L’immigration clandestine, rançon de la faillite des Etats africains

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Fatoumata Sillou, jeune femme au sourire déroutant, âgée d’une trentaine d’années environ, est Zaïroise et vit à Bamako avec ses trois enfants respectivement âgés de cinq ans, deux ans, et d’un an.  Fatoumata et Issa, son époux,  sont en quête d’argent et  de faux papiers pour pouvoir rentrer en France. Comme eux, des centaines de milliers de jeunes Africains courent après l’argent et les précieux documents. Convaincus qu’ils n’accéderont jamais au visa Schengen, même par des moyens détournés, des centaines de milliers d’autres jeunes Africains tentent d’aller à l’assaut de l’Europe occidentale par les mers,  fleuves, les rivières, les étangs, les lacs, les montagnes, les déserts etc.

 Pourtant chacun de ces candidats à la traversée de l’Atlantique ont dû entendre parler des affres de l’aventure en Europe. Ces discours, évidemment, ne dissuader  aucun de ces candidats qui prennent les tenants de pareils discours pour des égoïstes ou des fous : « Comment voulez-vous nous faire croire à de tels discours ? Nous nous ne pouvons pas croire à ces paroles. Nous voyons à longueur de journée les deux cents, trois cents ou quatre cents francs CFA et même plus  que ceux qui sont en France ou en Espagne envoient à leurs familles. D’autres font partir à la Mecque leurs pères et mères. Vous voulez que nous nous restions ? Voyez, vous-mêmes ! », soutiennent les jeunes Hango Kanouté de Logo-Dibagnouma (Kayes), Mamadou Tall de Soutoukhoulé (Kayes) et bien d’autres candidats au départ. De même les candidats au départ, grâce aux médias du monde entier, savent toutes les tragédies se jouant dans le Sahara. On estime à plus de 2500 le nombre d’Africains ayant péri entre 2000 et 2005 dans l’immense Sahara. Que dire des hécatombes de Ceuta et Mellila ? En vérité nulle ne saurait dire aujourd’hui avec exactitude le nombre des pertes en vies humaines d’Africains qu’engendre le chemin de l’exil. Et chaque jour que le Bon Dieu fait les barrières entre l’Occident et l’Afrique ainsi que les mesures répressives contre eux se renforcent davantage. Tout ça, les candidats au départ n’en ont cure : « Mais cela n’empêchera pas les candidats à l’exil de tenter de passer. Nos balles n’arrêtent personne.[…] D’autant plus que les Africains n’ont rien à perdre. On pourra toujours édifier un troisième grillage, creuser un énorme fossé, ils passeront toujours. Ce n’est qu’une question de rythme. », reconnaît un agent de la Garde civile espagnole de Ceuta.

Bon Dieu ! Qu’ont-ils tous à vouloir partir les jeunes d’Afrique ? « Ils veulent partir parce qu’il y a la détérioration des termes de l’échange, le poids de la dette, la conjoncture internationale, la sécheresse et même les criquets pèlerins …etc. », répondraient en chœur les Chefs d’Etats et de Gouvernements africains. Evidemment, rien n’est plus faux que ces arguments qu’ils nous rabâchent depuis le départ du colon. En vérité, les jeunes Africains d’en-bas rêvent tous de partir parce que les Etats d’Afrique ont fait faillite depuis belles lurettes et qu’ils ont été immolés, eux les proies faciles. Et personne mieux que Yaguine ou Fodé, deux garçons Guinéens de 14 et 15 ans retrouvés morts en fin juillet 1999 du train d’atterrissage d’un avion de la Sabena, ne saurait décrire la tragédie que vivent des millions de jeunes Africains d’en-bas : « La guerre, le manque de nourriture. […] Nous avons des écoles, mais un grand manque d’éducation ; sauf dans les écoles privées, qu’on peut avoir une bonne éducation et un bon enseignement, mais il faut une forte somme d’argent, et nos parents sont pauvres. […] Donc, si vous voyez que nous nous sacrifions et exposons notre  vie, c’est parce qu’on souffre trop en Afrique et qu’on a besoin de vous pour lutter contre la pauvreté et mettre fin à la guerre en Afrique. […] », écrivent-ils dans la lettre retrouvée sur l’un d’eux et qu’ils ont adressée aux Dirigeants Européens qu’ils appellent dans leur correspondance : « Excellences, Messieurs les responsables d’Europe ».

         Malheureusement cette tragédie décrite par nos frères Guinéens ne fait qu’aller de mal en pis depuis 1999. Aujourd’hui tout jeune Africain d’en-bas qui aspire à une vie décente n’a plus que deux alternatives : se prostituer physiquement ou intellectuellement.

