Entretien exclusif de Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise : ‘’ La Cds n’a jamais bu à la soupe populaire’’ ‘’En 2012, de nombreux prétendus grands candidats seront désabusés.’’ - ‘’Pour quoi, nous soutenons les réformes du Président ATT ‘’
Deux fois candidat à l’élection présidentielle (2002 et 2007), Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, président de la Convention sociale démocrate (Cds-Mogotigui) garde bien le cap. Malgré les peaux de banane jetées sous ses pieds (il a été injustement emprisonné avant d’être blanchi par la justice), l’énigmatique Blaise Sangaré est resté constant dans ses prises de position. Homme de conviction, il est des rares leaders politiques de notre pays à avoir le courage de dire haut et fort ce qu’il pense. Et cela sans gratter sa tête. Administrateur civil de classe exceptionnelle, et fin analyste politique, Blaise Sangaré a cette façon particulière de lire intelligemment le cours des événements. Homme de bastion (Bougouni demeure son fief incontesté), il se veut serein pour les élections générales de 2012. Le 24 juin dernier, le président de la Cds a accordé une interview exclusive à ‘’Le Challenger’’.
Le Challenger : A quelques mois des élections générales de 2012, comment se porte la Cds ?
Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise : Sans être démagogue, ni prétentieux, je préfère souligner que la Cds sort d’une conférence de cadre au grand hôtel de Bamako le 15 janvier dernier. Une conférence dont les conclusions ont été largement relayées par la presse que nous remercions. Je signale aussi que la Cds n’est pas l’un des derniers nés des partis politiques du Mali. La Cds s’est fortement inscrite dans le paysage politique malien en participant à toutes les élections. Et cela depuis 1997. Un parti politique, c’est la pratique, l’expérience, le savoir-faire. La Cds qui n’a rien à prouver est aussi un instrument de travail politique.
La Cds est en pleine évolution et en mutation. Evolution parce qu’on est en phase d’intégration de plusieurs cadres. Mutation parce qu’on avait collé quelque part au parti une étiquette qui n’avait pas de sens. L’étiquette était de dire un parti sectaire ou régionaliste au regard des succès engrangés dans le fief du président. Les cadres ont été invités lors de la conférence nationale à travailler de manière que la Cds ait une plus grande présence territoriale. Nous y sommes attelés à pas modérés. Je sais que les résultats seront patents.
La Cds est issue du Parti pour la démocratie et le Progrès (Pdp). Ne pensez-vous pas qu’il y a une nécessité de la reconstitution de cette grande famille politique ?
Il y a toujours une nécessité de reconstitution de cette famille. C’est une reconstitution que nous appelons de tous nos vœux. Il est aussi à signaler que ce n’était pas véritablement une scission. Vous savez même, l’appellation des partis a son sens. C’était un débat politique au moment où on avait l’obligation d’aller sur le terrain pour que les faits nous donnent raison. On a pris l’appellation Convention Sociale démocratie parce que nous voulons que ça soit une tendance réelle au sein du parti. Nous ne rejetons pas le Pdp. Nous sommes des fondateurs, des acteurs du Pdp. Nous nous réclamons du Pdp historique. La reconstitution de la famille ne peut qu’être souhaitable. Si aujourd’hui, le Pdp devait renaître de ces cendres, il serait l’un des plus grands partis du pays. C’est tout ce que l’on peut souhaiter.
Vous venez dire que la Cds est en pleine mutation. La Cds ne risque-t-elle pas de connaître le même sort que certains partis issus du Pdp qui ont fusionné avec d’autres partis politiques ?
La fusion a des raisons expliquées ou explicables par les leaders qui la conditionnent. La question fondamentale est de savoir pourquoi la Cds va fusionner. Est-ce que ce sont des raisons d’incapacité ? Cela n’est pas à prouver. Est-ce que ce sont des raisons de lassitude des acteurs ou de fatigue ou de manque de foi en l’avenir ?
Nous sommes optimistes. Les mauvais caps qui devaient pousser la Cds à fusionner sont passés. Il y a eu des moments où les responsables de la Cds étaient taxés de tous les noms. Je suis même en droit de dire que s’il y a des martyrs de la franchise politique, de la loyauté politique, il faut les chercher dans la famille Cds. Le mauvais cap est donc passé ainsi que le mauvais vent. Le combat de la Cds est de prouver qu’on peut vivre de soi-même. On peut aller de l’avant, être un parti politique indépendant pouvant exister par l’effort.
Pourquoi pensez-vous que la Cds est un parti martyr ?
L’explication est très simple. Vérifier sous l’échiquier politique national au moment où je parle, la Cds a participé à toutes les élections. Elle a eu les élus nationaux sur tous les plans (députés, conseillers nationaux, maires). La Cds est parti courageusement sur tous les fronts politiques électoraux. Mais nulle part, on ne pourrait dire pour les échéances de 2012, que la Cds a bu à la soupe populaire. Posez-vous des grandes questions. Est-ce que légalement la Cds est un parti valable ? Oui ! Est-ce que légitiment la Cds est un parti valable ? Oui ! Est-ce que la Cds est un parti représentatif ? Oui ! Pourquoi beaucoup de gens courent pour rentrer dans le gouvernement ? J’ai honte de le dire parce qu’on se dit qu’en buvant à la soupe populaire, on aurait les moyens de sa survie. La Cds sera le seul parti de la république du Mali à présenter un candidat sans le cordon ombilical avec la chose publique, le bien public. C’est le seul parti martyr du Mali qui essaie de faire bien.
