Mali/Algérie : Deux pays frères désormais à fleurets mouchetés

Les relations entre le Mali et l’Algérie connaissent une crise diplomatique depuis l’incident survenu dans la nuit du 31 mars au 1ᵉʳ avril 2025, lorsqu’un drone de reconnaissance malien a été abattu à la frontière entre les deux pays.

29 Sep 2025 - 10:41
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Mali/Algérie :  Deux pays frères désormais à fleurets mouchetés

L’affaire est aujourd’hui portée devant la Cour internationale de justice (CIJ), qui a d’ailleurs notifié le refus de l’Algérie a y répondre. En attendant, par communiqués interposés et déclarations satiriques les autorités des deux pays jouent à fleurets mouchetés comme sur un ring d’escrime.  

Tout est parti de l’abrogation de l’accord d’Alger par les autorités de la transition malienne. Un document qui servait de passe-droit pour le pays de Teboune pour s’ingérer dans la résolution de la crise entre le gouvernement et les mouvements indépendantistes touareg. Par la suite, au moment ou le Mali établissait des liens de connexions entre ces organisations partie- prenantes de l’accord d’Alger avec des groupes jihado-terroristes, l’Algérie servait de base arrière pour celles-ci. Ce faisant, le fossé de la méfiance s’est agrandi entre les deux Etats. Et la goutte d’eau qui fera déborder le vase entre les deux pays a été l’affaire du drone malien abattu par l’Algérie. Un drone Akinci de marque turque d’une valeur de plus d’une dizaine de milliards acquis sur fonds propres par les Forces armées maliennes.  Sur cette affaire, faut-il le rappeler, les autorités algériennes avaient affirmé mordicus que le drone malien a pénétré dans l’espace aérien algérien, s’inscrivant dans une trajectoire « offensive » après une première intrusion, sur une distance d’environ 1,6 kilomètre. Face à ce qu’elles qualifient de violation répétée de leur espace aérien, l’Algérie affirme avoir été contrainte de l’abattre.  

Et le Mali de son côté, a dénoncé un acte d’agression prémédité et que le drone évoluait au-dessus du territoire malien et participait à des opérations contre des groupes armés. Dans un communiqué, le gouvernement malien a qualifié l’abattage de « destruction préméditée » et a imputé à l’Algérie une « collusion malsaine » avec ces groupes terroristes qui étaient pourchassés par le drone concerné. À la suite de l’incident, les autorités maliennes ont également ouvert une enquête judiciaire pour « association de malfaiteurs, acte de terrorisme, financement du terrorisme, détention illégale d’armes et complicité ». Par ailleurs, en réponse à ce différend, l’Algérie a fermé son espace aérien au trafic malien dès le 7 avril 2025, décision suivie d’une application réciproque par le Mali.

La saisine de la CIJ par le Mali

Le 4 septembre 2025, le Mali a officiellement annoncé la saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) contre l’Algérie. La requête introduite en instance accuse  Alger d’avoir commis une « agression flagrante » et une violation du principe de non-recours à la force inscrit dans la Charte des Nations unies. Bamako fonde la compétence de la Cour sur l’article 40 du Statut de la CIJ et l’article 38, paragraphe 5, de son Règlement. Le Mali soutient que l’affaire relève non seulement du droit international, mais aussi de principes fondamentaux de l’Union africaine et des instruments de non-agression.

Le démenti algérien et le refus de la procédure

Peu après l’annonce malienne, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a catégoriquement nié l’existence d’une telle saisine auprès de la CIJ, indiquant que la Cour ne disposait d’aucune requête enregistrée émanant du Mali. L’Algérie a qualifié la démarche de Bamako de « trop grossière » et « éhontée », après la confirmation officielle de la CIJ qu’une instance avait été introduite. Elle a annoncé qu’elle notifierait son refus de reconnaître la compétence de la Cour.

Le 19 septembre 2025, la CIJ a publié un communiqué confirmant qu’elle avait bien été saisie par le Mali le 16 septembre, malgré les démentis algériens. La Cour a toutefois précisé que l’affaire ne pourrait avancer sans que l’Algérie accepte sa compétence dans ce dossier. Des accusations réciproques de soutien ou de tolérance envers des groupes armés dans les zones frontalières, des rappels d’ambassadeurs par le Mali, le Niger et le Burkina Faso suite à l’incident, une fermeture mutuelle des espaces aériens entre les deux États.

Dans cette configuration, le recours au droit international devient un acte symbolique autant que stratégique, illustrant la volonté de Bamako de faire prévaloir le droit face à ce qu’il perçoit comme des actes de violence unilatérale. L’affaire du drone abattu a plongé les relations entre le Mali et l’Algérie dans une crise diplomatique aux retombées juridiques. Si la CIJ a reconnu la saisine malienne, elle a aussi souligné que sans le consentement de l’Algérie, la procédure ne peut aller plus loin. Au-delà du résultat juridique, ce différend révèle les tensions régionales, les fragilités de la coopération frontalière, et le rôle contrasté du droit international dans les conflits entre États.

Le moins qu’on puisse souhaiter est le retour des bonnes relations d’amitié et de fraternité entre les deux pays. Toute chose qui passera peut-être par le dédommagement du Mali et le démantèlement des chefs et groupes jihadistes résidants sur le territoire algérien.

Adama Tounkara

 

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