXIè siècle. La France de Nicolas n’est certainement pas celle des Dagobert, mais le rythme qu’elle imprime à la marche de la République ne va pas sans mettre les valeurs à la renverse.

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Aminata Dramane Traoré, essayiste, alter mondialiste et ancienne ministre de la culture, émettait il y a un an, lors de l’enregistrement d’une émission de RFI au CCF de Bamako, des doutes sur la connaissance de l’histoire française par Nicolas Sarkozy. Elle n’a peut-être pas tort. De la Révolution de 1789 à la mise en place des institutions de la Vè République après la guerre de 1939 – 1945, la France a expérimenté des valeurs sociétales et humanistes positives qui ont inspiré plus d’un à travers le monde. La France, disait le président Jacques Chirac, n’est jamais si grande que lorsqu’elle se donne en exemple au reste du monde. L’exemple, c’est la liberté, l’égalité et la fraternité, devise d’une humanité fécondante, creuset de civilisations enthousiastes. Cette France-là a soigneusement évité de légiférer il y a seulement soixante ans sur des tests d’ADN aux fins d’autoriser des regroupements familiaux. Si elle n’avait pas eu cette sagesse, sans doute beaucoup des auteurs et des défenseurs du projet de loi controversé aujourd’hui en la matière n’auraient pas été français.

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La méthode Sarkozy

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Mais Nicolas Sarkozy est un cas. Il a le malheur d’être singulièrement hongrois en France et, au Palais de l’Elysée, il a l’immense bonheur d’être plus français que de souche, voire génétiquement ressemblant à Charles de Gaulle. C’est un honneur et un privilège qui ne doivent échoir à personne. C’est un cas typique de surdose égocentrique logée dans une poche de troubles ou de souffrances psychologiques, c’est selon. Par la polémique donc, Sarkozy se situe en s’opposant, il heurte pour se faire valoir, il choque pour asseoir sa domination. Telle a été sa méthode pour faire échec aux intentions inavouées du vieux Chirac, telle sera sa démarche pour éreinter l’humanité entière, au premier chef, le vieux Abdoulaye Wade, président du Sénégal. Sinon, comment comprendre qu’il soit venu déclarer à Dakar, peut-être regardant fixement vers l’île de Gorée (la Maison des esclaves), que « l’Afrique n’était pas suffisamment entrée dans l’histoire ». Provocation et mépris ne peuvent être plus grands.

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Au plan psychopathique, le comportement de Sarkozy a une explication. D’après un spécialiste, « se situer en s’opposant évoque sans doute le travail de l’adolescent à la recherche de sa personnalité. En fait nous sommes un pleine dialectique hégélienne. On se pose en s’opposant, en se distinguant des autres, des plus proches en particulier, c’est ainsi qu’on se trouve soi-même ; mais en même temps, du fait de se poser dans son originalité propre, on s’oppose aux autres, souvent à ceux-là qui vous ressemblent le plus, on est et l’on s’affirme, autre, autrement. Les relations sont par suite extrêmement complexes… »

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Cynisme calculé

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Ainsi est le chef de la France de 2007. Et on peut parier que, malgré la levée de bouclier contre le projet de loi sur l’immigration introduisant la possibilité de recourir à des tests d’ADN pour les candidats au regroupement familial, il ne reculera pas. La question relève d’un cynisme calculé. Sarkozy, Brice Hortefeux et des parlementaires de l’UMP ont une claire connaissance des réalités de « père légitime » et de « père biologique » qui recouvrent nombre d’enfants appelés à rejoindre des parents dans le cadre du regroupement familial en France. Il s’agit donc là d’une exploitation talentueuse des faiblesses humaines, ce qui ne respecte pas l’humain. Raison pour laquelle la désapprobation du projet de loi est quasi-unanime. Si intellectuels, artistes et sportifs de tous bords ont vivement dénoncé le texte dans sa mouture première comme secondaire, des sommités scientifiques, des généticiens réputés en tête, ont stigmatisé avec force arguments son iniquité.

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En plus, Amnesty International, Médecins du monde, la Fondation Abbé Pierre, la CFDT, la Conférence des Evêques, SOS Racisme et tout ce que la France compte de forces morales sont montés au créneau pour dénoncer la disposition et inviter les sénateurs à ne pas voter le projet.

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Le président Abdoulaye Wade du Sénégal a d’emblée situé l’affaire dans son contexte moral, éthique. « En tant que Président, je peux décider que tous ceux qui ont le pied comme ça ou les yeux bleus ne rentreront pas au Sénégal. Mais je ne le ferai pas, je suis un scientifique. Il y a des choses qu’il ne faut pas faire » a-t-il dit.

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Pour Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union africaine, « les tests d’ADN sont inconcevables. Ils sont inacceptables au niveau éthique, moral et culturel ». Quant aux politiques français, ils ne sont pas restés en rade. Michel Rocard, l’ancien Premier ministre de François Mitterand, qui avait souhaité que Ségolène Royal et François Bayrou s’unissent pour empêcher l’élection de Sarkozy à la présidence française, a dit que « cette alternative n’est pas très digne et pas très correcte ». Dominique de Villepin, dernier Premier ministre de Jacques Chirac, a affirmé, pour sa part, dans une interview accordée à LCI que « ce type de législation n’est pas de mise, n’a pas de place dans notre pays. Notre mémoire, notre histoire, nous conduit à condamner tout ce qui ressemble à ce genre d’arsenal ».

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Majorité divisée

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Même au sein de la majorité présidentielle et chez des amis apolitiques du président Sarkozy, des voix discordantes se sont fait entendre, soulignant le « problème éthique » que pose le projet. Ainsi, Nicolas Perruchot, porte-parole du Nouveau centre (rallié à Sarkozy) a déclaré : « je voterai contre ». Martin Hirsh, ancien président d’Emmaüs, devenu Haut commissaire aux Solidarités actives au sein du gouvernement, a dénoncé un texte qui pose problème. A l’UMP même (parti de Sarkozy), la secrétaire d’Etat à la Ville, Fadela Amara, a jugé « dégueulasse » d’instrumentaliser la question de l’immigration. Le socialiste Manuel Valls enfonce le clou : « C’est une faute lourde sur l’image de la France ». Et de remarquer : « Quand on maintient un principe contraire aux valeurs de la République, à la tradition familiale française, aux lois bioéthiques, les arrangements, l’édulcoration de dernière minute ne servent pas à grand-chose ». Comme pour ne rien arranger, le Comité national consultatif d’éthique a déjà jugé le dispositif « en contradiction avec l’esprit de la loi française », donnant raison au chef de file des députés PS, Jean Marc Ayrault, estimant que le projet est « quelque chose de malsain ». Les parlementaires socialistes ont décidé de saisir le Conseil constitutionnel pour annuler le dispositif. SOS Racisme, pour sa part, « continuera la résistance jusqu’au retrait définitif du projet honteux pour la Franche », soulignant que la pétition qu’elle a lancée « a dores et déjà rassemblé plus de 215 000 signatures en quelques jours ».

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L’examen des conclusions issues de la Commission mixte paritaire (CMP) aura lieu le mardi 23 octobre au matin à l’Assemblée nationale. Il sera ensuite examiné dans la soirée par les Sénateurs dont le vote équivaudra à une adoption définitive. C’est alors qu’on verra si le génie de Sarkozy ne déposera pas un nouveau projet de loi introduisant la possibilité de recourir à des tests d’ADN pour déterminer qui peut siéger au gouvernement français et à l’Elysée.

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Amadou N’Fa Diallo

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