Mali: la renaissance politique

La première expérience démocratique remonte à la Charte de Kurukanfuga de 1236 et non à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1946. Pourtant, peu d’hommes politiques se sont battus pour que la Constitution de 1992 s’en inspire.

30 Mai 2025 - 13:49
30 Mai 2025 - 13:51
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Mali: la renaissance politique

Ce qui est constant, c’est que le mode de gouvernance issue de cette Constitution tient plus de la 5ème République française que du vécu du peuple malien. En envoyant ses enfants à l’école occidentale, le Mali s’attendait-il à recevoir en retour des légions d’intellectuels déracinés et assimilés, vivant en Afrique dans la nostalgie de l’Europe ?

LA REVOLUTION GALVAUDEE DE 1991 A CREE L’ANARCHIE
D’Alpha Oumar Konaté à Ibrahim Boubacar Kéita en passant par Amadou Toumani Touré, en fait de démocratie, les Maliens n’ont vu que le revers de la médaille car les partis et dirigeants politiques se sont plutôt évertués à exercer des pressions pour obtenir une part du gâteau. Afin de sauver leur pouvoir, les Chefs d’Etat ont dû céder, confirmant que la démocratie n’est viable qu’avec des ressources humaines de qualité, des dirigeants ayant le sens de l’Etat, mais aussi une population laborieuse et bien éduquée. Il en résulte que l’action politique doit être guidée par la saine appréciation des réalités dans la recherche du bien commun. C’est au nom de ce réalisme qu’un pouvoir politique responsable s’appuie sur une bonne connaissance de l’histoire et de la culture. Depuis la chute du régime de Modibo Kéita, le Mali n’a pas connu une doctrine politique cohérente. Ainsi, le magister de Moussa Traoré a été un long dérapage plus ou moins contrôlé, d’abord sous l’emprise du Comité Militaire de Libération Nationale (1968-1978), ensuite avec la timide ouverture tentée par l’Union Démocratique du Peuple Malien (1979-1991). Arriva dans ces conditions la révolution de mars 1991 sur laquelle le peuple avait fondé un grand espoir. Hélas !

La déception est d’autant plus grande que les fruits ont trahi la promesse des fleurs de 1991 par la faute de politiciens roublards, adeptes de demi-vérités qui sont des mensonges malicieusement servis. En outre, aucune crise politique majeure n’a pu être résolue grâce à la Constitution de 1992, obligeant les présidents démocratiquement élus à recourir aux autorités religieuses et aux légitimités coutumières. La Constitution est la boussole intégrant les valeurs cardinales du peuple et non un produit de mode. A l’exception du coup d’état du 19 novembre 1968 qui était purement militaire, tous les autres putschs ont été perpétrés avec le soutien actif de partis et mouvements politiques. Aujourd’hui, leurs maîtres et gourous occidentaux ayant été éconduits sans ménagement, quelques apprentis sorciers sentant la fin proche, sont désemparés et au bord de la crise de nerf.

LE MALI TOUJOURS A LA POINTE DU COMBAT
Après Modibo Kéita, Moussa Traoré avait quelque peu réussi à maintenir l’élan souverainiste du pays mais leurs successeurs finiront par livrer, souvent à leur corps défendant, le Mali à la France et aux institutions de Breton Wood. Le multipartisme intégral n’a été qu’un leurre qui n’a pas servi la démocratie. Il a plutôt permis à la France de mieux tenir les dirigeants, suite à la suppression des partis uniques. En effet, la création de nombreux « partis-boutiques » avait affaibli les présidents élus qui ne pouvaient s’appuyer sur aucune force politique stable. Des incompétents ont ainsi été propulsés à des postes de responsabilité, à tous les niveaux de l’échelle sociale, favorisant la grande corruption et l’anéantissement de l’autorité de l’Etat. Suite à la déstabilisation de la Libye et l’assassinat de Kadhafi, le Mali d’ATT s’est retrouvé dans le viseur puisque Kidal avait été promise par Nicolas Sarkozy à certains groupes rebelles comme butin de guerre. De nombreuses tribulations ultérieures conduiront à la signature de l’Accord d’Alger en 2015, un texte imposé au Mali en violation de sa Constitution, dans le silence des partis politiques. Le régime d’IBK n’y survivra pas.

Toute démocratie forte s’appuie sur une armée capable de défendre l’intégrité du territoire et l’économie nationale. En cela, l’arrivée d’Assimi Goïta au pouvoir constitue indéniablement le point de rupture avec le mouvement dit démocratique sous lequel l’autostop politique avait pris le dessus sur la saine gestion de l’Etat. Son principal mérite est d’avoir tiré les leçons des errements du passé et pris les décisions salutaires pour le renouveau du pays. Mêlant audace et dextérité, il a opéré une remise à plat avec la communauté internationale et évité toute relation incestueuse avec les politiciens opportunistes. Comment ne pas saluer le soutien des blogueurs patriotes sur les réseaux sociaux, qui ont fait le contre- poids nécessaire aux media occidentaux et à leurs relais locaux, dans leur funeste entreprise de désinformation et de déstabilisation ! Grâce à eux, de plus en plus de maliens sont informés et se sentent concernés par la gestion des affaires publiques. On peut donc dire que l’arbre planté par Modibo Kéita n’est pas mort. Il a certes produit de nombreuses branches et feuilles mortes, balayées de façon cyclique, mais le tronc a résisté, porté par des racines solides. Assimi Goïta est en train de poursuivre son œuvre, comme Ibrahim Traoré est en train de bonifier celle de Thomas Sankara au Burkina Faso. Les deux pays ont été rejoints par le Niger et ils ont créé à trois l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui sonne le déclin des pratiques néocoloniales, pendant que sa naissance est saluée par tous les grands pays émergents du monde. Le grand Mali, celui qui joue dans la cour des grands, est de retour.

Le nanisme politique a fait beaucoup de mal au Mali. Le véritable défi qui est lancé à la « génération Assimi » est de s’affranchir du carcan néocolonial, pourque la pratique de la démocratie se constate d’abord au sein des partis politiques eux-mêmes. L’abrogation de la loi portant Charte des partis politiques sans remettre en cause le multipartisme garanti par la Constitution, a ouvert la voie à la dissolution très attendue des partis et associations à caractère politique. La bipolarisation constatée actuellement entre les adeptes de la refondation et ceux qui défendent l’ordre ancien, pourrait servir de base à la constitution de deux grands groupes politiques rivaux. Place désormais au renouveau au sein de l’AES.

Mahamadou Camara
Email : mahacam55mc@gmail.com

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