Problématique du financement de l’industrie cinématographique africaine : Le colloque de Bamako pour identifier des pistes d’action

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Du 12 au 13 novembre 2019, les cinéastes africains étaient en conclave au Centre international de conférence de Bamako (Cicb) sous l’initiative du Fonds d’appui à l’industrie cinématographique (Faic). La cérémonie d’ouverture était présidée par le ministre de la Communication, Chargé des relations avec les Institutions, Porte-parole du gouvernement, assurant l’intérim de la ministre de la Culture.

Le Fonds d’appui à l’industrie cinématographique a pour mission d’appuyer le développement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel au Mali. A ce titre, il a organisé le colloque pour, entre autres, réfléchir sur le rôle et la place d’un fonds, sa dimension contributive et effective au développement de l’industrie cinématographique ; dégager des perspectives pour une meilleure organisation de la gestion administrative et financière de l’unité de gestion d’un fonds ; définir le rôle et l’importance des apports et concours financiers de l’Etat à la production et à la coproduction ; convaincre davantage les gouvernements à soutenir le financement du cinéma ; informer les acteurs sur les mécanismes de levée de fonds sur internet (crowdfunding) ; inciter les sociétés commerciales à intervenir dans le financement du cinéma (banques et institutions financières) ; améliorer la gouvernance de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel pour favoriser l’accès des jeunes réalisateurs au financement de leurs projets ; concourir au développement des infrastructures modernes pour le cinéma répondant aux normes et standards internationaux […] ; mettre en place un cadre juridique pour un meilleur encadrement du secteur de l’industrie cinématographique ; diffuser et vulgariser les textes réglementaires, législatifs et les manuels de procédures et de règlement général.

Et tout cela, pour résoudre les difficultés persistantes de financement des activités cinématographiques et audiovisuelles et d’offrir aux acteurs du métier un cadre règlementaire et juridique permettant de renforcer leurs capacités à produire et aussi de professionnaliser davantage les différentes filières du cinéma et de l’audiovisuel. Les travaux se sont déroulés en panels avec la communication des experts du cinéma malien et africain.

A l’ouverture du colloque, le ministre de la Communication, Yaya Sangaré, a dit que le gouvernement du Mali ne pouvait que se réjouir de la tenue de la réunion à Bamako parce que  convaincu que le cinéma offre, de par sa puissante capacité d’évocation, un terrain d’exploration du monde et constitue un lieu unique d’expression du génie artistique de compréhension et de culture de la paix.

“Le cinéma représente un enjeu sociétal et culturel majeur et se révèle définitivement comme un puissant levier de développement de la vie socioéconomique et culturelle d’un pays. Parce qu’art et industrie à la fois, le cinéma exige de plus en plus des infrastructures, des équipements et un financement conséquent, mais aussi et de plus en plus des ressources humaines hautement qualifiées. Mon pays, le Mali, a très tôt pris conscience de l’importance du cinéma et en a fait depuis les premières années de son accession à l’indépendance, en 1960, un formidable outil en faveur d’une éducation sociale, culturelle et politique forte pour marquer sa volonté de promouvoir et de développer une culture malienne millénaire, ancrée dans les valeurs de notre société et ouverte au monde, fondée sur le sentiment d’une identité commune malienne et africaine”, a-t-il affirmé.

A ses dires, l’intérêt précoce de l’Etat du Mali pour les industries de l’image s’est traduit aussi par la mise en place d’un dispositif législatif et règlementaire incitatif, visant à créer un environnement juridique propice au développement des industries cinématographiques. Il a mentionné l’adoption en 2013 du Document cadre de politique culturelle nationale qui en a fait l’un de ses objectifs stratégiques majeurs en jetant les jalons de l’émergence d’une véritable industrie cinématographique dynamique et compétitive.

