Difficile accouchement de la commission électorale nationale indépendante (CENI) : Guerre Majorité/Opposition autour de la mangeoire
Le très difficile accouchement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) atteste, s'il en était encore besoin, du caractère immature de notre système démocratique et de la propension de certains de ses acteurs à ne laisser à l'opposition aucune parcelle de responsabilité. Ceux qui ont déjà la main à la pâte ne veulent céder aucune miette à des vis-à-vis affamés à cause du seul fait qu’ils sont opposés au pouvoir. Et cela dans un système de gouvernance où la majorité gloutonne veut tout pour elle seule. Partout où il est censé avoir à boire et à manger.
Dans notre pays et cela depuis un certain temps, la mise en place de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) donne lieu à des tiraillements entre majorité et opposition. Comme si la mise en place de cette autorité indépendante " chargée de la supervision et du suivi de l'élection présidentielle, des élections générales législatives et communales et des opérations référendaires " est synonyme, avant tout, de partage de gâteau.
Si les textes ont prévu la composition de cette structure sur la base d'une répartition de dix postes entre Majorité et Opposition, c'était en comptant avant tout sur la maturité et l'esprit de responsabilité qui devait servir de soubassement à la crédibilité de cette autorité indépendante. Car, la CENI est avant tout une autorité morale dont le travail est censé se faire dans le consensus et l'impartialité de ses membres. D'où le fait que sa présidence a été le plus souvent confiée à des personnalités issues de la société civile. Et cela jusqu'à une date récente où cette présidence a été confiée, en 2007, à un acteur politique de premier plan, en l'occurrence le Secrétaire politique de l'ADEMA, à l'époque et ancien ministre de l'Agriculture, Seydou Traoré. Sinon, dix ans auparavant, c'est le Bâtonnier Me Kassoum Tapo qui avait eu à la présider avec d'ailleurs beaucoup de rigueur et d'indépendance mais avec une débauche d'argent que les Maliens garderont toujours en (mauvais) souvenir.
Selon l'article 4 de la Loi Electorale " La Commission Electorale Nationale Indépendante est composée au niveau national de quinze (15) membres répartis comme suit : dix (10) membres désignés par les partis politiques suivant une répartition équitable entre les partis politiques de la majorité et ceux de l'opposition… ".
Aujourd'hui, en dépit de tout bon sens, la Majorité présidentielle veut s'accaparer de neuf des dix postes réservés aux partis politiques. Au seul et unique motif que l'opposition n'est pas assez représentative. Car, selon elle, seul le parti SADI, avec ses trois députés à l'Assemblée nationale, est l'unique représentant de l'Opposition. Qu’à cela ne tienne! Mais la loi ne dit pas que la répartition équitable des membres de la CENI doit se faire entre la Majorité et une Opposition Forte à même de couper le sommeil au pouvoir en place.
De ce fait, il est compréhensible que la polémique sur le nombre de places à attribuer à l'Opposition ne prenne nullement en compte le caractère symbolique de cette répartition qui doit se faire dans une parfaite équité. A défaut donc d'un partage égal, la Majorité présidentielle se doit d'accorder au moins le tiers des postes à l'Opposition. Ce qui a pour mérite de renforcer l'autorité de cette structure auprès de l'opinion nationale et des partenaires au développement sans lesquels nous n'avons aucune capacité de financer nos élections.
Si le silence des autorités gouvernementales peut s'expliquer par leur crainte d'être l'objet de critique pour immixion dans des affaires des partis politiques, rien au contraire ne justifie l'attitude de cette majorité hybride dite présidentielle qui veut s'arroger tous les postes juteux de la République. Car, au-delà des incantations de probité se cache une histoire de gros sous. La CENI étant devenue, depuis ses premières heures, une véritable vache laitière pour ses membres qui se tapent, au bas mot, le demi million de FCFA par mois. A cela s'ajoutent d'énormes avantages matériels avec de gros marchés que son bureau a la prérogative de partager entre des fournisseurs triés sur le volet.
Comment une structure créée sur fond de polémique pourrait prétendre avoir le respect et la considération de l'opinion publique pour qui toute cette histoire de quota n'est, en réalité, qu'une lutte d'intérêt autour de la mangeoire qu'est désormais la CENI, du niveau national à celui local? C'est pourquoi, la Majorité, qui a déjà énormément à manger au niveau du Gouvernement - les DFM traitant les dessous de tables - doit revoir sa copie, sa propension de vouloir s'accaparer de tout, et laisser à l'Opposition sa part de gâteau au niveau de la CENI et cela à tous les niveaux. On ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre.
Compte tenu de tout cela, l'on peut aisément supposer que le combat de Dr. Mariko de SADI et de ses camarades de l'Opposition trouve sa justification dans l'esprit même des textes qui fondent la CENI. Alors pourquoi vouloir fouler au pied l'esprit de la loi instituant cette structure autonome et indépendante ? Et cela pour la seule sauvegarde des intérêts matériels des futurs membres de la CENI au titre de la Majorité. Quel appétit glouton.
Mamadou FOFANA
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