Rétrospection : Un président français, un Premier ministre américain, un tuteur burkinabé.

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Avant même la rencontre de Ouagadougou (Burkina Faso), les forces vives de la nation avaient en leur possession plusieurs schémas possibles. Ceux qui se sont précipités dans la capitale burkinabé ont tendance à oublier que le gouvernement Mariam Kaidama Cissé, contrairement au président Touré, lui  n’a jamais démissionné. On ne peut pas reconnaitre le retour de l’ordre constitutionnel et ne pas reconnaitre ce gouvernement. Demander à Dioncounda Traoré de nommer un nouveau Premier ministre et un gouvernement, c’est le pousser à violer la Constitution qui, elle, a été rétablie. Pour légaliser de telles décisions, le président de la République par intérim, même s’il a des pouvoirs limités, peut demander à l’Assemblée nationale de modifier cette disposition ou de s’auto-dissoudre pour lui permettre de légiférer par ordonnances. Mais tout cela est trop compliqué et bien inutile pour quarante petits jours. Ce qu’il faut, c’est un président de transition légitime, même illégal.
Après avoir longtemps chicané à Ouagadougou, la classe politique et la société civile (fortement politisée), face à l’inflexibilité du médiateur et de la junte, se sont pliées à l’application stricte de l’accord-cadre du 6 avril. Depuis, ce sont les questions relatives à la durée de la transition, à ses ministres, à son président qui obsèdent les acteurs politiques. La dernière question est tranchée. C’est un Américain, néophyte en politique, scientifique, derrière lequel on n’a encore vu trainer aucune casserole, qui va diriger la transition. Il s’appelle Cheick Modibo Diarra et est en outre le frère de l’ancien Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, l’inquisiteur. Mais la réponse à toutes ces questions doit être cautionnée par la communauté internationale, notamment le tuteur burkinabé, Djibrill Bassolé P.O Blaise Compaoré.
Cela a déjà été écrit dans ces colonnes, mais il serait bon de le rappeler : la junte doit sortir de la tutelle de la Cedeao et prendre ses responsabilités, c’est-à-dire poursuivre les objectifs assignés. On se rappelle que le capitaine Amadou Haya Sanogo, au lendemain du putsch du 22 mars, avait dit n’avoir pris le pouvoir que pour remplir deux missions essentielles: pacifier le nord et nettoyer l’ensemble du pays de la vermine qui le gangrène depuis des décennies. Aussi, les préoccupations de la classe politique et de la société civile doivent passer au second plan.
La transition durera le temps qu’il faudrait. Et il en faudrait beaucoup car au fil des années, les institutions mises en place au cours de la première transition (1991-1992) n’ont pas pu fonctionner normalement à cause de la mauvaise gestion du processus démocratique. Pendant dix ans, le Pasj au pouvoir a faussé les règles du jeu en mettant sous sa coupe certains partis politiques et en phagocytant les autres. Pendant les dix années qui ont suivi, on a assisté à l’agonie du processus démocratique consacré par l’absence de débat politique et de contradiction, la classe politique s’étant alignée derrière la pensée unique distillée par le clan du président Touré. Aujourd’hui, certains de ces responsables coupables du naufrage collectif sont gardés au camp militaire de Kati.
A ce propos, il est bien que la junte ait secoué le cocotier pour ramasser les fruits mûrs en attendant de cueillir ceux qui s’accrochent encore à leurs branches ou qui prennent la clé des champs. Toutefois, là n’est pas leur rôle. S’il est vrai que les putschistes ont des dossiers compromettants contre X ou Y, qu’ils les transmettent à la justice seule habilitée à traiter ce genre de problèmes. Il est vrai que la famille judiciaire n’est pas fiable à 100%, mais la junte a suffisamment d’autorité pour maintenir la pression afin que la bonne justice soit rendue.
Concernant les responsables de la transition, rien ne permet d’exclure la junte dans le choix du président et des ministres. Une bonne transition a besoin d’hommes et de femmes neufs, mais qui ont le sens de l’Etat et le cœur à préserver les intérêts supérieurs de la nation. Il est vrai que dans cette jungle politique, la vierge immaculée serait rare à dénicher même si certains (ils sont rares) acteurs politiques ne trainent pas de casserole derrière eux. Il convient de les retrouver. Et puis rien non plus n’interdit à la junte de participer à un gouvernement. Les gens ont trop tendance à oublier que les militaires, citoyens à part entière, ont suivi, parallèlement au métier des armes, les mêmes études que les civils, qu’ils ont tous les mêmes diplômes. L’armée, dans tous ses corps, compte des cadres compétents. Alors, elle ne doit surtout pas céder à la communauté internationale qui veut nous infliger cette même classe politique qui, pendant les vingt dernières années, n’a pas su gérer le pays, n’a pas pu empêcher la guerre et l’insécurité.
A cette classe politique, le peuple malien dit ouste et bon vent.
Cheick Tandina

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2 COMMENTAIRES

  1. il evident qu’un mal entretenu pendant des années on ne la solutionne pas en un mois, ceux qui pensent qu’ils ont la solution miracle peuvent la mettre à la disposition du peuple malien.
    Si non désormais l’enprise sur le pouvoir du peuple pour soit est finie pour le moment.tampis pour ceux qui en profitaient.

  2. Les peuples ont les dirigeants (et les situations) qu’ils méritent…en tout cas pour un bout de temps. Si vous pensez mériter mieux, posez les actes en conséquences, l’histoire ne failli pas sur certains de ces principes!

    A méditer.

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