Le directeur du Cesti, Mamadou Ndiaye, aux récipiendaires de la 52e promotion : "Soumeylou Boubèye Maïga était un leader avec une capacité d'écoute, une culture politique avérée, un homme généreux…"
"De 1970 à 2025, le Cesti a formé 1399 journalistes professionnels dont 784 Sénégalais et 615 non Sénégalais…"

La 52e promotion du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti) porte désormais le nom de l'ancien Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga dont la cérémonie de baptême a eu lieu, le 22 mai 2025, à Dakar, en présence des autorités sénégalaises, des invités de marque ainsi que la famille Maïga.
Dans son discours, le directeur du Cesti, Mamadou Ndiaye, a salué la mémoire du parrain feu Soumeylou Boubèye Maïga considéré comme un homme aux multiples facettes. Depuis sa création en 1970, le Cesti a formé 1399 journalistes professionnels dont 784 Sénégalais et 615 non-Sénégalais, confirmant ainsi son statut d'école panafricaine d'excellence. Et cette cérémonie de sortie de la 52e promotion coïncide avec les 60 ans du Cesti. Voici le discours intégral prononcé par Mamadou Ndiaye.
Cette cérémonie de remise des diplômes aux sortants de la 52e promotion revêt un caractère particulier. Elle coïncide avec les 60 ans de notre établissement, le Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti).
Comme l'a dit très justement Molière, à 60 ans, c'est la fleur de l'âge. On entre dans la belle saison.
Le seuil des 60 ans constitue un symbole social fort. Loin d'être un marqueur biologique, 60 ans signifient pour le Cesti le début d'une décennie d'innovations, de sauts qualitatifs, de projets enthousiasmants et de changements positifs.
Depuis 60 ans, notre école a changé. Le Cesti est devenu institut avec rang de faculté.
La profession a changé avec le développement fulgurant des réseaux sociaux et l'intelligence artificielle générative.
La société a changé.
Le monde change. Il est, dit-on, en transition.
Les différentes équipes qui se sont succédés ont relevé le défi de la transformation positive de notre école. Ensemble, nous devons continuer le processus de transformation de cette institution pour l'inscrire durablement dans son rôle d'école avec rang de faculté au service de la profession, de la communication sociale et d'une société, elle-même, en mutation continue.
Aujourd'hui, le Cesti est solidement installé. Avec mon équipe, nous avons réussi le défi de l'innovation pédagogique.
Nous sommes passés de 2 formations en 2020 à 6 formations en 2025.
Par conséquent, les effectifs du Cesti sont passés de 159 étudiants en 2020 à 404 étudiants en 2025. A cela s'ajoute le démarrage de trois certificats pratiques en communication avec un effectif de 55 inscrits.
Nous souhaitons réformer et démarrer la formation du Fonds d'appui et de développement de la presse avec l'accord des acteurs de la presse et du ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique. Des projets de masters spécialisés en production audiovisuelle et en journalisme financier, économique, culturel, sportif, scientifique, d'investigation et de solutions ont été étudiés et validés par les instances compétentes et seront mis en œuvre dès l'année universitaire 2025-2026.
Le principal défi qu'il nous reste à relever depuis l'attaque lâche et insensée du 1er juin 2023 est le défi des infrastructures et du matériel roulant. Avec l'appui des diplômés, de certains partenaires et de nombreux contributeurs anonymes, nous avons pu réhabiliter le bâtiment principal et les salles de classe du nouveau bâtiment. Nous sommes à l'étroit et le bâtiment principal est devenu vétuste. La case-foyer sera démolie sur la demande de la protection civile. Le directeur des études est régulièrement confronté à des problèmes de disponibilité de salles de classe. Nous n'avons plus de bus pour assurer les sorties pédagogiques.
Après plusieurs visites au Cesti, les services du ministre de l'Enseignement supérieur de la Recherche et de l'Innovation nous ont annoncé la construction imminente de nouvelles infrastructures à la hauteur de la renommée de notre établissement.
Nous nous en réjouissons.
Mais au-delà du Cesti, nous espérons de l'Etat du Sénégal une prise en compte de la situation de l'Université Cheikh Anta Diop et une intervention rapide dans le cadre d'un programme de résilience ou d'indemnisation. A l'Ucad, nous avons perdu plus de 30 bus, des véhicules de service et des particuliers ont même perdu des biens.
Distingués et honorables invités, Mesdames et Messieurs,
Cette cérémonie est également l'occasion de rendre hommage à un illustre diplômé, Soumeylou Boubèye Maïga.
Les témoignages de sa famille, de tous ceux qui ont eu une relation professionnelle avec le parrain, ses confrères sont unanimes : Soumeylou Boubèye Maïga était un leader avec une capacité d'écoute, une culture politique avérée, un homme généreux qui avait beaucoup de qualités : une intelligence vive, une grande curiosité, qui en a fait un journaliste bien informé, très critique et aux analyses bien documentées et pertinentes. Le rédacteur en chef du mensuel 'Sunjata', de par ses écrits critiques était un pourfendeur du régime militaire. A la chute du pouvoir du général Moussa Traoré, il commença une carrière politique qui lui permit d'occuper les prestigieux postes de ministre des Affaires étrangères, de la Défense et de Premier ministre.
Distingués et honorables invités, Mesdames et Messieurs,
De 1970 à 2025 - date de sortie de sa 52e promotion - le Cesti a formé 1399 journalistes professionnels dont 784 Sénégalais et 615 non Sénégalais.
