De Biribougou à la rue Princesse : Les surprises du « Bamako By Night »

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    Se promener la nuit, dans certains quartiers de Bamako, n’est plus chose aisée. Les spectacles sont repoussants, pour la plupart. Notre reporter, qui est loin d’être un « couche-tard », est allé vivre cette expérience dont on parle de plus en plus à Bamako. Il nous est revenu avec quelques surprises de ce que l’on appelle le Bamako By Night. Naturellement, c’est de très bon cœur qu’il compte partager avec vous, les scènes délirantes qu’il a observées de très près, sans jamais oser auparavant deviner leur existence dans la capitale malienne le soir.

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    Franchement, j’avais des problèmes pour le choix d’angle d’attaque en me lançant sur les traces du Bamako By Night. Ce sujet a certes été plusieurs fois traité dans la presse, mais enfin, pour ma part, je me résolus à le faire, samedi dernier.

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    Après moult tractations, je finis par louer les services d’un chauffeur de taxi qui semble apparemment bien préparé au genre d’aventure que je m’apprêtais à entreprendre avec lui. Mieux, qui connaissait le terrain. Embarqués à bord de la carcasse brinquebalante – spécialisée dans le service de nuit -, nous quittons le centre ville pour nous retrouver sur l’Avenue de l’OUA, après avoir enjambé à vive allure le Pont des Martyrs. Nous arrivons à l’autogarre de Sogoniko. La place offre un spectacle désolant. On s’en rend vraiment compte le soir lorsque les lieux sont vides.

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     Quant à l’animation, elle est abasourdissante à cause d’une sono particulièrement puissante,  installée dans  le bar d’à-côté. Un bar très fréquenté le soir, en raison de l’ambiance endiablée qui y règne  mais aussi à cause des filles de joie qui le fréquentent. Des filles, Il y en a de tous les calibres : de la « Grobiné » aux galbes envoûtants et à la callipygie provocante, à la taille fine bien moulée dans une minijupe libérée à tous les vents du soir.

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     Nous n’avons rien payé pour entrer dans le bar, sauf que nous avons changé de démarche, évitant ainsi d’être pris pour des flics. L’intérieur est étroit, mais les gens s’y entassent sans gêne. Il est difficile de savoir le nombre de personnes qui s’étaient agglutinées dans cette petite pièce. Il y a foule en tout cas. Une foule composée notamment d’hommes et de femmes. La plupart  des femmes seraient de nationalité étrangère, nous dit-on.

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    Des regards interrogateurs se braquent sur nous. On aurait dit des rayons X, tant ils vrillent l’être. Très vite, nos compagnons (d’un instant) avaient compris que nous ne sommes pas des habitués du milieu. Accoudés au bar, nous essayons d’avoir des allures de gentlemen. Mais, cela ne dure qu’une petite minute, lorsque le barman  vient nous interrompre avec une série de questions. Un interrogatoire improvisé !

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    De visu, on commence à se méfier de nous et il faut trouver le moyen de se soustraire. Vite et bien ! Sans doute par crainte d’être agressé.   On prend prétexte alors de chercher une « go ». Dans le langage du milieu, la « go » signifie, fille. Celle qui nous intéresse s’appellerait Safi. Selon notre imagination vagabonde, elle est presque toujours habillée en jean et tee-shirt de style body. Malheur à nous ! Une fille répondant à notre description existe, par coïncidence, dans le milieu. On nous apprend sur le moment que Safi est son nom du soir, et qu’elle monte au « front » généralement vers une heure du matin. Le chauffeur de taxi me fait un clin d’œil rapide et intelligent et nous déclarons faire un tour pour revenir. Question de s’échapper, car ça sent le roussi.

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    Après avoir longé les Halles de Bamako, à quelques mètres du carrefour qui mène vers Niamakoro, notre véhicule vire à gauche et subrepticement, s’arrête devant un petit étage, à l’angle de la rue. Aussitôt, trois petites filles se pointent, venant de l’intérieur. Elles sont mal habillées et chacune mordille sur le filtre d’une cigarette tout en nous perçant du regard. Au rez-de-chaussée, on dirait un cagibi qui ne gêne pourtant en rien les nombreuses filles qui y dansent, se trémoussent et invitent les hommes à les rejoindre dans leur séance d’exhibition. Des gens bizarres, sont assis et les applaudissent à tout rompre.

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    Spectacle hallucinant

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     L’odeur de l’alcool, mêlée à celle de l’urine, emplit l’atmosphère et irrite les narines. Nous sommes, tout d’un coup, encerclés par une dizaine de filles qui, dans un élan de danse rituelle, tournent autour de nous avec force déhanchements, tout en nous demandant du feu pour allumer une cigarette. Le spectacle est hallucinant, mais nous devons user de subterfuges pour nous dégager de l’emprise, afin de reprendre notre pérégrination nocturne.

