L’incivisme mène à la violence extrême : quelle société voulons-nous léguer à nos enfants ?

Quand l’incivisme ouvre la porte à la tragédie, il nourrit l’insécurité, brise la confiance entre voisins, fragilise toute une nation.

23 Juin 2025 - 01:45
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L’incivisme mène à la violence extrême : quelle société voulons-nous léguer à nos enfants ?
Nana DIALLO,Spécialiste en prévention de l’extrémisme violent, du terrorisme et des questions de sécurité nationale

Et pourtant, nous avons tous en nous la capacité de changer les choses : par une parole apaisante, un geste respectueux, une main tendue pour calmer un conflit au lieu de l’attiser.

Il suffit parfois d’un mot mal choisi ou de trop, d’un regard mal interprété, d'une colère mal contenue, d'un geste irréfléchi ou d’un simple désaccord… et soudain tout bascule. La vie, si précieuse, se brise en un instant, une querelle, un ton qui monte, une foule qui s’embrase, la frontière entre la dispute et le lynchage s’efface.

Hélas , la  mort tragique du jeune artiste plein de rêves, Abdoulaye MACALOU alias Lord Makhaveli, résonne bien au-delà de la scène musicale laissant un quartier sous le choc, Une famille en pleure et des fans qui s’indignent derrière un vide que rien ne comble vraiment avec une envie de rendre justice et la soif de mettre la lumière sur les mains qui se cachent derrière la mort de celui qu'ils avaient comme repère. Paix a son âme .

Malheureusement, ce drame expose, une fois de plus, un mal profond qui ronge notre société que nous refusons souvent d’admettre : l’incivilité ordinaire, nourri par l’absence de valeurs, se transforme insidieusement en une violence sans limite. Ce qui commence par une dispute, une insulte ou un geste déplacé se termine par un corps sans vie, des familles endeuillées, une jeunesse en perte de repères et des citoyens qui s’interrogent : comment un simple différend a-t-il pu coûter une vie ?

 Au fond  cet événement tragique n’est pas un cas isolé. Chaque jour, dans la circulation routière, dans nos rues, nos marchés, nos quartiers, de petites incivilités en apparence anodines deviennent des braises prêtes à embraser le tissu social. Des injures, des provocations, une justice personnelle improvisée : ce cocktail explosif alimente un climat d’insécurité qui n’épargne plus personne.

Il est temps de comprendre que l’incivisme est le terreau de la violence. Et que cette violence, un jour ou l’autre, pourrait frapper à la porte de chacun, une évidence trop souvent oubliée, quand le civisme disparaît, la violence s’installe. Et dans une société où l’on se rend justice soi-même est une société où plus personne n’est vraiment en sécurité.

Un miroir tendu à la société

Dans les débats, les excuses reviennent (la pauvreté, le chômage, la frustration. Certes. Mais la racine du problème est souvent plus profonde : la lente érosion de l’éducation aux valeurs, ce miroir est tendu à nos familles, à notre système éducatif et à nos décideurs.Qui éduque encore ? Qui transmet encore le respect du bien commun, de l’intégrité et de la vie humaine ?

L’école est trop souvent débordée. La rue dicte ses propres lois. Les parents, pris entre survie quotidienne et désillusion, baissent parfois les bras. Et l’État ? Trop peu de politiques éducatives adaptées aux réalités locales, trop peu de suivi, trop de laxisme face aux actes d’incivilité, devenus presque banals.

Il n’est pas question ici d’accuser qui que ce soit.

Dans de nombreux foyers, faute de temps, faute de repères, on ne transmet plus toujours la patience, la tolérance, le respect de la vie humaine. À l’école, l’incivisme se banalise, et dans la rue, la loi du plus fort gagne du terrain.Or, chaque incivilité tolérée est une graine semée pour un lendemain de violence.

Quand le respect s’effrite, la violence s’installe. Elle pousse les plus fragiles à croire qu’il faut frapper pour se faire entendre, qu’il faut humilier pour se défendre, qu’il faut ôter la vie pour « se rendre justice ». Alors, chacun devient vulnérable : aujourd’hui c’est un jeune rappeur fauché en pleine rue. Demain ? Pourrait être n’importe lequel de nos enfants, de nos voisins et de nos proches.

