Notre Mali, comme il va… La vie chère au Mali, le prosaïque et le sordide

0

Mardi 23 juin dernier, le Front Populaire contre la Vie Chère (FPCVC) était en manifestation pour protester contre l’envolée des prix des produits de première nécessité. Ces femmes et jeunes avaient opté pour un sit-in devant la Primature pour afficher leurs préoccupations face à un phénomène qui a toutes les allures de pratiques spéculatives organisées à grande échelle par les opérateurs économiques et autres commerçants détaillants.

Les slogans brandis à travers des banderoles, tels « non à la vie chère » et « une transition réussie équivaut à une baisse des tarifs des denrées alimentaires » étaient certainement dérisoires à accrocher l’attention, a fortiori émouvoir les décideurs. Qui ont mieux à faire que de s’occuper de problèmes d’intendance.

Au sommet de l’Etat, on est plutôt préoccupé à vendre des vessies pour des lanternes. Alors que le Mali fait face, aujourd’hui, à de profonds dysfonctionnements institutionnels, politiques, économiques et sécuritaires, dont la correction (la refondation, pour être dans l’air du temps) requiert plusieurs années, les nouvelles autorités jouent aux prestidigitateurs, qui auraient le pouvoir de réussir en quelques mois cette gigantesque tâche de redressement de l’Etat et du pays.

Cette quête de l’improbable pourrait amener les autorités de transition à considérer comme dérisoire ce qui, aux yeux des populations, s’assimile à un véritable problème de survie.

Elles oublieraient ainsi que le repas quotidien tient à la fois d’une nécessité physiologique (ce qui est une évidence) et d’une question d’honneur pour la majorité des chefs de famille, qui ne sont jamais aussi fiers que lorsqu’ils apportent à la maison de la viande et les céréales les plus prisées.

Envolée des prix

Cette frange importante de la population, qui arrive avec grand peine  à assurer un quotidien consistant aux siens, assiste désemparée à l’envolée des prix des produits de consommation courante : viande de bœuf à 3000-3500 F CFA le kilo ; riz entre 350 et 450 F CFA le kilo ; le mil, de 200 à 250 F CFA.

Considéré, il y a encore peu, comme l’aliment du pauvre, au point d’en devenir un sujet de raillerie entre cousins à plaisanterie, le haricot est actuellement le produit alimentaire le plus cher sur nos marchés. Il est vendu à 800 F CFA le kilo de la première qualité, à 600 F CFA le kilo pour la deuxième qualité. Pour cela, le plat d’haricot a été réduit à la portion congrue lors des cérémonies de sacrifice pour les défunts.

Cette légumineuse est le symbole le plus saisissant du dérapage incontrôlé des prix, passant du statut le plus dégradant à celui de l’inaccessible. Source de protéine, à la portée du plus grand nombre, il y a moins d’une décennie, l’acquisition d’une quantité de haricot nécessaire pour un repas induit, aujourd’hui, un effort financier qui ferait reculer (ou hésiter) beaucoup de pères de famille.

Ces considérations alimentaires devraient bien paraitre prosaïques pour beaucoup de Maliens, notamment ceux qui tirent leur épingle du jeu par les petites et grandes magouilles quotidiennes, elles n’en sont pas moins révélatrices de la dégradation d’un niveau de vie qui n’a jamais suscité  la quiétude.

La quasi indifférence des dirigeants au sort des populations et la propension maladive des opérateurs économiques à la spéculation, notamment en période de pénurie (provoquée), confinent, aujourd’hui, plus qu’hier, au sordide.

L’ère du sordide

Les premiers mènent grand train de vie et garnissent leurs comptes en banque grâce aux impôts acquittés par ceux dont ils font semblant de gérer les préoccupations. Les seconds s’enrichissent des embarras de leurs concitoyens, abonnés aux tracas du quotidien et condamnés à porter les fardeaux d’un système économique tronqué. 

Avec l’option pour la démocratie, les Maliens sont bien entrés dans l’ère du sordide.

Le sordide d’un système étatique qui fait la part belle à la gouvernance délictueuse,  enrichi les tenants du pouvoir et réduit la majorité au dénuement.

Le sordide d’une succession de coups d’Etat, dont la véritable motivation est essentiellement égocentriste, portant à la tête de l’Etat des militaires qui ne s’embarrassent même plus de sauver les apparences, s’emparant d’emblée des postes stratégiquement avantageux.

S’agissant du dernier coup de force, les Maliens, encore perplexes, attendent toujours des explications plausibles, susceptibles de justifier cette irruption incongrue dans les affaires de l’Etat.

L’argument, selon lequel « avec le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane, rien n’a été fait. On courait à la catastrophe », était tout simplement ridicule.

La manifestation contre la vie chère, en dépit de sa taille réduite, est un avertissement et un rappel aux réalités au Premier ministre Choguel Maïga.

Retour du boomerang

Le discours politicien n’abusera plus les Maliens. La gouvernance de rupture sera mesurée à l’aune de la satisfaction des besoins des populations.

Et la première épreuve est ainsi annoncée avec l’impératif de ramener les prix à des proportions raisonnables, à la portée des revenus des populations.

Le ministre du Commerce se voit ainsi offrir l’occasion de faire preuve de ses compétences, en faisant notamment jouer tous les mécanismes de marché à même de corriger les distorsions entre les prix exagérément élevés des produits, unilatéralement fixés et le niveau réel des impôts acquittés par les opérateurs économiques.

Pour l’anecdote, il convient de rappeler que, dans les années 1980, le président Habib Bouguiba, au plus fort de sa gloire et alors très respecté par les Tunisiens, avait dû rapporter, sous la fronde populaire, une décision d’augmentation de vingt (20) centimes du prix du pain.

Son successeur, qui l’a déposé en novembre 1987, a dû lui aussi, au faîte de son pouvoir, fuir son pays, pour avoir instauré un système économique inique, qui a plongé les Tunisiens dans une misère noire, au point de pousser à l’immolation un jeune diplômé sans emploi, victime de l’autoritarisme d’un policier.

Choguel Kokalla Maïga, en dépit d’une popularité certaine, n’ignore rien des capacités de nuisance d’une population en colère, lui qui a été un des principaux instigateurs de la révolte populaire ayant poussé IBK à lâcher le pouvoir, qu’il aimait tant.

Il devrait songer à se mettre à l’abri d’un retour de boomerang…

Mamadou Kouyaté    koumate3@gmail.com

Commentaires via Facebook :