Mais, a-t-il regretté, en dépit de cette ardente volonté de promouvoir et de développer le secteur à travers la création de structures dédiées au cinéma, celui-ci reste confronté à la sempiternelle difficulté de mobilisation des ressources. Pour y remédier, a-t-il dit, diverses alternatives ont été envisagées, au nombre desquelles la création du Fonds d’appui à l’industrie cinématographique (Faic) par la loi n° 2017-068 du 18 décembre 2017. “La création de ce fonds qui recevra dès sa première dotation initiale, la somme de 6 milliards Fcfa, est une première en Afrique au Sud du Sahara et marque la traduction concrète de la volonté clairement exprimée des plus hautes autorités du Mali, en premier lieu, du président Ibrahim Boubacar Kéita, de faire du cinéma et de l’audiovisuel une composante essentielle de notre économie. Ce que le gouvernement, à travers le Premier ministre, Dr. Boubou Cissé, s’attèle à rendre effectif dans les mois à venir. La balle sera désormais dans votre camp pour relever le défi d’opposer une production cinématographique nationale de qualité, à l’invasion de nos écrans par les productions étrangères, qui ne sont pas sans conséquences sur notre culture, nos mœurs et l’éducation de nos enfants. Vous devez rapidement cerner l’impérieuse nécessité de trouver les stratégies idoines adaptées et de mieux identifier les mécanismes internes de financement innovants et durables pour sauver le cinéma malien et africain. C’est dans cette anticipation que le ministère de la Culture, à travers la Direction générale du Fonds d’appui à l’industrie cinématographique, a entrepris plusieurs actions visant à identifier et à formaliser les mécanismes permettant au Fonds de générer des ressources financières constantes et pérennes. Le présent colloque sur la problématique du financement du cinéma participe de cet exercice. L’objectif étant d’échanger avec les fonds africains, leurs expériences en matière de gestion des fonds de financement du cinéma”, a-t-il dit aux cinéastes.

Le ministre Yaya Sangaré: “Le cinéma est le miroir de la conscience collective, le baromètre qui mesure la rectitude générale et populaire et le phare qui montre le chemin à suivre”

Le ministre Yaya Sangaré a confessé que le cinéma est le miroir de la conscience collective, le baromètre qui mesure la rectitude générale et populaire et le phare qui montre le chemin à suivre. Il a rappelé que le cinéma, au-delà de son rôle éducationnel, devrait tenir toute sa place dans le développement économique de nos pays. Pour preuves, il a argumenté que le Festival de Cannes, qui seulement en 12 jours, a généré plus de 680 millions d’Euros, soit 442 649 400 000 Fcfa.  Pour le ministre, l’amour seul du métier ne suffit pas pour atteindre de telles performances. “Il faut une prise de conscience de tous sur le rôle de pilier de développement de l’industrie cinématographique”, a-t-il conseillé. Il a exhorté les cinéastes à mieux partager leurs expériences et à formuler des observations concrètes et réalisables en vue de sortir  du colloque avec des conclusions et des recommandations pertinentes.

Il a salué les pionniers du cinéma malien (réalisateurs et acteurs) qui ont fait et continuent de faire la gloire et l’honneur du cinéma malien avec de hautes et prestigieuses distinctions du continent, malgré la rareté et l’insuffisance des ressources financières attribuées à eux. “A chacun d’eux, du plus connu au plus humble, je voudrais leur rendre un vibrant hommage et leur dire merci au nom du Mali pour le sacerdoce et leur engagement patriotique. Votre plus grande récompense est votre amour pour votre métier”, a-t-il dit.

Salif Traoré (Secrétaire général de l’Union nationale des  cinéastes du Mali) : “La rencontre de Bamako doit pouvoir inciter

tous les pays de la région à la mise en place d’un fonds qui puisse permettre la coproduction pour plus d’efficacité”

Pour Salif Traoré (secrétaire général de l’Union nationale des cinéastes du Mali), le colloque répond à une impérieuse nécessité de concertation et d’action pour sortir la production cinématographique africaine de la léthargie. Il a souligné que la raréfaction des ressources pour le développement cinématographique et audiovisuel commande que les approches novatrices soient expérimentées dans le but de renforcer les mécanismes de financement de la production. “L’absence d’initiative de financer nos productions risque de condamner certains pays à être dépendants alors que les potentialités artistiques et techniques de produire des images communautaires ne sont pas négligeables. La rencontre de Bamako doit pouvoir inciter tous les pays de la région à la mise en place d’un fonds. Et que, dans l’avenir, cela puisse permettre de définir une véritable politique de coopération et d’accord cinématographique adapté et respectueux de la souveraineté de chacun de nos Etats. […] Les fonds doivent désormais permettre la coproduction pour plus d’efficacité et que notre paysage cinématographique ne doit plus être caractérisé par l’hégémonie des images venues d’ailleurs. Cette domination des programmes pèse lourdement sur le développement culturel et socioéconomique de nos Etats. Le secteur cinématographique et audiovisuel montre aujourd’hui les signes d’un dynamisme de développement durable, de création d’emplois et de richesse. Malheureusement, nos productions souffrent de manque de moyens, d’organisation et de politique incitative pendant que le marché est de plus en plus croissant au bénéfice des images importées. Que devons nous faire ? Cette question doit trouver sa réponse au sortir du colloque”, a-t-il fait savoir.

 Siaka DOUMBIA

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