Rôle des artistes dans la lutte contre la désinformation au Mali : La paix par le talent

Qu’ils soient cinéastes, comédiens, plasticiens, écrivains, musiciens, slameurs, photographes, les artistes maliens à travers leur art, sont de véritables acteurs de sensibilisation et contribuent fortement dans la lutte contre les fausses nouvelles et les discours de haine sur les réseaux sociaux. L’art leur sert de véhiculer des messages contre la désinformation en prônant la justice sociale et la paix.
« La vie d’un artiste ne se limite pas dans les galléries ou lieux dédiés aux expositions. Actuellement, le travail d’un artiste se retrouve un peu partout surtout sur les réseaux sociaux. Les travaux d’un artiste luttent aussi contre la désinformation et ce sur les réseaux sociaux. Chaque artiste est présent sur les réseaux sociaux que ce soit facebook, X, youtube, instagram, etc. », exprime Dramane Toloba, artiste plasticien.
Les arts pour mettre en lumière le phénomène
Connus pour leur sens élevé de questionner la réalité ou d’être en avance avec certaines réalités sociales, les artistes mettent en lumière les conséquences de la désinformation sur la société. L'art contemporain s'empare du phénomène de la désinformation pour le dénoncer, mettre en évidence les mécanismes de manipulation et interroger notre rapport à l'information et aux médias.
Pour Abdoulaye Mangané, acteur de cinéma : « Les artistes, de par leurs activités, sont des personnalités publiques, dont les vies voire même des vies privées intéressent bon nombre de personnes. À cet égard certaines n’hésitent pas à leur causer du tort ».
Alors qu’ils ou elles disposent d’une arme redoutable, c’est-à-dire les œuvres qu’ils ou elles créent et l’accès à un large public lors des manifestations, des concerts et des spectacles, déclare Mangané.
En effet, nombreux artistes au travers de leur support de communication notamment pièces de théâtre, l’humour, de la musiques ou clips, films mettent en scène les techniques utilisées pour répandre les fausses informations, comme le trucage d'images ou le recontextualisation d'informations afin de pouvoir atteindre un large public dans leur sensibilisation.
Les plasticiens dépeignent les réalités, surtout le phénomène de désinformation, à travers les textes ou messages qui accompagnent les œuvres d’art qu’ils créent.
L’Infox, la campagne artistique contre la désinformation au Mali
C’est justement dans cette optique de contribuer à la lutte contre la désinformation à leur façon donc en mettant l’art à profit que 10 artistes maliens se sont mis ensemble en 2023 autour du thème « Infox ». Le titre d’une exposition organisée Médina par l’espace Siif’Arts en collaboration avec Tignè ni maaya, à la galerie. Elle visait à sensibiliser contre les fausses informations.
« Cette initiative a été prise par les organisations de la société civile pour lutter contre la désinformation et aussi sensibiliser nos communautés sur l’importance du partage de bonnes informations. C’était une belle occasion donnée aux artistes peintres de participer à la lutte contre la désinformation. Aujourd’hui de plus en plus, les fausses informations sont si nombreuses qu’il devient difficile de faire le tri entre le vrai et le faux. La télévision, la radio, la presse écrite, la presse en ligne, les réseaux sociaux, tous y sont affectés. Si informer reste l’affaire des journalistes, peindre cette réalité est celle des artistes.
Ibrahim Demba Kebé, artiste visuel, a travaillé sur les outils de dernière génération. « Mon tableau fait plus référence à l’intelligence artificielle qui favorise non seulement la sous information, mais aussi les infox. Sur le même tableau, j’incite les populations à vérifier les informations et à regarder en profondeur ce qui se passe ».
Modibo Traoré, artiste plasticien s’est intéressé au cas des journalistes que l’on paie pour diffuser les fausses informations. : « Il s’agit des journalistes corrompus qui se servent des réseaux sociaux pour manipuler les populations à travers la diffusion d’informations fausses.
Seydou Traoré à travers sa toile, a présenté un homme avec la loupe à la main pour parler de la vérification, car on ne peut pas maîtriser tout ce qui se passe sur le net. Donc mieux vaut prendre les informations, les vérifier avant de les utiliser, explique-t-il.
L’art visuel contre la désinformation
La thématique de la désinformation, selon Mariam Ibrahim Maïga, artiste visuelle, est tellement importante que j’ai déjà travaillé en collaboration avec autres artistes là-dessus. La chose qui m’a le plus parlé, est celui du buzz, qui est un fléau qui mine.
« Le buzz est devenu comme une drogue dont les gens surtout les jeunes dépendent au point qu’on laisse tout ce qui est important pour nous plonger dans le noir avec les fausses informations. Un phénomène qui est source de la forte désinformation au Mali », a dépeint Mariam.
« J’ai traité la question des réseaux sociaux. Pour ma part, l’intox n’est pas le problème mais, la vitesse avec laquelle elle se propage. Les gens partagent avec une telle facilité que les vraies informations sont noyées. Le pire c’est les contrastes de la lumière qui permettent une telle facilité de transformer la réalité sur les réseaux en reflétant ce qui n’est pas », explique Dramane Toloba.
Justement, a-t-il poursuivi, sur les réseaux, nous voyons des fake news circulées souvent l’intention de créer le doute, la mésentente ou autres. L’artiste étant dans son rôle de médiateur en quelque sorte doit prendre avec pincette les informations avant de les partager ou publier.
« Les artistes peuvent sensibiliser et éduquer en traitant des sujets sensibles et complexes mais en disant la vérité et avec certaines subtilités artistiques sans heurter. Pour se faire, ils peuvent créer des contenus éducatifs.
Les artistes peuvent aussi être influencés dans le débat public en dénonçant certaines pratiques trompeuses. Cet engagement peut également se traduire en créant des œuvres engagées. Certaines œuvres artistiques peuvent également être orientées dans la culture de vérification des faits. L'engagement des artistes dans la lutte contre la désinformation ne se limite pas à la création d’œuvres ; il s'agit aussi de mobiliser le public, de favoriser la réflexion critique et de promouvoir l'intégrité de l'information. En conjuguant leur art avec une intention sociale, les artistes peuvent véritablement impacter la perception et la compréhension de la vérité dans notre société », délivre Abdoulaye Mangané, acteur.
Aminata Agaly Yattara
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali
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