Les alliés de l’Otan multiplient les flatteries à l’égard de Trump: en font-ils trop?
L’ancien chef de la diplomatie belge (2004-2009) et ex-commissaire européen, Karel De Gucht, commente l’attitude des alliés de l’Otan à l’égard de l’imprévisible président américain: la flatterie comme arme de séduction? Analyse.

Le sommet de l’Otan, organisé à La Haye ce mercredi, a débouché sur un accord entre les États membres et la promesse collégiale de consacrer 5% du PIB national aux dépenses de défense d’ici 2035. Il a également été le théâtre d’une parade nuptiale caractérisée à l’égard du tout-puissant Donald Trump, notamment de la part du secrétaire général Mark Rutte, particulièrement habile dans cet exercice de flatterie. Rien d’extraordinaire en soi, vu la position hégémonique américaine au sein de l’Alliance. Une solution gratuite pour apaiser l’irascible républicain et potentiellement hautement rentable ?
La stratégie n’est pas anodine. Donald Trump, connu pour son égocentrisme et son besoin de reconnaissance, accueille les éloges, les honneurs et l’admiration de ses interlocuteurs avec délectation. Benjamin Netanyahu l’a bien compris et n’a pas manqué de lui rendre un hommage appuyé après l’opération américaine sur le site nucléaire iranien de Fordo. Une sympathie diplomatique dont ne s’encombre pas souvent le président des États-Unis en retour, coutumier des déclarations à l’emporte-pièce à l’encontre de ses “alliés”. Face à cette personnalité imprévisible, la glorification semble donc s’être imposée comme outil de communication.
“Jeu de rôle”
Vétéran de la diplomatie internationale, l’ancien ministre belge des Affaires étrangères, Karel De Gucht, a livré son analyse à nos confrères du Het Laatste Nieuws (HLN). “J’ai participé à de nombreux sommets internationaux et à des nombreuses négociations. L’exercice s’assimile parfois à un véritable jeu de rôle, et la flatterie en fait partie. Rien d’anormal en soi, si ce n’est que dans le cas présent, l’ampleur du phénomène interpelle. À la lecture du message de Mark Rutte à Donald Trump, on ne peut que constater un flagrant délit de flagornerie, n’est-ce pas? Le mot est faible”, commente-t-il (suite ci-dessous).
Mais la démarche semble porter ses fruits, malgré tout, pour mieux appréhender Donald Trump. C’est un personnage hors norme et Mark Rutte possède une longue expérience de la diplomatie et de la politique. L’effort excessif en apparence fonctionne manifestement avec le président américain, là où il échouerait sans doute avec n’importe quel autre dirigeant. La question se pose toutefois sur l’impact de cette stratégie de communication à long terme. Emmanuel Macron l’a notamment appris à ses dépens et alterne le chaud et le froid avec son homologue américain (suite ci-dessous).
Car Donald Trump perçoit cette flatterie comme une confirmation de sa supériorité. Il l’apprécie mais ses décisions reposent avant tout sur ses intérêts à court terme, susceptibles de renforcer sa popularité, et ceux des États-Unis. En outre, le président américain exploite ses rencontres avec les dirigeants mondiaux pour réaffirmer sa toute-puissance, quitte à recourir à l’humiliation publique, à l’image de la visite cauchemardesque de Volodymyr Zelensky à Washington en mars dernier. La flatterie reste donc une arme diplomatique à double tranchant, tant elle peut aussi être perçue comme une faiblesse, une soumission, voire une dépendance (suite ci-dessous).
“L’essentiel consiste à rester maître du jeu”, explique Karel De Gucht. “Je pense que Mark Rutte joue délibérément le jeu de Donald Trump. Mais jusqu’où peut-il aller? Il va très loin dans cet exercice et ce n’est pas sans risque. Le Premier ministre britannique de l’époque, Neville Chamberlain, avait aussi joué le jeu avec Hitler avant la Seconde Guerre mondiale. Il n’a pris conscience des limites à ne pas franchir et pensait qu’il valait mieux conclure un compromis pour éviter la confrontation directe. Une lecture qui s’est révélée totalement erronée et qui a très mal tourné (suite ci-dessous).
De tout temps, la flatterie a été un outil de diplomatie, un réflexe entre dirigeants qui se jaugent, s’évaluent, s’influencent et se séduisent mutuellement. L’histoire en témoigne et les exemples sont nombreux, à l’image de la relation entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan ou à la fameuse conférence de presse entre Boris Eltsine et Bill Clinton (voir ci-dessus). “Souvenez-vous des liens privilégiés entre Churchill et Roosevelt. Roosevelt n’était pas emballé à l’idée d’engager les États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale mais Churchill a réussi à l’en convaincre. La différence aujourd’hui, c’est la dimension publique de la démarche et sa théâtralité”, commente Karel De Gucht. “On observe une forte dimension shakespearienne, ces mêmes méthodes de séduction”, note-t-il.
Ce qui se déroule autrefois à huis clos, loin des regards, se joue désormais sous les projecteurs. L’émergence des réseaux sociaux et la mondialisation ont profondément transformé la flatterie en une comédie destinée au public, aux marchés financiers et aux médias. Trump en a fait son terrain de jeu et ses interlocuteurs tentent de s’adapter comme ils peuvent...
Source: https://www.7sur7.be/
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