Le défi de l’industrialisation au Mali : Le chemin de la relance et de la croissance est balisé

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Les autorités se fortement engagées aux côtés des investisseurs et des employeurs. Ces derniers ont aussi leurs idées pour la promotion du secteur

Le constat est là : notre pays dispose d’atouts naturels suffisants pour se doter d’une industrie diversifiée et performante. Le résultat est également là : nous importons encore en trop grande quantité des biens de consommation qui pourraient être produits localement. Et la réalité est aussi là : dans plusieurs cas, la production, la transformation et la valorisation ne peuvent être étendues, faute d’infrastructures industrielles adaptées.
Le fait que l’industrialisation reste encore embryonnaire au Mali génère des conséquences bien connues. Chaque année, les zones de forte production enregistrent d’énormes pertes post récoltes. Des pertes atteignant pour les denrées agricoles périssables (comme les fruits et les légumes) une moyenne de 35 à 50 % de la production réalisable totale ; alors que pour les céréales, le taux varie entre 15 et 25 %. C’est pourquoi la promotion d’une industrie performante – ne serait-ce que déjà au niveau de la transformation – est considérée comme fondamentale pour le développement économique de notre pays. Les autorités maliennes en sont conscientes. Et ont répondu par l’élaboration d’une Politique nationale de développement industriel qui favorise l’implication du secteur privé. Ce cadre de travail permet de relever le principal challenge de l’heure qui est de relancer un secteur privé convalescent, une industrie grippée, un commerce au ralenti, une inflation en hausse, un budget de l’État sous forte pression. Autant d’actions à boucler impérativement pour remettre solidement notre économie sur le chemin de la croissance.

 
A cet effet, la Politique nationale de développement industriel adoptée en 2010 s’est dotée en juin dernier d’un nouveau plan d’action 2015 – 2017. Ce plan est basé sur la restructuration et le renforcement de l’efficacité des services d’appui à l’industrie avec la création, en plus de la direction nationale de l’Industrie, de l’Agence malienne de normalisation et de promotion de la qualité (AMANORM), du Bureau de restructuration et de mise à niveau des entreprises industrielles (BRMN), du Centre malien de promotion de la propriété industrielle (CEMAPI) et du Centre pour le développement de l’agroalimentaire (CDA).

 
UNE COMPÉTIVITÉ AMÉLIORÉE. Pour le directeur national de l’Industrie, Sékou Keita, 2015 aura été une année charnière et déterminante pour dans la mise en œuvre de la Politique citée plus haut. « Au niveau de la DNI, des actions majeures visant le suivi et l’accompagnement des entreprises industrielles ont été menées. 120 projets industriels ont reçu la visite des missions de suivi et de contrôle sur le terrain. Le contrôle effectué sur 60 huileries a débouché sur la fermeture de 17 unités. Le recensement en cours des entreprises industrielles sur toute l’étendue du pays a permis d’en dénombrer à ce jour 785 évoluant dans divers domaines. En outre, les exportations de produits maliens sur le marché communautaire se sont situées au niveau record de 32 milliards de Fcfa.

 
Le directeur national de l’Industrie reconnaît cependant que nos entreprises industrielles font face à une multitude de difficultés : l’insuffisance des infrastructures de base, la faiblesse de l’offre de financement du secteur industriel, le coût élevé des facteurs de production, l’insuffisance des ressources humaines, la faible qualité de la gouvernance des entreprises, la fraude et la vétusté des équipements de productions. C’est pour trouver des solutions à ces difficultés que le gouvernement, à travers un comité interministériel de suivi du cadre macroéconomique, a pris des mesures pertinentes pour relancer les entreprises en difficulté à travers un contrat de performance qui engage aussi bien les entreprises que le gouvernement. En 2010, la COMATEX, la SONATAM, FITINA, HUICOMA Sana, SOFACOH, BATEXCI, MASEDA industries et la SOGDS avaient émis le souhait de bénéficier des opportunités qu’offrait cette initiative. Il fallait aux postulants remplir trois critères de sélection : être une entreprise industrielle à caractère stratégique pour l’économie nationale, posséder un nombre importants d’employés et être dotée d’une capacité à se relancer financièrement.

 
Selon le patron de la DNI, grâce au mécanisme mis en route par le contrat de performance, les sociétés bénéficiaires connaissent aujourd’hui une croissance réelle et figurent parmi les plus dynamiques du pays malgré la crise. Notre interlocuteur a pris comme exemple d’une compétitivité améliorée l’industrie textile. Le contrat y a permis l’amélioration du taux de transformation du coton fibre de notre pays et il rendu possible l’atteinte l’objectif de l’agenda coton de l’UEMOA (25% à l’horizon 2020). Le mécanisme mis en œuvre a permis également le maintien des emplois existants.

