Journée mondiale de la femme rurale : « Je me bats comme les hommes… »

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Le Mali à l’instar de la communauté internationale a célébré le 15 octobre 2012 la journée mondiale de la femme rurale. Cette 17e édition a été placée sous le signe de « revendiquez votre droit à la parole dans les réflexions sur le changement climatique » au plan international alors qu’au plan national le thème choisi est « revendiquez votre droit à la parole dans les réflexions sur les changements climatiques et la paix». A l’occasion, votre hebdomadaire reçoit Mme Coulibaly Aminata Sidibé, la promotrice de la société FASO KABA et la secrétaire chargée des relations extérieures de l’Association des Sociétés Semencières du Mali.

Les femmes rurales sont présentes à 75 % dans l’agriculture où elles jouent un rôle socio-économique et culturel inestimable dans le secteur agricole. Malgré cela, elles sont confrontées à de nombreux problèmes qui ralentissent leur plein épanouissement, à savoir l’accès à la Terre, au crédit, aux équipements, à l’eau, etc. Selon Mme Coulibaly Aminata Sidibé, notre invitée du jour, il existe de nombreux obstacles à la jouissance de ces droits par les femmes, surtout en ce qui concerne l’accès au crédit et à l’équipement. L’accès des femmes rurales à la terre,  aux facteurs et moyens de production rencontre des restrictions à cause des us et coutumes. Les pratiques coutumières ne leur laissent que la possibilité d’occuper uniquement les terres marginales, hostiles et peu rentables. Une réaction confortée par une étude réalisée en 2000 par le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille. Etude selon laquelle, en droit moderne, les mêmes droits fonciers sont reconnus à l’homme et à la femme qui peuvent accéder à des titres fonciers. Mieux, les instruments juridiques de gestion des terres et des opérations de développement rural permettent aux femmes d’accéder aux terres aménagées. L’administration délivre des actes aux occupants et occupantes de ces zones afin de les sécuriser. Mais malgré tout, l’accès aux terres et aux moyens de production par les femmes demeure toujours un parcours du combattant.

L’enquêteur : Présentez vous à nos lecteurs

Mme Coulibaly : Je suis Mme Coulibaly Aminata Sidibé. La secrétaire chargée des relations extérieures de l’Association des Sociétés Semencières du Mali et la promotrice de FASO KABA, une société privée de production et de distribution des intrants agricoles.

L’enquêteur : En quoi consiste le travail d’un semencier ?

Mme Coulibaly : Notre travail consiste à rapprocher la recherche dans le domaine, aux producteurs car, ce que nous diffusons c’est le résultat de la recherche de l’Institut de l’Economie Rurale.

L’enquêteur : En tant que femme, comment trouvez-vous le métier ?

Mme Coulibaly : J’avoue que ce n’est pas facile, d’ailleurs rien n’est facile dans ce monde là. Surtout quand on veut être parfait. Moi quand je me décide à faire quelque chose, je me force à  être parfaite, donc exigeante avec moi-même. Pour ce faire, j’ai signé avec l’IER un protocole de fourniture de semences de base de sorte que, quand les semences sont prêtes, je les vends aux coopératives semencières; cela, comme vous pouvez le constater, après un travail hardi de communication et de marketing. Côté partenaires financiers tels que AGRA ou SASAKAWA global, je formule des demandes de crédit ou de subvention. Par exemple c’est SASAKAWA qui m’a aidé à monter mon premier dossier de faisabilité déposé à la BMS,  en garantissant le crédit à 50%, que j’ai d’ailleurs eu tous les problèmes du monde à rembourser. J’avoue que ça n’a pas été facile. Vous savez quand tu es une femme, il faut redoubler d’effort et d’ardeur au travail, car il y a la famille à entretenir, il y a le social à ne pas occulter avec les baptêmes et les mariages. En tant que responsable, tu gères le personnel et leur social.

L’enquêteur : Y a t- il des lignes spécifiques de crédit ou de subvention dont vous bénéficiez en tant que femme, auprès des partenaires?

Mme Coulibaly : Non malheureusement. Nous sommes traités au même pied d’égalité que les hommes. On ne m’a jamais rien offert à  FASO KABA, parce que la directrice est une femme, non. Je me bats comme les hommes. Si je demande du crédit je fais les mêmes mouvements que les hommes. Souvent d’ailleurs, nous sommes même plus lésées que les hommes, car les partenaires nous demandent des garanties alors qu’avec un homme ils négocient à côté et puis c’est réglé.

