Choguel Maïga à la primature : Mission impossible pour un champion en tactique de reniement

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Choguel Kokalla Maïga, à la Primature, aura la lourde mission, en si peu de temps, de dresser une trajectoire prometteuse pour un pays en proie à de graves menaces, tant sécuritaires que géostratégiques, au point de perdre son souffle. Un contexte sociopolitique lourd de périls de toutes sortes, qui n’est pas favorable à l’homme, n’étant pas lui-même étranger à son  propre handicap, au moment où il devra compter sur tout le monde pour tenir le cap.

Choguel Kokalla Maïga, nouveau Premier ministre de la transition, a été nommé à ce poste, ce lundi 7 juin, par le colonel Assimi Goïta, après que ce dernier a acquis la plénitude de ses fonctions auprès de la Cour suprême. En réalité, depuis que le nouvel homme fort du pays avait, dans la foulée de son coup de force perpétré contre la transition, rencontré des responsables du mouvement de contestation, dont Choguel est bien évidemment le  guide en chef, la nouvelle n’a pas fait beaucoup de sceptiques au sein de l’opinion.

Bien au contraire, avant cette confirmation, une fois le coup de force consommé contre la transition, avec la décision de la Cour constitutionnelle d’envoyer le colonel Assimi Goïta à l’exercice de ses charges suprêmes, au sein du M5-RFP, appelé à la rescousse par les militaires pour renforcer l’onction populaire du coup d’Etat, tout le monde ou presque parlait du choix de cet ancien contestataire affiché des idéaux du mouvement démocratique comme le nouveau Premier ministre.

Eh bien ! Au sein de ce mouvement populaire hétéroclite, qui a poussé jusqu’au bout la contestation contre le régime d’IBK, Choguel Maïga, bien qu’ayant été l’un des fervents soutiens de ce régime déchu, a également été l’un des ténors irréductibles pour contraindre à la démission un président élu.

Justement, par contre, ce qui a intrigué plus d’un dans le choix de cet homme, véritable pourfendeur devant l’éternel de la conquête des libertés démocratiques, lors de l’insurrection populaire du 26 mars 91, c’est bien sa propension, à lui, de se porter sur le choix du premier ministrable, demandé au M5 pendant qu’il en était le chef déclaré.

Voilà qui taraude encore  les esprits, chez l’homme, dont on pourrait penser que tout ce qu’il a entrepris durant tous ces moments d’agitation, c’était pour se faire de la place au soleil, après qu’il a été éjecté de son poste ministériel, dans des conditions troubles, par le président déchu. En fait, note-t-on dans les chapelles politiques, avant cette disgrâce de l’homme, synonyme de passage en vide, pour lui, personne ne l’avait d’ailleurs vu ou entendu émettre le moindre doute sur la gestion du président IBK.

Loin s’en faut ! Il en était bien sûr l’un des défenseurs zélés, dès lors que son « pain » était bien garanti. Voilà un homme qui quitte brutalement le navire et qui, par hargne et par dépit, arrive à cristalliser sur lui la contestation contre le président déchu. Pour cela, s’indignent certains observateurs politiques, un tel homme avait forcément autre chose à faire prévaloir à ses compatriotes pour les convaincre de son souci pour le pays, si ça n’en est un, que de se faire nommer, lui-même, au poste suprême, une fois que cette occasion s’est présentée à lui par la force des choses.

En s’y accordant, au-delà de son monde qui l’adoube, au sein du mouvement de contestation, Choguel Maïga, une fois propulsé à ce poste, n’apparait rien d’autre qu’un affamé de pouvoir, pressé de se la couler douce après des moments de braise, consécutifs à la contestation tous azimuts, dont il a pris les commandes contre son ancien allié politique, et qui lui vaut aujourd’hui cette récompense usurpée.

Comme il a toujours laissé planer l’image grandiloquente d’un homme au service de son peuple, il aurait mieux à faire, après un tel couronnement politique, que de se porter lui-même postulant à une telle fonction octroyée. Comme l’a si bien affirmé l’un des proches des militaires, en parlant de « compromis nécessaire », pour le choix de Choguel Maïga comme le nouveau Premier ministre de la transition.

Mais, apparemment, selon le constat de nombreux observateurs politiques, c’est mal connaître cet homme que de penser que l’élégance et la vertu politiques l’auraient contraint à faire autre chose et autre choix, face à titre choyé, en dehors de lui-même.

Autre déficit: la tactique de reniement politique qui est son fort pour dompter les événements et les chocs, auxquels il fait face continuellement. Voilà un homme qui n’hésite pas à se faire maitre du plus grand reniement à son actif. Histoire, dit-on, d’avoir ce qu’il veut, en dépit de tout.

Ainsi, on rapporte l’anecdote de son passé d’opposant, quand il passait son temps à dénigrer l’action publique de ses adversaires politiques et qui, une fois aux affaires, n’a pas manqué de dire que « l’opposant voit toujours autrement les choses » alors que c’est « le pouvoir qui est la réalité des choses ».

Belle leçon de reniement de convictions, tout cru, si familière à la doctrine politique de Choguel Maïga qui est décidément bien attendu sur ce terrain d’autant qu’il n’en manquera pas d’en multiplier à son compte, au cours de ce tournant politique.

D’abord, pour la révolution de mars 91, dont il a toujours dénié le caractère sacré en faveur de la démocratie, il aura fort à faire à ne pas respecter la mémoire des martyrs, surtout s’il est chargé, comme le propulsent à une telle charge, les privilèges de sa fonction, d’honorer la mémoire des victimes de la barbarie de mars 91.

Ensuite, la polémique, ouverte et frontale, qu’il a volontiers créée autour du processus de paix et de la réconciliation, à travers l’accord d’Alger, pour s’illustrer dans ce domaine, le rattrapera à coup sûr. Etant le chef du gouvernement, il aura fort à se montrer sincère vis-à-vis des acteurs, nationaux et internationaux, sur cette équation centrale, sans renier ses propres convictions politiques et idéologiques.

On le voit, de reniement en reniement, sur fond de jeux de mots occasionnels dont il est d’ailleurs le champion, en toutes disciplines confondues, le nouveau chef du gouvernement de la transition n’aura certainement, s’il n’y prend garde, aucune force mentale, ni morale, à la longue, de sauvegarder l’image de respectabilité dont il a besoin pour conduire efficacement, et avec sérénité, les affaires publiques.

Mais hélas ! Si l’échéance de la transition devrait être strictement respectée, comme l’exigent les recommandations de la Cedeao, il sait que le laps de temps dont il dispose, en tout état de cause, lui suffira, sans grand dommage, pour qu’il récolte, en fin de carrière administrative, les attributs d’une telle fonction primatoriale. Quitte à essuyer frontalement, au fil des reniements successifs, les effets pervers de ses multiples excès verbaux passés qui le rattrapent aujourd’hui.

Il pourra certainement surpasser cette épreuve politique tourmentée, pour lui, et conduire à coup sûr la transition à bon port, indépendamment des nouveaux défis qui l’attendent désormais, à condition d’éviter habilement les excès verbaux, et même les coups-bas qu’il affectionne tant comme mode de positionnement politique, tout en s’affranchissant de ses veilles chimères politiques.

Oumar KONATE

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