Que sont-ils devenus… Samba Sidibé : Le présentateur fulfuldé de Radio-Mali

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A l’image des animateurs Balla Moussa Kéita, El hadj Bourama Coulibaly,  Zoumana Yoro Traoré,  Seydou Touré, Samba Guindo, Mory Soumano, Samba Sidibé, la Radio Mali a toujours œuvré pour la vulgarisation des langues nationales. Ces autodidactes pour la plupart, devenus par la suite des as, en plus de l’animation décryptaient les discours du président Moussa Traoré. L’émission Poyi Kan Poyi du vendredi constituait un espace d’échange pour ces animateurs, avec ce générique nostalgique du morceau fétiche de Madou Guitare du Kéné Star de Sikasso, et surtout ces bénédictions du vieux El hadj Bourama Coulibaly. Les quatre premières personnes citées sont décédées. Samba Guindo a écopé d’une sanction pour faute lourde. Mory Soumano étant passé dans la rubrique, nous avons donc rencontré le dernier de la liste du prologue, Samba Sidibé. Ce nom rappelle au milieu des années 1970, la voix suave et aiguë d’un jeune du village de Sarayémou (dans le cercle de Diré). Il articulait le fulfuldé sur les antennes de Radio Mali. Le destin qui l’a conduit devant le micro, en plus d’être un fait du hasard, est le fruit d’une succession de circonstances. Comment ? Nous en parlerons. Qui est Samba Sidibé ? L’homme a fait valoir ses droits à la retraite le 31 décembre 2013. Il nous a reçus dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” à son domicile sis au quartier Sabalibougou.

La rubrique “Que sont-ils devenus ?” a été endeuillée la semaine dernière, par le décès de deux grandes personnalités : Aly Badara Kéïta, journaliste sportif émérite et Sacko Maguiraga, professeur d’anglais reconvertie en journaliste par amour de la presse.

Le samedi 26 septembre 2021 aux environs de 8 h 30, le fils du doyen Aly Badara nous annonça le décès de son  père à 2 h du matin. Faut-il noter qu’au-delà de notre simple reportage, de véritables relations humaines se cultivent entre les héros de la rubrique et nous. Cela pour deux raisons : d’abord l’accueil chaleureux et l’estime qu’ils manifestent à notre égard. Ensuite nous continuons de profiter de leurs expériences, en leur rendant parfois visite. Aujourd’hui, c’est l’occasion de le dire, l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” nous a permis de bénéficier de beaucoup de largesses, non seulement du côté de certains héros, mais aussi des lecteurs au Mali et à l’étranger. C’est là où se justifie notre amertume, en apprenant le décès d’un de nos héros.

A peine nous nous efforcions de digérer le décès du monument Aly Badara Kéita que notre dirpub El Hadj Alou Badara Haïdara nous annonça le décès de Sacko Maguiraga. Un autre coup dur ! L’interview de Samba Sidibé en cours de traitement en a pris un rude coup sur le plan de l’inspiration. De commun accord avec la direction du journal, il a été décidé de différer la publication de l’article de Samba Sidibé, tout en republiant ceux des défunts ABK et Sacko Maguiraga.

Toutes nos condoléances à leurs familles respectives ! Que leur âme repose en paix !  Au terme de ce moment d’émotion, nous enchaînons avec notre héros de la semaine, Samba Sidibé.

Entre sa naissance à Sarayémou et sa retraite, le 31 décembre 2013, la vie de Samba Sidibé est composée de quatre scènes : berger, tablier, planton, animateur de radio. Ces différentes étapes sont liées à des évènements circonstanciels. Dans son village natal, il abandonne les études en sixième année fondamentale. Il fait le berger quelques années dans les contrées de Diré. Ses vacances en famille le plongent dans un cyclone de regrets. Parce que ses camarades de promotion sont aux portes de l’enseignement secondaire.

En 1972, il dépose le bâton et va à Mopti pour participer à la récolte du riz. Les sacs de céréales qu’il apporte à son père, comme fruit de la campagne, convainquent la famille à fonder un espoir sur le jeune Samba Sidibé.

Un chanceux

En janvier 1973, son père lui offre un taureau, comme frais de transport, et le capital pour entreprendre le petit commerce à Mopti. L’environnement de la Venise Malienne ne lui paraissant pas trop propice pour s’épanouir, il envisage de partir en Côte d’Ivoire.  Déconseillé par son grand frère,  Samba Sidibé débarque à Bamako avec  une économie de 25 000 francs maliens pour refaire sa tablette de cigarettes, kola et bonbon.

C’est devant le ministère de l’Education nationale que lui sourit le premier bonheur de sa vie : son recrutement dans la fonction publique. C’est le chef du personnel du département, Ibrahim Amadou Sangho, qui pose ce geste louable, à partir d’un fait assez banal. Venu acheter de la kola comme d’habitude, il surprend Samba avec un journal en main, et l’interroge sur son niveau d’études. Voilà qu’il décide de le recruter dans un premier temps comme planton. Il finit par le reclasser coursier.

Au même moment la direction nationale de l’alphabétisation fonctionnelle et de la linguistique appliquée (Dnafla) met en œuvre son projet de création de journal en langues nationales notamment le fulfuldé, le tamashek, le bambara, le sonrhaï en 1974. Samba Sidibé saute sur l’occasion et se joint au groupe de Peuls qui se retrouvaient chaque dimanche dans une école de la capitale, pour apprendre le fulfuldé, avec comme formateurs Bourama Koïta et Nouhoun Bolly.

En plus du dispatching des journaux, les stagiaires contribuaient aussi à la rédaction du journal auprès de leurs formateurs. C’est surtout au lancement officiel du journal “Kabaru” que l’enfant de Sarayémou se fait découvrir en sa qualité de maître de cérémonie, chargé seulement d’annoncer les artistes peuls invités pour la circonstance.

