Quelques jours après la distinction de Houka Houka Ag Alhousseyni, lors de la journée des légitimités traditionnelles, près d’une quarantaine d’organisations de la société civile s’oppose. Elles estiment que la distinction de ce juge islamique sape les efforts de lutte contre l’impunité et constitue un déni des droits des victimes de la crise
Dans un mémorandum, ces organisations de la société civile malienne appellent à l’annulation de cette «reconnaissance » et à la mise à disposition du juge Houka Houka Ag Alhousseyni
à la justice malienne pour qu’il soit inculpé. Pour cause, elles estiment que cet ancien commissaire islamique d’Ansar Eddine à Tombouctou demeure toujours poursuivi par la justice malienne pour des faits de crimes de guerre, crimes contre l’humanité... perpétrés pendant la période d’occupation de Tombouctou.
Houka Houka Ag Alhousseyni a été libéré par les autorités d’alors lors d’un échange de prisonniers entre l’Etat du Mali et les groupes armés terroristes. Dès lors, il continue de bénéficier d’un état de grâce. Le Cadi a été distingué par les autorités maliennes par une attestation de reconnaissance lors de la journée des légitimités traditionnelles, pour service rendu en faveur du retour de la paix et du vivre ensemble dans la région de Tombouctou.
Cette distinction suscite aujourd’hui la colère des 37 associations de la société civile impliquées dans la défense des droits humains.
«
Nos organisations estiment que cet acte du Gouverneur de Tombouctou est contraire au principe de l’état de droit et constitue une atteinte à la mémoire des victimes. Cet acte est de nature à commémorer les bourreaux au moment où les victimes attendent désespérément que des procès soient organisés », protestent les signataires du document, insistant que «
Houka Houka est toujours poursuivi pour des crimes du droit international, imprescriptibles, notamment pour des faits de mariage forcé, esclavage sexuel, de viols, de tortures, d’extorsions de fonds à Tombouctou, constitutifs de crime de guerre et crimes contre l’humanité ».
La société civile reproche aux autorités d’inaction contre la spirale de l’impunité dans lequel le pays est plongé depuis au moins une décennie. Ainsi, elle a interpellé la justice malienne pour qu’elle enquête véritablement sur les violations graves des droits humains, gage d’une paix durable et de reconciliation.
Toujours déplorant l’impunité dont bénéficie Houka Houka Ag Alhousseiney, elles rappellent la dernière lettre en date du 26 octobre 2022 qu’il a adressé au Gouverneur de la Région de Tombouctou et aux autorités scolaires en sa qualité de Cadi sur les conditions pour la réouverture des écoles ». Il faut noter que dans cette lettre, il demande la séparation par une barrière des rangées des filles et garçons dans les classes et que les cours soient dispensés en Arable, sur l’étude du Coran aux filles et aux garçons par les enseignants du même sexe.
Pour l'Association de défense des droits de l’Homme, «
ce discours viole la constitution malienne et le droit international des droits de l’Homme qui prônent la laïcité de l’enseignement public et l’égalité des sexes et pourrait saper tous les efforts des autorités dans le cadre de la lutte contre la radicalisation ».
En mars 2015, plusieurs organisations ont porté plainte avec constitution de parties civiles pour le compte de 33 victimes présumées de violences sexuelles commises à Tombouctou qualifiées de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Houka Houka est identifié avec plusieurs membres d’Ansar Eddine et d’AQMI, Abou Tourab, Sanda Ould Boumama, Mohamed Ag Mosa, Abou Talha, Ali Demba comme des présumés responsables. Les faits qui lui sont reprochés, n’ont pas empêché le gouvernement du Mali a procédé le 15 août 2014 à sa libération ainsi qu’à celle de 42 éléments des groupes armés présumés auteurs de graves violations de droits humains et inculpés par la justice malienne, contre 45 éléments des forces armées et de sécurité capturés par les groupes armés lors des combats du 23 mai 2014 à Kidal.
Siaka DIAMOUTENE/Maliweb.net