Il est plutôt temps de se demander pour éviter que la violence engendre mine la cohésion sociale et pave la voie à l’insécurité généralisée: que transmettons-nous à nos enfants ? Quelles valeurs habitent encore nos foyers, nos écoles, nos rues ? Qui rappelle que la dignité humaine vaut plus qu’un désaccord ou une dispute ?

Un appel à agir, au-delà de l’émotion

Le choc laisse place aux questions cruciale sur l’avenir de notre société: que faisons-nous concrètement pour que cela ne se reproduise plus ?

Parents, enseignants, chefs de quartier, dirigeant et leaders religieux, chacun a un rôle à jouer pour que l’éducation aux valeurs ne soit plus reléguée au second plan. Car la prévention de la violence ne commence pas par les armes ou la force, mais par la transmission patiente du respect et du vivre-ensemble.

L’éducation ne doit pas se limiter aux salles de classe. Elle se construit d’abord à la maison, par l’exemple, la parole et la sanction juste. Elle se poursuit dans la rue, à l’école, dans les médias et dans les politiques publiques. Sans valeurs solides, sans civisme, aucune paix durable n’est possible. l’éducation aux valeurs doit redevenir une priorité.

La population malienne majoritairement jeune mérite un encadrement qui la protège de la spirale de la violence.Il est urgent de renforcer notre système éducatifs, de soutenir les familles dans leur mission d’éducation, d’outiller les écoles pour qu’elles forment non seulement des têtes bien pleines, mais aussi des cœurs bien préparés à la vie en société et Nos maisons doivent redevenir des écoles de respect et de tolérance.

Parents, enseignants, décideurs, citoyens Il est temps d’agir, ensemble, pour que plus jamais une vie ne s’éteigne pour si peu.

Face à cette tragédie, chacun doit s’interroger :

Quelles valeurs transmettons-nous réellement à nos enfants ?

Que faisons-nous pour inculquer à nos enfants le respect de l’autre et de la vie ?

Quel système éducatif bâtissons-nous pour forger des citoyens responsables ?

Quelles mesures concrètes prenons-nous pour dissuader la violence gratuite et restaurer la confiance entre citoyens et forces de l’ordre ?

Combien de drames encore avant de comprendre que l’incivisme toléré devient une menace pour chacun de nous ?

Comment pouvons-nous, chacun à notre niveau, être gardiens de la paix et non semeurs de haine ?

Sommes-nous prêts à investir dans une éducation de qualité, centrée sur les valeurs humaines ?

Sommes-nous capables de restaurer la confiance et la sécurité sans reconstruire d’abord les bases du respect mutuel ?

Sommes-nous capables de regarder notre société en face et de reconnaître que nous avons laissé trop de place à l’incivisme ?

Qu’avons-nous fait pour prévenir ce basculement ?

Quels efforts sommes-nous prêts à fournir pour renforcer l’éducation au respect et à la tolérance ?

Jusqu’à quand accepterons-nous que l’incivisme serve de terreau à la violence ?

Sommes-nous prêts à enseigner, chaque jour, que la vie humaine est sacrée ?

Sommes-nous décidés à dire non à la loi du plus fort et oui à la loi du respect mutuel ?

Sommes-nous prêts à agir, chacun à notre niveau, pour que plus jamais un simple désaccord ne coûte la vie à un jeune plein d’avenir ?

Quelles mesures concrètes mettons-nous en place pour protéger la vie humaine ?

Jusqu’à quand allons-nous accepter que de simples conflits se transforment en drames ?

 Sommes-nous prêts à redevenir une société où le respect est plus fort que la violence ?

 À chacun d’y prendre part, sans attendre qu’un autre drame ne vienne, une fois de plus, raviver nos regrets.

 á force de fermer les yeux sur de petits gestes d’incivisme, de laisser passer des insultes, des menaces ou des actes d’intimidation, nous laissons la violence s’infiltrer dans notre quotidien.

 

Nana DIALLO,Spécialiste en prévention de l’extrémisme violent, du terrorisme et des questions de sécurité nationale

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