La Guerre au Mali va-t-elle déstabiliser tout le Sahel?

ALGÉRIE
NIGER La position du Niger est délicate. Le pays est en effet bordé par trois frontières problématiques : le sud de la Libye, le Mali et le nord du Nigeria. Ce qui en fait le pays "incontestablement le plus fragilisé", selon Mathieu Pellerin, gérant du CISCA (Centre d'Intelligence Stratégique sur le Continent Africain) et chercheur à l'IFRI. Si des troupes françaises et américaines sont venus soutenir les militaires nigériens à la frontière malienne, "en dépit de toutes ces précautions, la frontière demeure incontrôlable", ce qui rend "les infiltrations inéluctables". Le risque principal est que "le nord du Niger et le sud libyen soient des destinations refuges pour les groupes terroristes basés au nord Mali". Et au-delà de ses frontières fragiles, le Niger devra également être attentif à ses enjeux nationaux. "Le Niger doit veiller à préserver le fragile équilibre interne qui prévaut dans ses régions au nord, avec des ex-rebelles Touareg très attentifs à l'évolution de la situation au Mali et qui voient d'un mauvais œil la remontée de l'armée malienne et le déploiement de la Cédéao", analyse Mathieu Pellerin qui explique qu'il existe "des continuités familiales, tribales et idéologiques entre le nord du Mali et le nord du Niger".
MAURITANIE
NIGERIA Les combattant de Boko Haram, la secte islamiste qui ensanglante le nord du Nigeria depuis de nombreux mois, ont-ils établi des liens avec les jihadistes qui opéraient au Nord-Mali? Dans ce contexte régional agité, la question se pose. "Cela fait déjà de nombreux mois que l'on sait que des membres de Boko Haram sont en contact avec différents groupes présents au Nord du Mali notamment le Mujao et Aqmi", répond Laurent de Castelli, diplômé en Défense, sécurité et gestion de crise d’IRIS Sup. "Plusieurs mois avant l'intervention française, les membres de la secte nigériane auraient suivi un entrainement auprès du Mujao dans le nord du Mali", poursuit-il. Et plusieurs sources le confirment : "Selon un rapport du conseil de sécurité des Nations Unies de janvier 2012, des combattants ont été arrêtés au Niger en essayant de rejoindre le Mali. Ils étaient en possession, de noms et de coordonnées de membres d'Aqmi qu’ils projetaient, semble-t-il, de rencontrer. Par ailleurs, selon le Général Carter Ham, Commandant américain de l'Africom [le Commandement des États-Unis pour l'Afrique, Ndlr), Boko Haram aurait reçu un soutien financier, probablement un entraînement ainsi que des explosifs venant d'AQMI, au cours de l'année 2012". Par ailleurs, selon Laurent de Castelli "Boko Haram a principalement un objectif national. Mais cela peut changer suivant l'évolution de l'intervention au Mali." Ce qui n'est pas le cas d'Ansaru, un groupe dissident. "Ansaru affiche un objectif plus international et antioccidental. Dans un communiqué du 23 décembre 2012revendiquant l'enlèvement d'un ressortissant français, le groupe déclare avoir choisi de cibler la France en raison de son 'rôle majeur' dans la préparation de l'intervention 'contre l'État islamique dans le Nord du Mali', ainsi que 'la position du gouvernement français et des Français vis-à-vis de l'Islam et des musulmans'". Enfin, le risque de scission nord-sud au Nigeria, comme cela s'est passé au Mali est peu probable. "Je ne pense pas que Boko Haram souhaite une scission du Nigeria car les richesses du pays, le pétrole, se trouvent dans le sud. À la création de Boko Haram il y a une dizaine d'années, l'un des objectifs de Mohammed Yusuf, le fondateur du mouvement, était de lutter contre la corruption des élites, ainsi que d'obtenir un meilleur partage des ressources du pays. Boko Haram n'a pas vraiment intérêt à vouloir une division du Nigeria", détaille Laurent de Castelli qui estime qu'il est encore trop tôt pour connaître l'incidence de l'intervention au Mali sur la stabilité du Nigeria.
SÉNÉGAL Là aussi, la stabilité du pays n'est pas encore engagée. Mais l'État sénégalais est fébrile et montre des signes d'inquiétudes. Non seulement la sécurité est renforcée aux frontières, mais la population est également mise à contribution. L'hebdomadaireJeune Afrique indique que le président Macky Sall a invité les Sénégalais "à sonner l'alerte auprès des sous-préfets, préfets et forces de sécurité, en cas 'de présence' suspecte d'individus". Un appel lancé en réaction "aux infiltrations de salafistes et wahabites dans les pays", selon Philippe Hugon, directeur de recherche à l'IRIS, en charge de l'Afrique. "Si pendant longtemps les confréries très présentes au Sénégal, et notamment la confrérie des Mourides, ont été un rempart contre l’extrémisme religieux, leur légitimité risque d'être mise à mal par ces infiltrations." Autre risque potentiel pour Philippe Hugon, les prises d'otages. "Il y a près de 20.000 ressortissants français au Sénégal, c'est un pays où la prise d'otage est possible". Le site du ministère des Affaires étrangères français indique d'ailleurs que "compte tenu de l’activisme de groupes terroristes opérant dans la bande sahélienne, il importe que les Français résidant ou de passage au Sénégal fassent preuve d’une vigilance accrue, dans les endroits où ils se déplacent, à l’égard de tout comportement ou paquet suspect. Il est conseillé d’éviter les discothèques, les stades et de manière générale tous les lieux de forte concentration de public, notamment occidental." (1) La gestion des menaces criminelles en entreprises, co-écrit par Alain Juillet, Olivier Hassid et Mathieu Pellerin (Editions De Boeck) huffingtonpost.fr/2013/01/31
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