SOUTIENS AUX ACCORDS D’ALGER: Une pratique habituelle

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Dans moins d’un an, les observateurs neutres de la scène politique malienne feront un peu comme Lucrèce (poète latin, un siècle avant J.C) disait des grecs des bords de mer : ceux-ci se précipitaient les jours de tempête vers un point élevé de la côte pour observer à leur aise les naufrages et le désespoir des naufragés engloutis par les flots.
MOTIONS DE SOUTIEN
            Car la tempête électorale d’avril-mai 2007 promet des vagues dont on ignore encore l’ampleur et les hauteurs.
            Dans l’attente de ces joutes électorales et ses vagues (sûrement ravageuses pour certains), il faut se résoudre à constater que les Accords d’Alger ont soulevé une vague de type… ancien : celle des motions de soutien. Il a suffit qu’un seul parti fasse entendre sa voix dissonante contre les Accords d’Alger pour que, tout d’un coup, la scène politique malienne donne le sentiment d’avoir fait un bond de 38 ans, au moins en arrière.
            D’autant plus, que c’est après le coup d’Etat de novembre 1968 que les motions de soutien ont connu, chez nous au Mali, leur apogée, un niveau encore jamais atteint : Six mois durant, les motions de soutien, les marches, les marques d’adhésion pleuvaient à tel point qu’il a fallu demander d’arrêter pour que le pays se “remette au travail”. Vice-répétita dix ans plus tard, après l’arrestation de ceux qu’on appelait la bande des quatre : Tiécoro Bagayoko, Kissima Doukara, Karim Dembélé et Charles Samba Sissoko. Les motions de soutien avaient déferlé de toutes parts, même de personne qu’on n’attendait pas à ce niveau.
            Finalement, c’est le parti unique UDPM qui, entre 1979 et 1991, avait réussi à instaurer la culture des motions de soutien. Tout était matière à motions de soutien : grève de l’UNEEM en 1980 soldée par la mort de Cabral et de notre ami Sory Ibrahim Thiocary à Sévaré, guerre Mali-Burkina 1984-1985, élection de Moussa Traoré à la présidence en exercice de la défunte OUA en 1988 (là plus de 80 millions en espèces avaient été récoltés en plus)..
MARCHANDS DE SOUTIENS
            Après Mars 1991 et l’instauration du multipartisme, on avait mis de côté ces manifestations à caractère unanimiste digne des pays comme la Libye, la Corée du Nord, la Chine… avec leurs florilèges de déclarations allant dans tous les sens, confondant adhésion à une idée et louanges (soviétiques) à un chef.
            Mais depuis quelques jours, la classe politique malienne (ou une grande partie) donnant l’impression de faire revivre la folie des motions de soutien, s’oblige à un meeting, une marche ou une motion écrite de soutien à l’Accord d’Alger pour enfin louer les qualités de dialogue d’un homme : ATT. Pour ceux qui étaient à la recherche d’une nouvelle façon de faire parler d’eux et d’un moyen de se rapprocher du Président ATT, la non adhésion à l’Accord d’Alger du RPM-RDT est apparue comme du plain béni littéralement tombé du ciel pour eux.
            A regarder la télévision nationale, on se croirait retourner à l’ère UDPM : on a le sentiment que la fabrique des motions de soutien est réouverte avec ses artisans zélés. Même ceux qui étaient quelque peu surpris puis dubitatifs à l’annonce de l’Accord s’obligent aujourd’hui à une gaieté forcée et tant pis pour les flirts avec la démagogie.
            Quand les attaques des camps de Kidal et de Ménaka avaient lieu le 23 Mai 2006, on avait assisté à une pluie de déclarations pour condamner ces événements. Mais après la signature de l’Accord d’Alger, les hommes politiques ont observé un temps d’hésitation avant de renouer avec cette pratique des motions de soutien désormais encrée dans nos moeurs.

HAIDARA ML

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