Révision de la constitution de 1992 : La troisième tentative sera-t-elle la bonne ?

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A l’issue du Conseil des ministres extraordinaire, vendredi, le Gouvernement a entériné les retouches apportées à la constitution par le Comité des experts, qui consacrent du coup la nouvelle ossature institutionnelle du Mali. Une démarche qui est la suite logique d’un processus consécutif à l’Accord d’Alger, dans le cadre duquel l’Etat s’est engagé pour un nouveau schéma institutionnel qui bouleverse l’ordre en vigueur.
Après la révision constitutionnelle et le rapport des experts, IBK et son gouvernement viennent de franchir un pas de géant vers le bouleversement institutionnel en gestation. À commencer par le nombre d’institutions, qui connait une légère augmentation avec l’avènement du bicaméralisme (Sénat et Assemblée nationale) et de la Cour des Comptes, deux nouveaux  éléments qui viendront  intégrer la galaxie où disparaît la Haute cour de justice à peine fonctionnelle en tant qu’institution, tandis que l’appellation du Conseil économique social et culturel s’étend à l’environnement.
En faisant entériner les modifications apportées à la constitution par le Conseil des ministres extraordinaire du vendredi, le gouvernement leur confère du coup la dimension d’un projet de loi référendaire à faire examiner par la représentation nationale où on peut s’attendre à de sérieuses agitations en lien avec certaines zones d’ombres. Y figure par exemple la possibilité de passer outre le peuple pour opérer d’éventuelles modifications directement par les deux chambres réunies. Va-t-on y voir une manœuvre pour déverrouiller la limitation des mandats présidentiels ? En attendant d’être édifié sur les domaines admissibles à ce nouveau créneau, il est de notoriété publique en démocratie moderne que pour n’importe quelle retouche d’une quelconque disposition de la loi fondamentale le peuple souverain du Mali devrait être la référence et sa consultation par référendum demeure la mieux appropriée.
Sur tout un autre plan, il convient de signaler que le Mali n’en est pas à son premier processus de révision constitutionnelle. La série a débuté depuis 2001 avec le projet de constitution finalement relégué aux placards par le président Alpha Oumar Konaré, qui a choisi de reculer devant les pressions du lever de bouclier déclenché par une tendance minoritaire de la classe politique malienne. En effet, malgré une large adhésion de l’Assemblée nationale, la loi référendaire a été réduite en avorton aux grand dam des moyens financiers colossaux consentis pour rendre le processus aussi participatif que possible. Idem pour la plus récente tentative également conduite par Daba Diawara jusqu’au vote de la loi référendaire avant de buter contre une avalanche de contestations de la société civile ainsi que les obstacles sécuritaires liés à la coïncidence malencontreuse de la rébellion avec le processus des élections générales dans son ensemble.
Mais à la différence des deux premières épreuves, le processus en cours ne résulte point d’une initiative propre aux hautes autorités. On évoque certes une promesse de campagne présidentielle ainsi que la mise à nu des insuffisances par la crise sécuritaire, mais il est plus imposé par les engagements auxquels le pouvoir a souscrit en signant l’Accord pour la paix et la réconciliation. Lequel accord exige une adaptation de la loi fondamentale de 1992 aux concessions que leur ont arrachées les mouvements rebelles en termes de réorganisation institutionnelle du pays.
Cette singularité du projet constitutionnel de l’ère IBK suffira- t-elle comme gage d’effectivité du changement constitutionnel et d’assurance que le signe indien des référendums sera  vaincu au Mali, après deux tentatives ratées ? Difficile de parier là-dessus, quand bien même les hautes autorités se distinguent par un entrain incomparable pour s’acquitter de leur partition dans l’application de l’Accord, à quelques encablures de l’entrée du pays dans la zone des turbulences électorales de 2018. Le processus présente certes des symptômes moins inquiétants avec notamment  des avancées indéniables comme l’installation des autorités intérimaires et le déclenchement des patrouilles mixtes à Kidal comme ailleurs. Mais au risque de paraitre une simple fin en soi, lesdites avancées devront être consolidées par d’autres gages sans lesquels toute consultation référendaire sera vouée à l’échec. La reconquête de l’intégrité du territoire, le retour du corps électoral réfugié dans les pays voisins, la sécurisation du système électoral comme garantie parmi tant d’autres de sincérité et de fiabilité, etc., sont autant de facteurs sur lesquels les protagonistes de la scène politique malienne pourraient montrer des signes d’intransigeance dès l’étape de la procédure législative du référendum. Et pour cause, une consultation du genre – une opportunité pour corriger les lacunes et imperfections de la loi fondamentale en vigueur – n’en est pas moins tributaire des conditions et préalables fixées par constitution. L’effectivité de l’autorité de l’Etat sur la totalité du territoire en est certaines une d’autant que la loi fondamentale elle-même consacre les principes d’intangibilité de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, de la forme républicaine et de la laïcité de l’Etat. Et on imagine difficilement l’opposition s’accommoder des mêmes approximations et conditions équivoques ayant émaillé les récentes  consultations communales : des scrutins avortés fautes de sécurité, des électeurs privés d’expression de suffrages pour les mêmes raisons, des lois électorales différentes pour un seul et même scrutin, etc. En définitive, pour être déterminant dans le processus électoral en vue, le rythme de mise œuvre de l’Accord pour la paix devra atteindre la croisière qui permette de lever toutes ces équivoques.
Quoi qu’il en soit, le processus référendaire s’il arrive à dépasser le seuil jadis franchis par les précédents, fera figure de test grandeur-nature pour les perspectives de sortie de crise à double titre au moins. Primo, la démarche sera assez indicative sur les réelles prédispositions des mouvements quant à renoncer à leurs intentions autonomistes; secundo, elle pourrait être révélatrice de la capacité du pouvoir sortant à épargner au pays un scénario semblable à 2012 lorsque l’impossibilité d’organisation les élections générales a porté un coup de grâce imputable à l’imminence d’un vide institutionnel.
Idrissa Keïta 

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