" La guerre implacable et totale contre les jihadistes " promise par le président de la République par intérim est presque lancée au nord alors que l'armée malienne n'était pas forcement prête. Si elle bénéficie déjà du soutien aérien de la France et bientôt des appuis annoncés des Etats Unis, de l'arrivée des militaires de la CEDEAO, on s'interroge sur la place et le rôle que pourrait tenir notre armée dans cette guerre. Car, selon le plan opérationnel adopté par les chefs d'Etat major de la CEDEAO, l'armée malienne devrait être formée et équipée pour mener le combat en première ligne et les troupes extérieures viendront seulement en appui. Ce schéma étant bousculé par les évènements, il y a un fort risque que l'armée malienne dans son état d'impréparation, soit reléguée au second rang au détriment de la force multinationale.
[caption id="attachment_117550" align="aligncenter" width="620"]

Des militaires maliens dans la région de Mopti, le 24 novembre 2012. | AP[/caption]
Alors que la communauté internationale préparait le déploiement d'une force au Mali pour septembre 2013, les choses sont allées vite la semaine dernière. Le Mali est entré de plain-pied dans la guerre imposée par les fous de Dieu. Face au risque d'une perte du contrôle de la ville de Mopti par l'armée malienne, qui avait abandonné sa position à Konna le jeudi 10 janvier, l'armée française, stationnée à Ouagadougou, est entrée en jeu le même jour. Des avions et hélicoptères sont arrivés dans la soirée à l'aéroport de Sévaré pour prêter main forte aérienne à l'armée malienne qui lança aussitôt la contre-offensive pour reconquérir Konna. L'intervention française a été très bénéfique et a redonné espoir aux Maliens. L'ONU, l'UE, l'UA, la CEDEAO ainsi que les pays amis du Mali ont tous salué ce geste de François Hollande qui a répondu favorablement à la demande d'aide du président du Mali appuyée par les pays africains de l'Ouest. " En conséquence, les forces armées françaises ont apporté cet après-midi leur soutien aux unités maliennes pour lutter contre ces éléments terroristes. Cette opération durera le temps nécessaire " a souligné M. Hollande. Cette intervention se situe dans le cadre de la résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Maintenant, la grande interrogation est de savoir si l'intervention de la France va s limiter à stopper l'offensive des jihadistes et rétablir une ligne de démarcation artificielle entre le sud et le nord de notre pays ou si elle va s'inscrire dans une offensive plus vaste de libération de tout le septentrion malien aux mains des salafistes depuis bientôt une année. Cette dernière option est le vœu de tous les Maliens. Tout laisse à croire qu'avec l'arrivée prochaine des forces de la CEDEAO, l'appui logistique annoncé des Etats Unis et d'autres pays, on semble parti pour "
la guerre totale et implacable " contre les terroristes. Cependant, vu le contexte dans lequel cette guerre a été engagée, on se demande si les conditions sont réunies pour que l'armée malienne joue le rôle de tête de pont souhaité par ses hauts responsables eux-mêmes.
En effet, selon le planning d'intervention élaboré par eux et adopté par les chefs d'Etat major de la CEDEAO pour la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), l'armée malienne devrait être la colonne vertébrale de la force qui sera déployée et les troupes extérieures serviraient d'appoint. Mais pour que cela puisse se faire, il était prévu un programme de formation et de mise à niveau à partir de début février 2013 par une mission constituée de 400 hommes dont 250 formateurs européens.
Cette programmation pourrait -elle être combinée avec une utilisation des hommes sur le terrain ? Il s'y ajoute que le coup d'Etat de 22 mars a déstructuré la hiérarchie militaire (de nombreux officiers supérieurs ont été mis à la retraite, d'autres ont été promus mais n'ont pas encore l'expérience d'une guerre, le commando des parachutistes a été dissous, certains de ses éléments tués dans la tentative de contre coup d'Etat dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2012, d'autres sont en détention ou dans la nature. On évoque également, pour remonter le moral des troupes, une revendication liée au doublement de la prime générale d'alimentation (PGA) qui n'aurait pas peu pesé dans la mutinerie ayant conduit à la chut du régime ATT.
Si l'opération de libération du nord, devrait être lancée dans ces conditions d'impréparation des troupes maliennes, les rôles risqueraient d'être inversés. Au lieu que l'armée malienne entraîne les autres, c'est elle qui sera reléguée à l'arrière plan. Ce qui ne serait pas à l'avantage du Mali à l'heure ou vont s'ouvrir les négociations post-victoires.
Youssouf CAMARA