Devant le ministre de l’Information, des Postes et des Télécommunications, le colonel Youssouf Traoré il improvise un poème qui colle à l’actualité. Une telle improvisation fait de lui la vedette des rencontres de dimanche avec son peul rural. Comment donner un cachet de solennité à ce regroupement peul ? Puisque les autorités n’admettent pas une association ethnique, le ministre de l’Information sort de son chapeau le qualificatif de “Comité peul de la Dnafla”.

En plus de la sensibilisation, de la rédaction du journal en langue fulfuldé, ce Comité demande un temps d’animation à Radio Mali, à la faveur de l’émission Poyi Kan Poyi de tous les vendredis. Et la voix de Samba Sidibé retentit pour la première fois le vendredi 11 juillet 1976 sur les antennes de la radio nationale. Parallèlement à cette animation, il prend des cours du soir à l’Ecole de la République, jusqu’à décrocher le DEF, pour ensuite être reclassé au département de l’Education.

Malheureusement, il est effrayé par son arrestation, au motif que son groupe de Peuls projette de créer une association ethnique, formellement interdite par le pouvoir militaire de l’époque. Incarcéré au 1er arrondissement pendant un week-end, il est vite libéré avec des mises en garde sévères. Les autres cadres du Comité peul de la Dnafla sont menacés de mutation au nord. A peine il finit de méditer sur ce qui lui est arrivé qu’il est convoqué par Samba Sidibé, à l’époque directeur national de l’élevage.

Celui-ci est tout le temps interpellé par les éleveurs lors de ses missions à l’intérieur. Ceux-ci veulent s’assurer si c’est le même Samba Sidibé qui parle à la radio. Son homonyme lui raconte ces anecdotes, et lui propose un partenariat sur la vulgarisation agricole, les  maladies animales. Il améliore ses conditions de travail avec une moto, du carburant et un salaire amélioré. Samba Sidibé de Sarayémou démissionne du ministère de l’Education nationale pour se mettre à la disposition de son homonyme.

Il ne travaille pas beaucoup, seulement il prépare ses émissions du vendredi et passe le reste de son temps à la Maison de la radio pour apprendre autre chose : les techniques d’animation, le montage. Entre-temps le professeur Younouss Hamèye Dicko est nommé directeur général de la Radio Mali (celui-ci l’a connu à l’EN Sup, quand il distribuait les courriers) et l’invite un jour dans son bureau pour s’assurer de son statut.  Quelle ne fût la déception du nouveau directeur d’apprendre que Samba Sidibé ne bénéficie d’aucun avantage.

Jalousie

Il instruit que l’animateur en fulfuldé soit considéré comme collaborateur extérieur avec une prime de sept mille francs par mois. Cette autre opportunité change le destin de Samba Sidibé. C’est-à-dire la nomination de sa femme (l’épouse de son homonyme) comme ministre de l’Information. Celle-ci aussi rigole en apprenant les conditions de traitement de son époux à la Radio nationale.

Au prochain rendez-vous Mme Sidibé instruit au directeur de la Cellule administrative et financière (Caf, devenu en 1988 Daf, DFM en mars 2009). Du coup Samba Sidibé est recruté transcripteur peul à Radio Mali avec tous les honneurs. Par la suite, il devient assistant de réalisation à la suite d’un concours d’avancement.

Ses missions à la radio ? Les avis et communiqués, les informations d’ordre général, le décryptage des discours du président de la République, les missions de reportage, jusqu’à sa retraite en 2013. C’est plutôt un an auparavant  que Samba Sidibé devait faire valoir ses droits à la retraite. Mais une nouvelle opportunité s’offre à lui, non pas sans problème.

Que s’est-il passé ? “En 2012, j’ai couvert une mission du ministre Abou Sow à l’Office du Niger à Ségou. Il a appris dans mes discussions avec un membre de la délégation, que je réalise peut-être ma dernière mission parce que je prenais ma retraite à la fin d’année. Abou Sow a réagi en disant que cela risque de provoquer un vide.

A son retour, il a saisi le ministre de la Fonction publique Abdoul Wahab Berthé sur mon cas précis. Celui-ci a pris un acte pour prolonger ma retraite. Cela entraîna une rébellion à L’ORTM. Ceux qui étaient sur la même liste que moi, ont dit que personne n’ira à la retraite si je bénéficiais d’une année supplémentaire. Les choses sont restées ainsi, et je suis parti à la retraite effectivement en 2013″.

Samba Sidibé est marié et père de quatre enfants. Aujourd’hui son seul souci est l’avancée du Mali. Il déteste la guerre et l’hypocrisie. Il ne chôme pas au sens propre du terme. Immédiatement après avoir fait valoir ses droits à la retraite, le directeur de l’ORTM lui a établi un contrat de collaborateur extérieur. Pour parler de ses bons souvenirs, Samba Sidibé retient l’appréciation de ses chefs durant toute sa carrière, ses missions avec le général Moussa Traoré.

O. Roger

Tél (00223) 63 88 24 23

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  1. “Malheureusement, il est effrayé par son arrestation, au motif que son groupe de Peuls projette de créer une association ethnique, formellement interdite par le pouvoir militaire de l’époque. Incarcéré au 1er arrondissement pendant un week-end, il est vite libéré avec des mises en garde sévères. Les autres cadres du Comité peul de la Dnafla sont menacés de mutation au nord.”

    Oui GMT, Modibo Keita n’admettaient pas les rgroupements sur bas ethnique.Et le Mali avait moins d problemes qu’aujourd’hui.
    Comme le disait GMT: ‘Avant d’etre Peulh ou Minianka on est avant tout Malien.’
    Vive GMT.

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