Le Cesti, école panafricaine, a donc formé en 60 ans de nombreux journalistes africains qui ont contribué au rayonnement de la profession en Afrique et dans le monde.
Pour renforcer notre ancrage panafricain, nous avons choisi, à l'occasion des 60 ans du Cesti, de donner une plus grande place aux diplômés venus de pays frères.
À travers ce choix, nous voulons exprimer notre reconnaissance, nos félicitations et nos remerciements aux amicales des diplômés du Cesti, du Mali et du Gabon pour le travail remarquable qu'elles sont en train de faire. Nos félicitations et remerciements vont également à M. Pépé Guilavogui qui a baptisé sa dernière fille Eugénie Cesti Guilavogui, en hommage à Mme Eugénie Aw Ndiaye et à son école.
Je voudrais exprimer ma gratitude au recteur de l'Ucad Pr. Alioune Badara Kandji, aux enseignants, au personnel administratif, technique et de service, aux étudiants, aux diplômés, aux retraités du Cesti, pour leur accompagnement et leur soutien constant.
Je voudrais, à présent, m'adresser aux récipiendaires.
Chères étudiantes, chers étudiants,
Ça y'est ! Vous l'avez le diplôme du Cesti.
Je vous adresse mes vives félicitations.
Vous allez recevoir votre diplôme de journaliste dans un contexte très difficile marqué par l'affaiblissement du secteur des médias et un processus de réorganisation du secteur qui portera certainement ses fruits dans un proche avenir.
- Après avoir subi les contrecoups de la pandémie à Covid-19, des entreprises de presse ferment pour non-conformité au Code de la presse.
- Des entreprises de presse vivent une situation économique désastreuse du fait de l'absence d'un plan de relance viable et d'un modèle économique basé exclusivement sur le tout gratuit, la publicité presque inexistante et l'aide à la presse.
- Des journalistes vivent une situation de précarité due aux retards de salaire ou pire à l'absence même de rémunération. Mes pensées vont aux valeureux journalistes de E-media mais également à tous ceux qui vivent ce drame en silence.
- Le code de la presse pourtant cité partout comme la référence est dépassé par les pratiques journalistiques actuelles. Des incohérences, des contradictions ou des dispositions liberticides sont signalées çà et là.
- L'émergence d'un nouveau type de journalisme dans le paysage médiatique avec une profusion de chaînes YouTube animées souvent par des militants politiques vulgairement appelés chroniqueurs.
- La carte nationale de presse qui ne répond pas encore aux attentes sans doute du fait des modalités de son attribution qui a fini d'installer deux catégories de journalistes dans les rédactions.
- L'intelligence artificielle qui menace sérieusement la profession au moment où aucune initiative sérieuse n'est prise au sein de la profession pour tirer profit de la technologie. Le tableau est peu reluisant mais nous avons une certitude. Vous avez bénéficié d'une bonne formation.
Nul doute que ceux qui cherchent la qualité feront appel à vous et y mettront le prix.
Et comme l'écrit Thierry Perret : «des journalistes formés, c'est au moins l'assurance que certaines maladresses flagrantes peuvent être évitées dans le traitement des évènements ; c'est un plus grand respect pour les faits et une attention portée à leur reconstruction avant de les livrer au public (…)».
Monsieur le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique,
Le déficit de formation est également un des problèmes du secteur des médias. Notre expertise en la matière est avérée. Faites-nous confiance, accompagnez-nous, nous pourrons résorber le gap et offrir aux journalistes en activité une formation continue efficiente.
Dans ce sens, grâce au travail acharné de ma collègue Yacine Diagne, CFI vient de nous confier un programme de développement de la formation continue au Cesti, à l'ISTC Polytechnique d'Abidjan, à l'Enstic d'Abomey Calavi et à l'Esstic de Yaoundé.
Nous le savons, de nombreuses initiatives sont prises par les autorités politiques pour assainir le secteur des médias au Sénégal. Au-delà du fait que ça a été d'abord une demande des acteurs de la presse, ce travail d'assainissement est un préalable à la mise en place d'un programme spécial pour stimuler la croissance économique des organes de presse.
Nos gouvernants le savent. Les médias jouent un rôle important dans le renforcement de la bonne gouvernance, de la démocratie et dans la constitution d'une société civile forte. Ils rendent possible une meilleure information des citoyens, une consultation plus accrue, une participation plus active dans le processus de prise de décisions et la promotion de la transparence.
À ce titre, les entreprises de presse doivent être soutenues, accompagnées afin que les sénégalais puissent avoir accès à une information de qualité délivrée par des organes de presse forts et responsables. Des médias qui ne jouent pas ce rôle, constituent un danger pour la démocratie.
Pour préserver la crédibilité de ceux qui ont choisi d'exercer librement le métier de journaliste, nous appelons au dialogue le MCTN, les patrons de presse et les institutions faîtières.
Dans l'histoire récente du Sénégal, de nombreux travaux ont démontré que la presse et le pouvoir ont souvent entretenu des relations heurtées. Ce qui se passe aujourd'hui n'a rien d'exceptionnel. Nous espérons que très rapidement, des solutions concertées seront trouvées pour que la démocratie et la liberté de presse continuent de rayonner dans notre beau pays.
Mesdames, Messieurs,
Chères autorités,
Chers invités,
Chers Cestiens,
Chers collègues,
Chères étudiantes, chers étudiants,
Chers partenaires,
Le Cesti a besoin de vous.
Un grand Merci à nos partenaires qui nous ont accompagnés cette année".
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