Goongan Tan : Algérie : Tebboune protège les rebelles du nord et condamne les migrants du sud à l'errance désertique
La 59è session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, ouverte le 16 juin et prévue jusqu'au 9 juillet 2025 à Genève, a de nouveau mis en lumière les pratiques préoccupantes de l'Algérie sous la présidence d'Abdelmadjid Tebboune

Sous couvert de souveraineté nationale, Alger poursuit une politique systématique d'expulsions massives de migrants subsahariens, notamment en direction du Niger. Ce contraste saisissant entre les discours diplomatiques et les actes concrets révèle ce que nombre d'analystes, dont votre serviteur, dénoncent depuis des années : un double langage fondé sur un racisme latent et une stratégie d'influence régionale manquée.
Sous Tebboune, les expulsions se sont intensifiées et sont désormais teintées d'une rare brutalité, méthodiquement organisées et parfaitement connues des autorités africaines. Les chiffres sont éloquents : plus de 30 000 migrants subsahariens ont été expulsés vers le Niger en 2024, contre 26 000 l'année précédente. Selon l'ONG Alarme Phone Sahara (APS), 16 000 d'entre eux (depuis avril seulement) ont été refoulés dans des conditions inhumaines. Hommes, femmes et enfants sont régulièrement abandonnés dans la zone désertique dite de " point zéro ", entre Tamanrasset et Assamaka, une région sans infrastructures, sans eau, sans soins et sans abri. Un lieu qui ressemble davantage à un no man's land de relégation qu'à un point de passage humanitaire. Ce traitement indigne infligé à des êtres humains, uniquement en raison de leur couleur de peau et de leur origine, soulève l'indignation au-delà des cercles militants. Le Réseau de formation, de recherche et d'action sur les migrations africaines (REFORMAF) a d'ailleurs déclaré sans ambages que l'Algérie est " directement responsable de la mise en danger délibérée de milliers de vies humaines ". À Genève, le rapporteur spécial sur les droits des migrants, Gehad Madi, a relayé avec force ces alertes lors d'un échange interactif, dénonçant la brutalité d'un système d'" évacuation " institutionnalisé.
Au Sahel, et particulièrement à Niamey, vers où les migrants sont refoulés, l'indignation est à son comble. Le général Mohamed Toumba, ministre nigérien de l'Intérieur et de la Décentralisation, a condamné fermement ces renvois massifs qu'il juge contraires aux principes de coopération régionale et aux traités internationaux. Lors d'un entretien avec le directeur de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), il a exprimé sa colère, qualifiant ces actes d'" inacceptables ". Ce rejet diplomatique n'a toutefois pas empêché Alger de persister dans sa logique de " nettoyage migratoire ", dissimulée sous l'alibi de la sécurité intérieure.
Mais peut-on vraiment dissocier cette politique migratoire d'une stratégie géopolitique plus large ? Pour beaucoup d'analystes, les flux migratoires subsahariens sont devenus un levier de chantage et d'influence pour l'Algérie, notamment vis-à-vis de ses voisins sahéliens. Cette instrumentalisation des migrants sert à renforcer une position dominante dans un espace régional de plus en plus instable.
Ce paradoxe entre discours panafricaniste et pratiques xénophobes est au cœur du malaise. L'Algérie continue de se présenter comme un pays " frère " de l'Afrique, fort de son héritage anticolonial et de son engagement passé en faveur des luttes de libération. Mais cette façade ne résiste pas à l'examen. Derrière le vernis idéologique se profile une politique de realpolitik froide et condescendante, où les pays d'Afrique subsaharienne sont traités comme des variables d'ajustement.
Le Mali, dans ce contexte, ne se laisse plus duper. Alors que Bamako affirme haut et fort sa souveraineté dans la gestion de la crise du Nord, où djihadisme, rébellions touarègues et influences extérieures s'entremêlent, Alger n'a cessé de manœuvrer en coulisses, parfois en soutenant discrètement certaines factions de Kidal. Une tentative de médiation biaisée que les autorités maliennes ont catégoriquement rejetée, préférant assumer seules la gestion de leur territoire. Cette résistance à l'influence algérienne marque un tournant : elle témoigne d'une nouvelle volonté de rupture avec les logiques paternalistes et néocoloniales, même lorsqu'elles émanent d'un pays du Sud.
Le rejet de cette ingérence voilée est à la fois salutaire et porteur d'espoir. Il renforce l'idée d'un panafricanisme de responsabilité, où la solidarité entre États ne peut exister que sur la base du respect mutuel et de l'égalité réelle. Le Mali, en affirmant sa position, trace une voie que d'autres pourraient suivre : celle d'une coopération franche, débarrassée des doubles discours et des arrière-pensées.
Face à cette duplicité algérienne : bienveillance de façade au nord du Mali, brutalité cynique envers les migrants noirs, le continent " noir " se doit de réagir. Les migrations ne sont pas un fléau. Elles sont une expression de la vie, du courage et de l'espoir. Les condamner à l'errance désertique, c'est aussi condamner toute ambition panafricaniste sincère.
Tant que les migrants noirs seront traités comme des déchets humains et non comme des citoyens africains à part entière, toute prétention à l'unité continentale restera vide de sens.
Seidina O DICKO
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