Le dilemme algérien face à la crise au Mali

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ALGER (Reuters) – L’Algérie s’inquiète du chaos qui règne au Mali, avec lequel elle partage 2.000 km de frontière commune, mais estime qu’une intervention étrangère contre les insurgés islamistes ne ferait qu’aggraver la situation.

Le gouvernement d’Alger, confronté lui-même à une insurrection islamiste qui a fait des dizaines de milliers de morts pendant la “décennie noire” entre 1992 et 2002, ne veut pas que le Mali devienne un nouvel Afghanistan mais n’entend pas pour autant se voir confier le rôle de gendarme du Sahel.

“L’Algérie est le seul pays de la région à avoir les compétences et les moyens pour intervenir contre Al Qaïda là-bas. Je ne comprends pas pourquoi elle refuse d’agir”, dit un ambassadeur d’un pays du Sahel.

Alger prône une solution diplomatique au Mali depuis que les insurgés touaregs et les islamistes ont pris le contrôle des deux tiers du pays en profitant du désordre qui a suivi le coup d’Etat militaire de mars dernier à Bamako.

Les groupes islamistes, certains liés à Al Qaïda, sont ensuite parvenus à marginaliser les Touaregs et ont imposé la charia, la loi islamique, dans les territoires conquis.

Vendredi, le Conseil de sécurité de l’Onu a adopté une résolution appelant les organisations régionales africaines et les Nations unies à présenter dans les quarante-cinq jours un plan d’intervention visant à reconquérir le nord du Mali.

L’Algérie a accueilli cette initiative avec réserve, tout en soulignant que le texte adopté reprenait de “nombreux éléments” de ses propres positions.

A sa grande satisfaction, la résolution mise au point par la France appelle les autorités maliennes à ouvrir un dialogue avec les rebelles touaregs, à condition qu’ils rompent avec les islamistes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), qui détiennent plusieurs otages dont des Algériens et des Français.

De source proche des services de sécurité algériens, on rapporte que les autorités d’Alger ont eu des discussions ce mois-ci avec le groupe islamiste Ansar Dine, également présent au Mali et proche d’Aqmi.

RÉUNION VENDREDI À BAMAKO

On ignore ce qui est sorti de ces contacts. Selon certains analystes, Alger aurait tenté de convaincre Ansar Dine de rompre avec Aqmi afin de pouvoir apparaître comme un interlocuteur crédible dans d’éventuelles négociations.

Il y a huit jours, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le principal groupe touareg finalement écarté par les islamistes, a renoncé à créer un Etat séparé dans le nord du Mali.

“Nous revendiquons notre droit à l’autodétermination mais cela ne veut pas dire sécession”, a déclaré Ibrahim Ag Assaleh, un responsable du MNLA, après avoir rencontré le président burkinabé Blaise Compaoré, médiateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

Des représentants de l’Union africaine, de la Cédéao et des Nations unies se réunissent à Bamako le 19 octobre pour discuter de l’avenir du Mali et d’une éventuelle intervention militaire dans le Nord, qui de toute façon ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois.

Le même jour, les Etats-Unis ouvriront un “dialogue stratégique” avec les Algériens, considérés comme des alliés essentiels dans la lutte contre l’islamisme armé.

Reste qu’Alger est très sceptique sur le bien-fondé d’une intervention militaire internationale au Mali.

Les Algériens s’étaient déjà opposés aux opérations de l’Otan contre le régime de Mouammar Kadhafi l’année dernière en Libye. Ils sont également hostiles à une intervention en Syrie et rappellent les déboires subis par les Occidentaux ainsi que le sort tragique des populations en Irak et en Afghanistan.

“L’Algérie souligne que les choix militaires amènent généralement des conséquences imprévues”, dit Geoff Porter, directeur de North Africa Risk Consulting. “Elle craint qu’une approche militaire du problème ne conduise à encore plus d’instabilité dans la région.”

DIPLOMATES ALGÉRIENS OTAGES

Le soulèvement dans le nord du Mali est en partie une conséquence de la chute de Kadhafi en Libye. Fidèles jusqu’à la fin au “guide de la révolution libyenne”, des combattants touaregs se sont en effet repliés plus au sud, au Niger et au Mali. Par ailleurs, à la fin des combats en Libye, des flots d’armes et de munitions ont fini entre les mains des groupes armés du Sahel, notamment des islamistes.

Alger craint aussi pour la vie de ses diplomates toujours retenus au Mali par les islamistes. Le Mujao a affirmé avoir tué l’un des sept diplomates algériens enlevés en avril au consulat d’Algérie à Gao. Quatre autres ont été depuis libérés.

Face aux insistants appels africains et internationaux en faveur d’une intervention militaire, les Algériens se retrouvent dans une position délicate et ne veulent pas apparaître comme trop isolés.

Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, s’est rendu au début du mois en Mauritanie, au Mali et au Niger, et s’est prononcé pour un dialogue entre tous les groupes maliens. “Mais pas question de négocier avec le crime organisé et avec le terrorisme qui est une menace pour nos pays”, a-t-il dit.

Pour Lyes Boukraa, spécialiste algérien des questions de sécurité, l’efficacité de la lutte contre le terrorisme dépend plus du renseignement et des réseaux d’informateurs que d’une présence militaire massive sur le terrain.

“Pourquoi l’Algérie prendrait-elle un tel risque, qui pourrait avoir des conséquences négatives pour sa propre sécurité ?”, se demande-t-il.

Pour Anis Rahmani, directeur du quotidien algérien Ennahar, une intervention militaire internationale risque d’unifier les groupes islamistes et attirer vers eux de nouvelles recrues désireuses de “chasser les infidèles” de la région.

“Une intervention militaire est nécessaire pour mettre fin à la présence d’Al Qaïda au Mali mais elle doit être menée par les Maliens eux-mêmes”, dit-il.

Mais les forces maliennes ne sont actuellement pas en mesure de mener à bien, à elles seules, une telle opération.

Avec Lamine Chikhi, Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser

Créé le 15-10-2012 à 16h31 – Mis à jour à 16h31

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