Assassinat des « bérets rouges » : Les poursuites abandonnées

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Sans surprise, la Cour d’assises de Bamako s’est appuyée sur une loi controversée adoptée en 2019 au nom de la réconciliation et un accord de dédommagement conclu entre l’Etat et les parties civiles pour ordonner la fin du procès.

La cour a annulé lundi 15 mars les poursuites engagées contre l’ex-chef de la junte et ses quinze co-accusés qui comparaissaient pour l’enlèvement, l’assassinat et complicité d’assassinat de 21 militaires en 2012. La cour s’est appuyée sur une loi controversée adoptée en 2019 au nom de la réconciliation, accordant l’amnistie ou la grâce aux auteurs de certains crimes commis pendant la crise de 2012. Elle a également invoqué un accord de dédommagement conclu entre Etat et les parties civiles.

« Sur la base de la loi d’entente et du protocole d’entente signé entre le gouvernement de la République et les victimes, la cour ordonne que l’action soit éteinte contre les inculpés, qu’ils soient immédiatement libérés si aucune autre charge n’est retenue contre eux » a annoncé son président, Gaoussou Sanou.

A la sortie d’audience, les avocats et leurs clients se congratulaient, échangeaient de chaudes poignées de main.

Les mis en cause avaient bénéficié d’une liberté provisoire en janvier 2020 après six années de détention. A moins d’un pourvoi en cassation du ministère public difficilement envisageable au regard de la tournure prise par les événements, ce procès s’apparentait à une patate chaude dans la main du pouvoir en place qui voulait s’en débarrasser au plus vite. Une attitude dictée par la crainte de voir resurgir les vieux démons des dissensions au sein de Forces armées maliennes. En outre, le colonel Malick Diaw qui assure présentement les charges de président du Conseil national de la transition(CNT) est identifié comme un des cerveaux du putsch qui a renversé Amadou Toumani Touré.

 

Un fâcheux précédent ?

 

De report en report après son ouverture en 2016, les inquiétudes se faisaient de plus en plus jour.  Les défenseurs des droits de l’homme redoutaient un classement sans suite de la procédure. « Il faut nécessairement que le procès aille à son bout, que les droits des victimes à une réparation intégrale soient respectés. Une loi d’entente nationale ne peut pas être invoquée pour assurer l’impunité » avertissait avant l’audience le président de la Commission nationale des droits de l’homme, Aguibou Bouaré, dans une vidéo postée sur le site de l’organisation.

Ce serait un fâcheux  « précédent » qui pourrait faire tache d’huile alors que  « le Mali n’a pas besoin d’une telle injustice, d’une telle impunité qui marque vraiment un recul profond en matière de respect et de protection des droits de l’homme » avait-il indiqué.

Amadou Haya Sanogo et ses co-accusés, soldats et gendarmes, étaient jugés pour l’enlèvement et l’assassinat et complicité d’assassinat de 21 « bérets rouges », une unité d’élite réputée proche du défunt président qui avait aussi appartenu à ce corps avant de troquer son treillis contre veste et cravate de candidat à l’élection présidentielle de 2002. Un mois après le coup d’Etat, les « bérets rouges » avaient tenté sans succès un contre-putsch, durement réprimé par les « bérets verts » restés soudés derrière le chef de la junte, Amadou Haya Sanogo alors capitaine. Décembre 2013, c’était l’horreur : la découverte macabre d’un charnier, non loin de Bamako.

Amadou Sanogo avait pris le 21 mars la tête des mutins qui reprochaient auprésident Amadou Toumani Touré sa mollesse, et l’incapacité de son gouvernement à arrêter l’offensive de la rébellion à dominante touareg dans le nord qui avait servi de porte-avions aux groupes djihadistes, notamment le MUJUAO. Malheureusement, le putsch n’avait  rien arrangé sur le terrain. Au contraire, il avait précipité la débâcle de l’armée malienne.

Amadou Haya Sanogo, sous le feu roulant des critiques internes émanant principalement des partis regroupés sous la bannière du Front de la restauration de la démocratie, ployait et en fin de compte il daignait laisser le gouvernail au président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, appelé à assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir, en vertu d’une disposition constitutionnelle. Par la suite, il avait été élevé au rang de général quatre-étoiles. Mais fin 2013, il avait connu une mauvaise passe découlant de sa retentissante arrestation pour son implication présumée dans l’assassinat des « bérets rouges ».

Georges François Traoré

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