Maïmouna Coulibaly, directrice de publication du mensuel Grin-grin" : "Mon féminisme n''est pas un blanc-seing pour les femmes""

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Aujourd”hui, s”il y a un défi que les Maliennes entendent relever de toutes leurs forces, c”est celui de l”émancipation. Dans ce combat de tous les jours, certaines femmes sont étiquetées comme féministes, un concept qui signifie étymologiquement individu qui préconise l”égalité des droits entre l”homme et la femme. Maïmouna Coulibaly, Directrice de publication du mensuel "Grin-grin" depuis 2002 en est un exemple éloquent. Dans cette interview qu”elle nous a accordée, le lundi 6 août 2007, Maïmouna Coulibaly, sans tergiverser, nous a déclaré que le féminisme n”est pas un blanc-seing pour les femmes engagées.

Vaillante, active, intelligente, déterminée, les mots manquent pour qualifier à suffisance l”attitude de Maï, comme on aime à l”appeler, dans son combat pour l”émancipation de la femme malienne. Belle, souriante, avec une peau d”ébène, Maïmouna Coulibaly s”est très vite distinguée. Son cursus scolaire est marqué par des succès exemplaires. En 1987, après le DEF, elle suivra quatre ans de cycle à l”Ecole Centrale pour l”Industrie, le Commerce et l”Administration (ECICA), section secrétariat de direction.

A partir de 2005, elle décroche une bourse pour le CESTI de Dakar, afin de suivre une formation en radio rurale et radio communautaire, le tout sanctionné par un diplôme. Ce qui lui permettra d”effectuer, par la suite, des stages en radio au Mali et dans certains autres pays de la sous-région. La trentaine, Maïmouna Coulibaly est veuve depuis deux ans à peine et mère de deux enfants.

Si vouloir l”amélioration des conditions de vie de la femme, la liberté d”expression et d”affirmation de la femme, c”est être féministe, Maï déclare "oui, je le suis et je ne vois pas ce que je pourrais être d”autre. Lorsque la tradition a intimé, pendant trop longtemps, l”ordre à la femme de s”effacer, de se taire, quand bien même elle a des choses à dire, ce n”est pas facile d”être féministe".

Cependant, son féministe n”est pas un blanc-seing pour les femmes. Elle estime sincèrement que les femmes doivent se battre pour mériter les places qu”elles recherchent. Il est vrai que beaucoup de facteurs socioculturels constituent des blocages, même de nos jours. Mais cela doit plutôt inciter les femmes à se battre davantage. Se battre pour le bien être de leurs enfants, pour le rayonnement de leurs maris et pour la stabilité de leurs foyers. Cependant, " l”évolution des choses nous impose encore plus. En plus de tout cela, nous devons encore gagner la lutte politique et jouer notre partition dans le processus de développement " affirme la directrice de Grin-grin qui ajoute qu”elle a la conviction que " cela prendra le temps que cela prendra " mais les femmes maliennes finiront par atteindre leurs objectifs.

A rappeler que Maïmouna est native de Fêrêtou, une localité bambara située dans l”arrondissement de Dogo, cercle de Bougouni. Il faut ajouter que Maïmouna Coulibaly est la sœur cadette de la cinéaste réalisatrice Fatoumata Coulibaly alias F.C de l”ORTM. Contrairement à beaucoup de féministes qui se cachent dernière des formations politiques pour défendre la cause des femmes afin de bénéficier de leurs faveurs aux élections, Maïmouna n”est militante d”aucun parti politique. Son combat est mené au sein de l”Association des femmes marraines du développement où elle occupe le poste de Présidente. Elle est en même temps la coordinatrice nationale du Réseau international de femmes de l”Association mondiale des radios communautaires.

A ce titre, elle est particulièrement heureuse d”avoir pu organiser des formations pour les communicatrices de radios communautaires sur différents thèmes, entre autres " le rôle des radios communautaires dans la lutte contre la pauvreté ", " le leadership des femmes communicatrices " et d”autres formations pour le renforcement des capacités des communicatrices. Actuellement, l”association Femmes Marraines du Développement a élaboré plusieurs projets pour les communicatrices radio et pour les femmes de la presse écrite.

Notre interlocutrice espère que les partenaires sollicités les aideront à leur réalisation. Il s”agit notamment de l”obtention de plusieurs fréquences pour l”installation de radios de proximité. Elle profite des colonnes de Bamako Hebdo pour demander au ministère de la Promotion de la Femme de réagir aux innombrables correspondances de demande d”appui qu”elles lui ont adressé, ainsi qu”aux partenaires au développement, car la communication est un élément clé pour l”évolution des mentalités et des conditions de vie.

S”agissant de ses secrets, qui font qu”elle s”entend parfaitement avec les hommes, elle se remet toujours en cause et ne tient pas compte des flèches incessantes et souvent pernicieuses lancées par ses collègues hommes. Sur ce, dit-elle "j”avoue que sans la conviction et la passion du métier on risque de décrocher vite. La femme évoluant dans la presse essuie davantage de coups. C”est pourquoi elle doit chercher à se cultiver et surtout ne pas craindre de paraître ridicule dans ses expressions ".

Se prononçant sur la presse malienne, Maï estime qu”elle suit son cours comme il faut dans bien des domaines. Le principal problème aujourd”hui est la mise à niveau par des formations, auquel s”ajoute l”amélioration des conditions de travail des hommes de médias. Ainsi, les journalistes et animateurs travaillent dans des conditions déplorables. Quelle efficacité peut-on leur demander? Telle est l”interrogation de notre invitée, qui souligne "je pense que certaines pratiques observées ces derniers temps visent à faire ombre à la liberté de presse, qui n”est pas un acquis définitif. Au contraire il faut l”entretenir au jour le jour"

Les difficultés du métier, selon Maï, pour les femmes, c”est surtout de réussir à concilier la vie de foyer et le boulot. Il est impératif que le conjoint soit coopératif et compréhensif et de pouvoir gérer la cohabitation avec les hommes qui ont tendance à nous sous-estimer.

" Encore une fois, il faut s”affirmer et minimiser ces considérations pour pouvoir s”épanouir "

Sa plus grande satisfaction dans le métier c”est d”avoir réussi, avec une formation de secrétaire de direction, à s”intégrer dans la presse. Pour cela, elle décerne une mention spéciale au Directeur général de Jamana pour la confiance qu’il a placée en elle. Elle a aussi bénéficié des conseils et du soutien sans faille d”un collègue professionnel qui se reconnaîtra.

Sa déception, c”est malheureusement le constat du manque de solidarité entre les femmes de la presse. Son plus grand défaut, c”est qu”elle a une réaction épidermique face à une situation d”injustice. Sa principale qualité, c”est la réflexion. Elle a des projets dans différents domaines et espère qu”ils se réaliseront. Maï n”a pas suffisamment de temps libre, mais le peu qu”elle a, elle le consacre à ses enfants et à la télévision. Maïmouna n”a pas référence spécifique dans la vie, mais admire tous ceux qui ont réussi leurs parcours professionnels. Sa défunte mère Ténin Samaké reste son modèle pour sa ténacité, sa bravoure et sa solidarité.

Son vœu le plus ardent est la réussite des projets de l”association. En bonne Bambara, son plat préféré est le tô qu”elle prépare le soir. D”ailleurs, elle prend grand plaisir à cuisiner. Elle aime le sport, surtout le footing au crépuscule, ou la marche sur de longues distances.

Fatoumata Mah THIAM DOUMBIA

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