   De plus en plus de gens trouvent le contraire en arguant qu’il y a la terre en Afrique. La terre n’y existe pas pour tout le monde comme du reste ne profite pas de la terre qui veut : « L’agriculture n’est pas faite pour les pauvres » nous dit toujours le jeune Hango Kanouté de Logo-Dimbagnouma (Kayes) et la situation de l’Afrique sous-alimentée malgré les 80p. 100 de sa population travaillant dans l’agriculture est là pour lui donner raison. Comment taire le fait que les grands d’Afrique et leu famille ont également investi le commerce et tout le secteur informel qui a longtemps soutenu les jeunes Africains d’en-bas ?

    Dans le même ordre d’idées d’autres arguments spécieux, le plus souvent développés par d’alter-mondialistes, tentent de nous faire que l’Afrique est riche. Bien sûr que l’Afrique est riche de toutes les richesses du monde. Mais les Africains d’en-haut se sont-ils jamais donné la peine de faire profiter ces richesses à l’Afrique ? L’Afrique est certes riches mais riche de la misère intellectuelle et morale de ses grands. Et ils sont si miséreux intellectuellement et moralement dans leur grande majorité qu’au lieu de travailler corps et âme pour améliorer le sort des millions de jeunes Africains comme les grands d’Occident ont fait pour les leurs, ils entreprennent tout pour faire accoucher leurs femmes et autres maîtresses dans les cliniques occidentales afin que leurs enfants puissent accéder aux nationalités française, canadienne,  nord américaine, suédoise, helvétique, allemande, norvégienne …etc. Tranquillement ! Histoire de garantir une sécurité à vie pour leur progéniture.

  La sécurité de la jeunesse africaine d’en-bas c’est pas leur affaire : « Nous n’avons ni les moyens ni le temps de faire l’Afrique. L’Afrique, c’est vous qui la ferez » a osé soutenir le Président Touré du Mali à la jeunesse africaine à Bamako lors de son forum. La jeunesse africaine veut bien faire l’Afrique. Mais comment une jeunesse aussi démunie, affamée, assoiffée, malade, mal logée, ignorante et abrutie dans son écrasante majorité peut-elle construire l’Afrique ? Autant dire que l’Afrique ne se fera pas. Et tant que l’Afrique ne se fait pas il y aura toujours des tentatives, beaucoup de tentatives de départs pour l’Europe,  des tentatives qui se solderont toujours en échec cuisant car  le Ministre français de l’Intérieur, Monsieur Nicolas Sarkozy est formel : « Nous ne pouvons plus accueillir sur notre territoire des femmes et des hommes dont nous n’avons pas les moyens de garantir la dignité » tout comme le Président Chirac, en décembre dernier à Bamako, a été, on ne peut plus, clair : «Ce n’est pas en France que se construira l’avenir de la jeunesse africaine. ». Dès lors la jeunesse africaine d’en-bas peut aller trépasser dans le Sahara ou se faire sauter la cervelle à Ceuta ou Mellila.  Mais alors ça va continuer comme ça jusqu’à quand ? Les jeunes Africains sont-ils faits uniquement pour être envoyés, les yeux ouverts, à l’échafaud de l’exil ?

 Aujourd’hui plus que jamais les Etats africains doivent rendre compte de leur forfait car ils ont trop longtemps outragé « le droit à un travail utile et rémunérateur dans les industries, les commerces, les exploitations agricoles ou minières du pays ; le droit  à une rémunération suffisante pour se nourrir, se vêtir et se distraire ; le droit pour chaque agriculteur de cultiver et de vendre ses produits avec un profit lui assurant une vie décente, à lui et à sa famille ; le droit pour chaque commerçant, gros ou petit, d’exercer son activité dans une atmosphère de liberté sans être gêné par la concurrence ou la domination exercée par les monopoles, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger ; le droit pour chaque famille à un logement décent ; le droit à une assistance médicale appropriée et la possibilité de vivre en bonne santé ; le droit à une protection appropriée contre les risques économiques provenant de la vieillesse, de la maladie, des accidents ou du chômage et le droit à une bonne éducation …etc. », droits reconnus par la Déclaration économiques de 1944 du Président Franklin Roosevelt, plus tard repris  par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 des Nations Unies, reconnus et renforcés par l’instrument juridique à caractère contraignant qu’est le Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ; et synonymes de sécurité sans laquelle la paix reste un vain mot.

       Comment emmener les Etats africains à rendre compte de leur forfait lorsque la plupart des faiseurs d’opinion africains mangent déjà ou rêvent de manger à la table des grands ? Le bout du tunnel assurément n’est pour demain pour la jeunesse africaine d’en-bas. Mais « c’est là où il y a des tombeaux qu’il y a des résurrections ».

Hawa DIALLO

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