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    Hop ! À ma montre, il est minuit. Et, nous voilà maintenant quelque part, dans un espace perdu au quartier Sogoniko, et plus précisément, à « Biribougou ». Un vrai coupe-gorge ! Si vous voulez comprendre ce qui s’y passe, référez-vous à la racine du nom de ce lieu en bambara. Si « biri » signifie, se baisser en bamanan, sachez que là-bas, tout le monde se baisse. Car, après des marchandages d’une à deux minutes pour une « passe », le couple se courbe, la fille s’appuyant sur le mur pour dégager sa croupe. Le reste ne se décrit pas…

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    Ensuite, cap sur la rue princesse, au quartier Hippodrome. Le spectacle est hallucinant. De par et d’autre de la route, les péripatéticiennes attendent le potentiel client, et gare à la première voiture qui se gare : elle provoque une ruée vers « l’or ». Chacune voulant servir le client en priorité. Mais attention, dans les bars d’en face, sont tranquillement assis les proxénètes armés jusqu’aux dents. Et dont on dit qu’ils sont de véritables Lucky Luke, c’est-à-dire toujours prêts à tirer plus vite que leur ombre. Justement, un de ces colosses, patrouillant en moto dans sa zone d’opération, est venu corriger sauvagement une fille de son écurie, tranquillement adossée à un mur, attendant une proie.  Motif : la fille serait depuis quelques temps, peu productive, nous confie-t-on, sans autre forme de commentaire.

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    Vers le milieu de la nuit, nous descendons vers le rond-point Cabral de Lafiabougou. La zone qui s’étend de Lafiabougou à l’ACI est jugée « hot » par les connaisseurs. D’habitude, les péripatéticiennes prennent d’assaut la partie droite du rond-point. Mais nous ne voyons rien de ce côté. Selon les renseignements pris auprès des chauffeurs de taxis stationnés à l’entrée d’un bar à côté, les flics seraient déjà passés. Dans ce cas, les filles disparaissent toujours rapidement, fugaces, ombres chinoises se fondant dans le noir de l’obscurité.

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    Néanmoins, nous garons la voiture devant le resto chine-toque F…, histoire de donner à mon guide du jour le temps de griller une clop. Quelques minutes après, un taxi se gare à nos pieds et déverse aussitôt sa cargaison de quatre superbes nymphes dont l’une se hasarde à nous provoquer du regard, avant de se décider finalement à entamer avec nous, un dialogue. Elle est grande, belle, la poitrine bombée, toute de noir vêtue. Un pantalon qui enveloppe ses jambes de gazelle et un décolleté noir laissant apparaître son teint éclairci par les produits, pour briser sommairement l’uniformité. Elle dit venir d’un pays voisin et n’aimerait  pas trop discuter. Sur un ton ferme, elle nous communique ses prix : « 5.000 FCFA, pour la passe et, 15 000 balles, pour la nuit entière! À vous de voir…, quant à moi, je suis prête ».

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    Des maisons closes…

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    A trois cent mètres environ, faisant dos au marché de Lafiabougou, se trouvent alignés une multitude de lieux de débauche. Les trottoirs grouillent de monde. Les filles s’exposent comme du bétail et guettent le premier venu. On marchande sous le regard vigilant des « protecteurs » qui exhibent de temps en temps leurs biceps, à travers des tee-shirts moulants, spécialement choisis pour montrer le corps de gladiateurs qu’ils se sont taillé à coups d’entraînements intensifs

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    De toutes petites filles – des mineures pourrait-on dire – sont là, en train de se livrer au plus vieux métier du monde. Le chauffeur de taxi qui est un fin connaisseur, me glisse à l’oreille : « Il y en a même pour 1.000FCFA ». Elles sont là, à la pelle. Toutes prêtes à bondir sur le premier arrivé.

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    Même scénario à l’intérieur de l’ACI devant une villa cossue. Renseignements pris, il s’agirait d’une des nombreuses maisons closes qui poussent  à l’ACI 2000, comme des champignons.

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    Il faut retenir qu’à l’ACI 2000, la proximité et le pullulement des maisons de passe fait l’affaire des filles. C’est pourquoi elles ne s’en éloignent pas. Des « hôtels » proposant des chambres à des tarifs variant de 1500FCFA à 3000 FCFA, pour un couple qui veut se mettre à l’abri des regards indiscrets pendant une bonne heure, c’est une aubaine pour la mafia urbaine de Bamako.

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    Mais attention, n’allez pas croire que les péripatéticiennes ne se retrouvent qu’aux places citées dans ce reportage. Elles essaiment dans Bamako où il est désormais difficile de discerner, parmi la gent féminine, la bonne graine de l’ivraie. C’est l’autre versant de Bamako by night : les grandes artères de la ville sont envahies le soir par des professionnelles de l’autostop. C’est le cas de l’Avenue de l’OUA, où nous avons rencontré Fatim (pseudonyme) qui s’est approchée de notre voiture pour nous lancer d’un ton osé : « Chéris, j’ai envie d’aller me promener ! ».

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    Avec mon guide, je tourne sans cesse dans des places diverses et variées, tout comme nous parcourons des rues et ruelles où le spectacle servi renvoie à des films tournés ailleurs qu’au Mali. Il est étonnant aussi qu’un bout de phrase revienne souvent dans les propos de ces travailleuses du soir : « Passe-temps ou une nuit ? ».

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    Les quelques entretiens, que nous avons eu ça et là, enseignent sur les pays d’origine des filles : tous les Etats de la CEDEAO sont représentés dans cette activité du soir à Bamako. Les maliennes qui s’y retrouvent,  viennent aussi de tous les quartiers de Bamako. Excusez-moi, mais il est temps d’écourter ce film qui ne finira peut-être jamais en réalité.

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    Amadou Bamba NIANG
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