 
Si le gouvernement tient à souligner la qualité de l’accompagnement fait au secteur privé, les acteurs de celui-ci sont unanimes à insister sur leurs mérites propres dans l’amélioration de la performance. Ils soulignent tout particulièrement les efforts faits pour mieux s’organiser. Le président de l’Organisation patronale des industriels maliens, Cyril Achkar reconnaîtra sans hésitation que l’année 2015 a été déterminante dans la stratégie de relance industrielle engagée par le gouvernement notamment à traverses la poursuite de la mise en œuvre des 21 propositions de réformes de relance du PIB de la manufacture contenu dans un livre blanc. « Ces 21 solutions que nous avons identifiées depuis 2012, indique notre interlocuteur, sont une réponse intuitive aux maux de l’industrie actuelle, à savoir la mauvaise application des textes communautaires et nationaux, la banalisation de l’industrie dans le fonctionnement quotidien de l’administration, le déficit de la culture industrielle, le manque d’audace dans les réformes à mener, un arbitrage budgétaire défavorable à l’industrie ».

 
LA RECONNAISSANCE DE LA NATION. Toutes ces questions ont fait l’objet de six études. Par exemple, l’étude sur l’instauration d’un taux de 5% pour la TVA industrielle lance en conclusion un message fort à l’attention de tous les acteurs économiques. Ce message incite ces derniers à créer une usine plutôt que de bâtir un immeuble ou de se lancer dans l’importation de produits finis qui accentue notre déficit commercial. La réforme constitue aussi un signal adressé à une partie des cadres de la diaspora qui pourraient rentrer et mettre leurs expertises au service de ces usines. Dernier avantage de la minoration du taux de TVA, celle-ci offrira la possibilité de mieux répondre au challenge des 200 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année.

 
Cependant, insiste Cyril Achkar, les véritables challenges de l’industrie malienne sont la modernisation des usines ainsi que la lutte contre la fraude et la contrebande. Ce dernier combat, devrait à son avis, être mené à travers de la relecture des procédures de saisies improductives pour les corps habillés, ou encore sur les textes régissant la libre circulation des biens dans la zone UEMOA/CEDEAO qui légitiment la fraude intellectuelle au détriment de l’industrie des pays de l’hinterland comme le Mali, le Burkina et le Niger. A cela s’ajouterait une proposition de conciliation fiscale pour renforcer la sécurité des investisseurs afin de les inciter à aller à l’industrie.

 
Les industriels maliens ont d’autres propositions qui figureront dans le tome 2 du Livre blanc dont la publication est prévue pour cette année. Notre interlocuteur dévoile certaines suggestions qui concernent par exemple la remontée du ministre chargé de l’Industrie dans l’ordre de préséance gouvernementale, l’augmentation à 15% de la part du budget national consacré à l’appui au secteur industriel, la reconnaissance publiquement décernée par la Nation aux investisseurs et employeurs méritants à travers des décorations.
Pour le ministre de l’Industrie et du commerce, Abdel Karim Konaté, les performances enregistrées en 2015 sont surtout imputables à la qualité des mesures prises par le gouvernement aussi bien pour corriger les imperfections du marché que pour encourager et promouvoir l’industrialisation.

 
Les actions entreprises en 2015 ont surtout permis de lever certains obstacles qui empêchaient le secteur l’industriel d’entreprendre sa relance et de réaliser sa vocation de facteur de modernisation et de diversification de notre économie. « Pour consolider ces résultats, a t-il annoncé, nous allons cependant travailler davantage en 2016 pour relever les défis liés à l’insuffisance des infrastructures de base, au déficit énergétique, à la faiblesse des relations entre les branches économiques et industrielles, à l’accès au financement et à la technologie, à la gouvernance, à la compétitivité de notre industrie. Nous allons donc intensifier les investissements industriels et le développement des échanges commerciaux pour que la croissance dont jouit actuellement notre industrie puisse mieux résister aux chocs exogènes et se traduire par une transformation économique ».

