Grogne sociale : IBK à l’épreuve de l’histoire

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Il y a quatre ans environ, il a été élu proprement, il faut le connaître, grâce au contexte national alimenté de coup d’Etat et de crise sécuritaire au double dessein indépendantiste et islamique voire terroriste. Mais, s’il est arrivé au pouvoir à la faveur de la crise politico-sécuritaire de laquelle notre pays peine encore à se remettre, c’est parce qu’il s’était forgé quelques années plutôt, c’est-à-dire pendant le temps qu’il a exercé la fonction de premier ministre, la réputation d’un homme de fermeté.

Ainsi, massivement, les maliens s’étaient mobilisés pour son élection. Les uns l’avaient juste voté. Les autres, ont également fait voter pour lui en plus de leurs propres votes. Sa légitimité ne souffrait pas de doute. Cependant depuis qu’il est arrivé au pouvoir, des événements n’ont pas cessé de la fragiliser. Au nom du réalisme politique, il a commencé par se rapprocher de l’ancien chef de l’Etat Moussa Traoré. On se souvient qu’il l’avait qualité d’homme d’Etat redoutable et de grand républicain. Ce qui me semble une insulte et de la mémoire des victimes des événements de 91 et des acteurs du mouvement démocratique. Certains disent qu’il voulait blesser l’ancien président Alpha Omar KONARE. De toute façon c’était une grave faute politique. Il aurait cherché à blesser son ancien ami autrement. Peut être qu’il a oublié qu’il a sacrifié le sort des milliers de jeunes maliens pour sauver le pouvoir de celui qu’il prétend combattre aujourd’hui en leur infligeant des années facultatives et pire des années blanches. En outre, il y a des personnalités politiques que la plus part de ses électeurs ne voulaient plus voir aux affaires. Au lendemain de son élection, elles étaient presque toutes revenues au pouvoir. Les motifs de la démission de son ancien premier ministre, Omar Tatam Ly a jeté sur son pouvoir un large discrédit. M. Ly dans sa lettre de démission aurait dénoncé le laxisme, le népotisme et la corruption qui mine le pays. En rendant le tablier, c’était une manière de dire qu’il n’en sera pas complice.

On croyait surtout qu’avec son arrivée aux affaires, il allait rétablir l’honneur et la dignité du Mali comme il l’avait promis pendant les campagnes présidentielles. Mais il n’en a rien été. Il avait promis de ne pas négocier avec les rebelles pendant les campagnes électorales présidentielles ainsi qu’au lendemain de son investiture. ATT avait suggérer commencer directement par la gestion politique de la rébellion touareg. IBK, pour se faire élire, avait promis aux maliens la guerre totale. Mais il a fini par négocier avec le couteau à la gorge.  Il a même osé dire une fois, pour se venger de son ancien Premier ministre, Moussa Marra qu’aucune fanfaronnade politique ne va l’emmener à Kidal. Le comble est qu’il se propose même de le poursuivre pour le fait que sa visite à Kidal s’était soldée de morts. Il doit être dans la diversion et le dilatoire. Il ne va pas oser le mettre en prison parce que personne ne va lui croire. Il n’ose pas dire que Marra est parti à Kidal contre son gré. Il y a forcement un autre motif pour son projet. Il ne peut être que politique. Il est électoral ou diplomatique. IBK peut vouloir mettre Marra en prison pour qu’il ne soit pas un obstacle en 2018. Il peut vouloir l’enfermer également juste pour faire plaisir à la communauté internationale. Si c’est au nom du réalisme politique qu’il veut sacrifier Marra, il est bien possible de dire qu’il est passé de la fermeté à la compromission.

Pourtant, la déception des gens ne vient pas tellement du fait qu’il a failli de fermeté dans la gestion de la crise. Si nombreux sont les maliens qui ne se reconnaissent plus en lui, c’est moins son échec dans la gestion de la rébellion que les scandales de corruption dans lesquels des éléments de son entourage immédiat sont impliqués. Il est su budgétivore, mais on ne pouvait pas croire qu’il pouvait oser se permettre ou même permettre à d’autres de voler l’argent public après la confiance et l’espoir que le peuple malien a placé en lui.

Il s’agit entre autres de l’affaire de l’avion présidentiel, l’achat d’équipements militaires, d’engrais frelaté et de tracteurs. La liste est loin d’être close.

