Côte d’Ivoire : Les leçons du premier tour, la clé du second tour

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L’attente n’a pas été longue dans les normes auxquelles l’Afrique nous a habitués. Et si Bedié n’accepte pas les résultats, il n’appelle pas du tout à la violence. La loi lui reconnaît le droit de contester. Et c’est certain que tout n’a pas été parfait, qu’ici ou là, il peut y avoir eu des faiblesses. Mais l’on voit mal comment le score rendu public par la CEI tard dans la soirée du mercredi peut être remis en cause. En attendant, à l’issue d’un premier tour au taux de participation historique, voici les résultats, ce qu’ils dégagent comme constats et analyses et comment le deuxième tour ivoirien se gagnera ou se perdra.

Les constats                                   

Il y avait environ 5,772 000 inscrits, 4, 784 000 votants, 4, 570 000 suffrages exprimés, 220 000 bulletins nuls et quatorze candidats. Laurent Gbagbo est premier avec 1, 739 000 voix (38%), Alassane Ouattara est deuxième avec 1, 474 000 voix (32%), Henry Konan Bedié est troisième avec 1,143 000 voix (25%). Laurent Gbagbo remporte le scrutin dans onze régions sur dix-neuf :Agnébi, Marahoué, Lagunes, Moyen Cavally, Sud Comoé, Moyen Comoé, Fromager, Zanzan, Dix-huit Montagnes, Haut Sassandrin, Sud Bandama.

 Il est deuxième dans trois des fiefs de Bédié à près de 30%. Son score le plus haut est à Agneby avec plus de 73% où le deuxième (Bédié) et le troisième (Ado) sont à respectivement 12% et 11%. Partout ailleurs où il est en tête, Gbagbo ne fait pas de score de moins de 40% et dans trois circonscriptions il dépasse 50%. Là où le président sortant est battu à plate couture, son score est particulièrement bas : A Savanes, Worodougou, Denguélé, soit les fiefs nordistes de Ado, Gbagbo n’a pas fait 3%.

Là ou Bedié est nettement le plus fort, (Lacs, Bas Sassandra, Nze Comoé, donc en pays Baoulé) Gbago fait toujours plus de 10%, sauf à Nze Comoé où il frôle 1%. Gbagbo est suivi par Ado premier dans six circonscriptions dont l’Extérieur, cinquième dans cinq circonscriptions et troisième dans 9 autres, notamment en pays baoulé et dans le Sud.

Il n’a pas fait de score inférieur à 12% sauf à Nzé Comoé, un bastion du Pdci, où il n’atteint pas 1%. En clair, Gbagbo n’est toujours pas le président du Nord et Ado reste le président du Nord. Une faiblesse chez les deux ? Celle-ci est plus accusée chez Gbagbo car Ado a un score honorable presque partout. Tout de même, le score du président sortant est le score le plus transversal bien que l’on puisse soupçonner que le vote est resté fondamentalement régionaliste, ethnique et communautariste pour tous les candidats.

Bedié, la clé du second tour

La différence de voix entre Gbagbo et Ado est d’environ 250 000 voix. Ce n’est pas rien mais ce n’est pas insurmontable. Les 220 000 « coupables » de bulletin nuls seront, c’est sûr correctement formés pour le deuxième tour. Car chaque voix comptera désormais. Et les finalistes feront le maximu pour réduire, chacun à son profit le nombre d’abstentions (près du million d’électeurs). Celui-ci se mobilisera t-il pour Gbagbo histoire de punir l’électorat nordiste ? Ou alors, ces abstentionnistes sont-ils de ceux qui ne veulent apporter leur caution à aucun candidat ? Une des clés de la victoire le 28 novembre prochain sera, en tout cas, là.

 Il y a également les 5% des autres candidats et Gbagbo pourrait lorgner car on peut se l’imaginer, le président sortant, dans le discours qu’il a tenu jusque-là, semble exclure l’éventualité de la défaite. Une défaite qui, sur le papier, en tout cas de l’alliance houphouettiste paraît consommée. En effet, le pacte entre Ado et Bedié, c’est celui du report de voix sur celui d’entre eux qui serait au second tour. C’est plus facile à dire qu’à faire, bien entendu, car les consignes de vote ne marchent pas toujours en Afrique. Pour être sûr de l’impact maximal, Bedié devra en personne mouiller le maillot pour son associé. Or il ne peut pas oublier que sans Ado, il serait second, donc face à Gbagbo. Ensuite, la ligne Nord-Sud, peut avoir polarisé la Côte d’Ivoire plus qu’on ne le mesure réellement.

 Et il faut des moyens pour cela. Or on devine que le gros des ressources pour tous les candidats a été investi dans le premier tour. Le Fpi étant de tous les partis, celui qui peut le plus répondre au besoin de ressources. Enfin, pour l’instant, Bédié n’est pas dans un calcul d’alliances pour le second tour. Il veut que l’on reprenne le comptage. La solidarité qu’Ado lui apportera dans cette requête vaudra son pesant d’or. Sauf si ce n’est pas le RDR qui est visé. On devra le savoir dans les heures à venir. Le cas échéant, Gbagbo a toutes les chances de rester sur place. Si c’est le Fpi qui est visé par contre, Ado pourrait se frotter les mains. Mais l’enjeu restera toujours la paix en Côte d’Ivoire après la bataille maintenant gagnée contre l’ivoirité.                    

Adam Thiam

 

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