L’enquêteur : Malgré tout, FASO KABA est aujourd’hui une société de référence en matière de production et de distribution de semences au Mali. Comment êtes vous parvenue à vous hisser au sommet ?

Mme Coulibaly : De part la qualité et le bon travail de la société, mais aussi de la confiance de mes partenaires placée en moi. Par exemple AGRA m’a accordé non seulement une subvention, mais m’a également introduite auprès d’une structure d’investissement pour l’obtention d’un crédit qui a servi à l’achat d’une chaine de conditionnement. Du coup, la qualité du travail s’est considérablement améliorée, car avant, tout était fait à la main. On nettoyait à la main, on conditionnait à la main, mais avec cette machine, je puis dire que la société vit une petite révolution. Au lieu d’employer quarante ou cinquante manœuvres, on se limite désormais à quinze personnes et avec un rendement des fois meilleur. Ainsi au lieu de 6 à 9 mois tout est ficelé en espace de deux mois.

L’enquêteur : Quels sont vos rapports avec les femmes rurales ?

Mme Coulibaly : Si ça ne tenait qu’à moi, je ne travaillerais qu’avec les femmes. Mes producteurs, des femmes, mes distributeurs, des femmes. Parce qu’elles sont plus dévouées au travail. Elles participent activement dans l’exploitation malgré quelles n’ont aucun contrôle sur les ressources. Leur rôle est important au sein de la société quoique  leur situation reste encore précaire.

L’enquêteur : Le Mali à l’instar des autre pays du monde a célébré le 15 octobre 2012 dernier la journée mondiale de la femme rurale. Qu’est-ce que cette journée représente pour vous ?

Mme Coulibaly : Beaucoup. La journée permet de s’exprimer. Elle donne l’occasion aux femmes de dire tout ce qu’elles ont sur le cœur, ce qui ne va pas et ce qu’il y a de mieux. C’est bien de consacrer une journée aux femmes rurales qui sont au four et au moulin pour subvenir aux besoins de leur famille et de leur communauté.

L’enquêteur : Et que gagne FASO KABA à célébrer une telle journée ?

Mme Coulibaly : Une telle journée me permet de me faire connaitre d’avantage.

L’enquêteur : Comment ?

Mme Coulibaly : Au cours d’une telle journée, je cherche à véhiculer un certain nombre de messages, à exposer nos préoccupations, à participer à des expositions, à prendre part aux foires, à faire de la communication autour de FASO KABA avec les banderoles, les dépliants, etc.

L’enquêteur : Au nom de l’association des sociétés semencières du Mali, vous avez effectué un voyage en Tanzanie du 26 septembre au 30 septembre 2012 ?

Mme Coulibaly : Oui c’est exact. Le voyage a été un véritable rendez-vous du donner et du recevoir. Une excellente plateforme d’échange d’expériences avec d’autres acteurs semenciers des pays africains et des autres continents. A l’occasion, j’ai animé une communication dont le thème portait sur :  ‘‘Pourquoi investir dans les femmes du monde agricole’’.  C’était au cours d’un panel sur le rôle des femmes, au cours duquel, j’ai pu souligner que l’accès aux terres et aux moyens de production par les femmes était un véritable défi à relever afin d’accroître le niveau des femmes rurales. Enfin, j’ai  rappelé que dans beaucoup de zones rurales, la femme a recours à l’équipement de l’unité de production familiale pour ses travaux, toute chose qui ne participe pas à son autonomisation.

L’enquêteur : Aujourd’hui vous êtes un model de réussite au féminin, quels conseils pouvez-vous donner à vos sœurs qui vous emboiteront le pas ?

Mme Coulibaly : Si je suis citée comme référence en la matière, cela me fait plaisir. De toute façon, c’est vous qui le dites sinon moi-même,  je me considère comme  une femme qui se bat nuit et jour pour relever le défi de la participation citoyenne au développement de mon pays,  Le Mali, une terre agricole et d’élevage par excellence.  Aussi, voudrais-je dire aux femmes que tout ce que l’on fait, il faudra le faire très bien et de façon intègre, sans honte. Avoir un respect sacro-saint  des engagements que l’on prend  et tenir compte des valeurs sociales qui régissent notre société malienne.

Ange De VILLIER 

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1 commentaire

  1. Le Mali doit tirer leçon de ce qu’il vit actuellement et profiter pour se tailler une camisole de dirigeant qui s’appuie sur sa tradition et le système de gouvernance occidentale. Il est important aujourd’hui pour les maliens de s’appuyer sur la tradition dans ce monde moderne pour aller sûrement vers un avenir certain de bonne gouvernance.

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