Interview du ministre délégué au budget à propos de l’impact de la crise sociopolitique et sécuritaire sur les finances publiques : “Le pays est en récession mais les salaires seront payés à terme échu” dixit Marimpa Samoura

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Marimpa Samoura : ministre budget

Depuis les événements du 22 mars, les partenaires techniques et financiers ont suspendu leur appui budgétaire au Mali. Une situation qui inquiète beaucoup de Maliens quant à la capacité du Gouvernement de transition de pouvoir faire face à la situation. Ainsi, dans un entretien qu’il a bien voulu nous accorder le ministre délégué au budget, Marimpa Samoura, nous parle de l’impact de la crise sociopolitique et sécuritaire sur les finances publiques, l’état de  la coopération budgétaire entre le Mali et les partenaires techniques et financiers. Avec les quelques ajustements qui ont été faits, Marimpa Samoura soutient mordicus que l’Etat honorera ses engagements pour ce qui est du payement des salaires.

‘Indépendant : Quel est l’impact de la crise sociopolitique et sécuritaire sur les finances publiques ?

Marimpa Samoura : La loi de finances initiale 2012 a été lourdement affectée par la crise sociopolitique que le Mali a connue au premier trimestre de l’année 2012. Elle a entrainé la suspension de l’aide au développement et de grandes incertitudes sur les objectifs de recettes budgétaires en raison de la contraction de l’activité économique.

En effet, les objectifs de croissance économique du budget 2012, initialement fixés à 5,5%, ont été révisés à -3,1% pour tenir compte de la baisse de l’investissement public d’environ 73%, d’une part et de la récession constatée au niveau des secteurs secondaires (-1,9%) et tertiaire (-8,8%), d’autre part. Dans ce contexte, le Gouvernement a été amené à conduire une politique budgétaire très restrictive afin d’éviter une impasse budgétaire et d’assurer la stabilité macroéconomique.

La loi de finances initiale 2012 a été révisée pour ne retenir que le niveau des recettes intérieures ajustées de l’impact de la contraction de l’activité économique et des mesures d’exonération fiscales. En l’absence de financement extérieur, le niveau des dépenses a été réduit en tenant compte des ressources mobilisables, tout en dégageant des marges à l’intérieur pour faire face aux préoccupations sécuritaires du pays. Ainsi,   les ressources de la loi de Finances initiale 2012 ont été réduites de près de 400 milliards passant de 1 341,508 milliards de FCFA à 941, 659 milliards de FCFA, soit une réduction de 29,8%.

Quant aux dépenses, elles sont passées de 1 483, 495 milliards à 988,605 milliards de FCFA, soit une baisse de 33,4%. Les dépenses d’investissement ont été les plus touchées passant de 544 milliards à 145 milliards de FCFA, soit 73,3%.

Pour la loi des finances 2013, on l’a voulue aussi prudente en élaborant un budget basé uniquement sur les ressources intérieures. Dans ce cas, tous les secteurs largement financés sur des ressources extérieures seront durement touchés.

Après la suspension des appuis budgétaires, vous avez été amené à faire des ajustements. Quels sont les secteurs les plus touchés ?

 

Tous les secteurs ont été touchés par la réduction des dépenses,  mais les secteurs productifs sont les plus affectés en raison de leur forte dépendance des financements extérieurs,  il s’agit des secteurs de l’agriculture, des mines,  de l’hydraulique, de l’industrie,  de l’urbanisme, des travaux publics et des  transports.

Ainsi, à l’agriculture, nous avons un taux de réduction de -60,9%. Au niveau des mines, de l’hydraulique et de l’industrie, le taux de réduction est de -67,2%. A l’urbanisme et aux travaux publics, nous avons un taux de réduction de -73,5% et -68,5% au transport.

Dans quelles recettes avez-vous puisé pour que l’Etat puisse faire face à la situation ?

Avec la suspension de l’aide au développement (dons, prêts et appuis budgétaires), le fonctionnement de l’Etat a été assuré sur les recettes budgétaires intérieures constituées des recettes fiscales (impôts) et des recettes non fiscales (dividendes).

Les partenaires techniques et financiers ont suspendu leur collaboration financière avec le Mali,  pouvez-vous nous donner l’assurance que le Mali ne sera pas en cessation de payement ?

 

Malgré la suspension des relations financières avec certains partenaires, le Mali entend respecter ses engagements. Ainsi, les échéances du service de la dette publique sont honorées même si c’est souvent avec des retards. Cette volonté du gouvernement de respecter ses engagements financiers est traduite dans la loi de finances rectificative 2012 et dans le projet 2013 avec l’inscription du service de la dette pour les années 2012 et 2013.

 Est-ce que les salaires seront payés à bonne date ?

Les salaires font partie des dépenses prioritaires de l’Etat.  Par conséquent, les recettes sont prioritairement orientées vers ces dépenses.

Quelle leçon avez-vous à tirer de cette crise au plan économique ?

Malgré la crise, nous n’avons pas encore connu une instabilité macroéconomique à cause de la bonne tenue de la gestion des finances publiques.  Le pays est en récession économique en 2012 du fait de la contraction des dépenses publiques à la suite de la suspension de l’aide au développement. Ceci dénote la forte dépendance de notre économie de cette aide et sa vulnérabilité.

Il nous faut de plus en plus mettre l’accent sur la mobilisation des recettes intérieures afin de minimiser ce facteur de vulnérabilité de notre économie.

Entretien réalisé par Abdoulaye DIARRA

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