 
DE BONNES PERSPECTIVES EN 2016. Pour le ministre, la modernisation de l’industrie malienne et l’amélioration de la performance de celle-ci restent un chantier capital pour le département. Car il ne s’agit plus seulement de produire, mais d’être compétitif pour espérer tirer son épingle du jeu sur des marchés de plus en plus ouverts et concurrentiels. C’est conscient de ces défis et des effets structurants et d’entrainement de l’industrialisation sur le reste de l’économie que l’Organisation patronale des industries a initié, en collaboration avec le département chargé de l’industrie et les partenaires au développement, un certain nombre d’études parmi lesquelles les études relatives à l’évaluation de la politique communautaire des échanges commerciaux intracommunautaires par rapport au secteur industriel du Mali ; à la création d’un taux réduit de la TVA applicable à la production industrielle nationale et l’aménagement ou la suppression de la Taxe sur les affaires financières (TAF) ; à l’institution d’une Autorité nationale de conciliation fiscale ; au renforcement des moyens de lutte contre la fraude (révision du Décret n° 229/P-RM du 3 juin 2002 portant répartition des produits des amendes, confiscations, pénalités en matière de contentieux douanier).
Sur le plan des actions concrètes, le Département chargé de l’Industrie a procédé à la signature de plusieurs protocoles d’accord avec des investisseurs industriels pour l’installation d’unités performantes. Le ministre a fait remarquer que 2015 a été marqué dans le secteur industriel par le démarrage effectif des activités de 32 nouvelles unités industrielles, la conclusion de nouveaux contrats de performance entre l’Etat et certaines entreprises en difficulté, dont les plus récents ont concerné la SONATAM, la COMATEX, la Société des terres cuites de Bamako, Embal-Mali et la SOMAPIL, la poursuite des travaux d’identification, de bornage et d’aménagement des zones industrielles ainsi que le renforcement des actions de lutte contre la fraude. La conjonction de ces différentes actions a eu un impact positif sur le secteur industriel de notre pays qui a enregistré une contribution de 6,5% à la formation du PIB. Les perspectives de 2016 s’annoncent tout aussi bonnes avec l’installation et le démarrage de plusieurs autres unités industrielles dans notre pays.
Le ministre Konaté rappellera que la contribution du secteur industriel dans la transformation des matières premières locales s’avère aujourd’hui indispensable pour notre pays qui regorge d’énormes potentialités agricoles. Et l’implantation en cours des usines renforcera la densification du tissu industriel de notre pays tout en améliorant des conditions de vie des populations des zones de production par l’accroissement et la sécurisation de leurs productions.

 
Il reste donc du chemin à faire avant d’atteindre l’industrialisation que méritent nos potentialités. Encore peu diversifiée, largement dominée par les petites unités de transformation, l’industrie malienne reste vulnérable aux chocs exogènes. En outre, la faiblesse des infrastructures et le coût de l’énergie et du transport constituent des freins essentiels à son développement. Le challenge à relever est donc de taille, mais il peut être remporté. A condition de ne pas contourner quelques questions essentielles. Quelle évolution pour notre industrie dans les prochaines années ? Comment promouvoir le développement du secteur manufacturier pour répondre aux besoins de consommation du pays ? Où faut-il réaliser les investissements et comment orienter les investissements vers des secteurs jugés primordiaux pour la croissance économique à long terme et la création d´emplois ? Quels enseignements notre pays peut-il tirer des expériences de passées ? Vastes interrogations. Mais auxquelles trouvera réponse l’intelligence mise en commun des autorités et des industriels.
D. DJIRÉ

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1 commentaire

  1. Les problemes d’industrialisation sont bien comprises tant par les departements ministeriels que par le Patronat.A mon avis,la grande difficulte reside dans le fait suivant:Comment passer d’une industrialisation dependante de demi-produits fabriques a l’exterieur a une industrialisation plus auto-centree,liee aux secteurs clefs de l’economie nationale et entrenant des relations d’achat et de vente avec les autres branches industrielles.Pour y parvenir,il faut un investisseur industriel qui implante des industries intermediaires,a commencer par
    un complexe siderurgique moyen d’un million de tonnes dont la capacite
    pourrait etre accrue avec une ligne de production d’acier plat.Des que le chemin de fer de Guinee sera construite,on pourrait envisager un laminoir d’aluminium.Le chemin de fer pourrait assurer l’approvisionnement de ces laminoirs de demi produits d’aluminium.
    L’industrialisation ne peut se concevoir dans un contexte d’industries isolees.L’industrialisation doit etre concue dans la perspective d’un developpement en grappes.Les grappes se constituent autour des industries intermediaires.Meme l’agro-industrie ou l’agro-alimentaire dont le role est de valoriser les matieres premieres agricoles,le probleme
    des materiaux d’emballages reste a resoudre;aussi longtemps que la solution sera l’importation des materiaux d’emballage,il serait difficile de pretendre a la productivite dans ce secteur.

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