Au fait, la grogne sociale qui ne cesse de se durcir n’est ni plus ni moins que l’expression de l’immense espoir déçu. Plusieurs syndicats, notamment la santé, la justice, l’Education, l’Enseignement supérieur, les collectivités territoriales, les inspecteurs de travail, les « diplomates », la magistrature ont décidé de se faire entendre. Ils ne cherchent pas à prendre le pouvoir, ils veulent juste l’amélioration des conditions de vie et de travail de leurs militants. Des grèves perlées, la grogne sociale est entrain de s’organiser. Peut être qu’elle va produire de l’inattendu et donc du miracle. On dit que la bourse du travail commence à être occupée par les organisations syndicales. Malgré « le changement de gouvernement », il faut craindre qu’elles ne finissent par se coordonner. La grève commence à prendre la forme de la contestation, de la protestation voire même de la mise en garde. Par le truchement des organisations syndicales, les Maliens se font de plus en plus entendre.

Ainsi, six syndicats de l’enseignement ont appelé leurs militants à une marche pacifique sur l’ensemble du territoire national. Une autre est prévue pour le 27 de ce mois. Objectif ? Donner de la voix face à un gouvernement dont la priorité semble ne pas être le bien être des maliens. Il est vrai que la grève illimitée du syndicat national de la santé et de l’action sociale a été levée grâce à la clairvoyance du tout nouveau premier ministre. Cependant pour l’enseignement supérieur, la grève n’est pas levée et donc les problèmes risquent de se compliquer. Ce qui fait planer le spectre d’une année blanche. Selon une source sécuritaire, des étudiants de l’école de médecine ont voulu marché sur Koulouba. Ce qui risque de se généraliser dans les jours à venir.

Il convient de noter que les gouvernants ne se soucient pas de la souffrance des citoyens. Ils n’ont pas conscience que dans les familles, les gens arrivent difficilement à s’offrir les (trois) repas quotidiens. Les Maliens ont faim ! Ce qui en rajoute au malaise social. A l’opposé, une minorité constituée autour du clan et de la famille, exhibe maladroitement ses butins et son luxe. Dans cette ambiance nauséabonde, les populations sont confrontées à une augmentation vertigineuse des prix des produits de première nécessité.

Pour gérer la grogne sociale et donc alléger la souffrance des populations, il fallait réduire considérablement la taille du gouvernement. Mais malheureusement, le partage du gâteau que le président a promis de combattre et donc le réalisme politique a prévalu sur le souci du développement du Mali. On scande que le Mali est pauvre et au même moment, dans les faits, on voit que la corruption, le népotisme ne cessent de cheminer jusqu’au plus haut sommet du pouvoir. Face aux revendications corporatistes, les autorités jouent au dilatoire, à la division et au mépris. Alors chaque année le Vérificateur Général publie dans son rapport une perte de plus de trois cents milliards de francs CFA. Et il faut être certain que son rapport est largement en deçà de la réalité.

Les gouvernants doivent comprendre que nous ne sommes plus au temps de la fondation, où il était possible de demander l’investissement humain. A l’époque, il était évident que le pouvoir politique, malgré toutes les critiques qu’il était possible de l’adresser, avait le souci du bien être de ses populations. Maintenant les choses ont radicalement changées. Les gouvernants n’ont que souci pour eux-mêmes. Malgré tout on veut nous faire revivre les principes du pouvoir de la fondation. Les populations ne vont jamais accepter ce jeu parce que l’inégalité du partage est flagrante. Le problème ce n’est pas la grogne sociale contrairement à ce que certains veulent faire passer dans l’opinion mais plutôt l’hypocrisie et le mépris des gouvernants vis-à-vis de la souffrance de leurs propres citoyens.

La vérité est que les gouvernants ne veulent rien céder sur les milliards qu’ils détournent chaque année au vu et au su de tout monde. Mais ont intérêt à comprendre que les temps ont changé. On est à un moment où les peuples ne veulent rien céder de leur droit à la vie et à la liberté. Ce qui est regrettable, c’est le fait que pour se faire entendre, il faut toujours recourir à la violence.  L’histoire va juger.

Bakabigny KEITA

Professeur de Philosophie politique

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