Avec quel état d’esprit, comptez-vous aborder les élections de 2012 ?
Nous positivons. La raison d’être d’un parti politique est évidemment la préparation de la conscience politique de nos concitoyens. Nous proposons l’alternative suivante : nous sommes les seuls capables de diriger sans pesanteur des dérapages politiques que nous avons connus, sans relation avec la tradition de l’échine courbée que beaucoup de gens ont connue. En toute indépendance d’esprit, nous sommes le seul parti à dire qu’on peut gouverner autrement, parce que nous savons qu’on peut résister en tant que parti politique, gagner le suffrage de nos concitoyens et gouverner en toute liberté d’esprit et de conscience. La preuve sera donnée en 2012. Nous sommes à quelques 6 à 7 mois d’encablures. Il sera prouvé qu’on peut être différent non seulement dans le parcours et dans la raison d’être, mais aussi dans la vision, la façon de faire. Nous sommes la seule alternative qui puisse se démarquer des vingt années de démocratie et de gestion que les différentes législatures maliennes ont connues. C’est le seul à avoir des députés et d’autres élus, sans avoir eu à courber l’échine ou à demander l’aumône à quiconque.
Il serait bon de poser la question de savoir qui dit mieux ou qui dit si, si. S’il y a un parti politique qui peut avoir la prétention de pouvoir gouverner différemment, de pouvoir regarder les gens et ne pas avoir honte d’un passé, c’est bien la Cds. Je dis la vraie alternative, c’est la Cds.
En 2002, 2007, vous étiez candidats. Face aux candidats des grands partis (je ne cite pas de nom), quelles seront les chances de celui de la Cds ?
Je vais vous aider. Ce n’est pas un reproche que je fais à la presse mais une remarque. Vous n’avez pas d’instrument de pesée. Vous vous fondez sur le poids du passé. Je vous signale que l’électorat traditionnel des partis auxquels vous faites allusion est dépassé d’au moins 30%. Les filles qui sont nées en 1991 sont déjà mariées. Il y a des arguments qui valaient mais ne sont plus d’actualité.
Nous faisons confiance que ce serait plutôt un débat d’idées. Car l’élection présidentielle, c’est la relation d’un parti avec non seulement son parti mais l’ensemble de ses concitoyens. Il y a la valeur intrinsèque et la capacité. Il y a aussi les propositions à formuler qui ne seront plus des arguments de ‘’J’ai été’’ ou ‘’J’ai fait ça’’ mais plutôt des arguments de ‘’Je peux’’ et ‘’Je suis capable de faire ….’’ Donc, c’est à la force de proposition, à la capacité des candidats, qu’on va les juger et les jauger.
D’ailleurs, pour rentrer dans notre petit jeu, vous allez peut-être dire que j’ai un air moqueur. Tous les candidats que vous présumez gros, ils sont gros par rapport à quoi ? Leur parcours politique ? Ou bien sont-ils gros parce que ayant grossi dans la gestion des affaires publiques en tant que administratifs ou économistes ? Les candidats politiques au parcours politiques sont connus. Les candidats qui doivent leur poids électoral au poids des postes occupés dans l’administration sont connus. Je vous comprends tellement que la carte de présentation du candidat Cds est le candidat politique. Il y a des observateurs politiques qui ont commencé de dire qu’il faut un homme politique. Je ne sais pas de quel bord vous êtes. Mais est-ce que Blaise est politique ou pas ? Même ceux qui n’aiment pas le candidat possible Cds répondront par l’affirmative. Ce parcours politique nous permet de dire, de croire que si c’est un candidat politique qui doit venir par des voies politiques, il faut compter de 1à 5 au 1er tour pour retrouver le candidat Cds. Pas au-delà parce que le passé l’a prouvé. Il y a beaucoup de candidats qui peuvent venir. Mais le rang occupé par le candidat de la Cds en 2002, en 2007 peut vous dire qu’à défaut de faire mieux, il ne peut pas faire moins.
Toujours dans la perspective des élections générales de 2012, est-ce que vous avez entrepris des démarches visant à former une alliance avec d’autres partis comme en 2002 et 2007 ?
Nous sommes tellement convaincus d’une chose. De nombreux prétendus grands seront désabusés. Nous ne présageons pas de qui ou avec qui on peut aller au second tour. Peut-être, la question serait de savoir qui va venir avec nous au 2ème tour. Il y a des partis politiques, je le répète, qui sont virtuellement grands.
Mais attendons la pesée du mois d’avril 2012. Je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut prédire ni la présence ni l’absence de quelqu’un au second tour. Ça dépendra des hommes en présence, des arguments et de la volonté du peuple. Donc, j’attends d’y être par la volonté de Dieu. J’attends d’y être pour savoir qui et qui seront candidats. Et qui et qui peuvent affronter le candidat de la Cds.
L’actualité est dominée par le débat autour du fichier électoral. Certains partis accusent le gouvernement de traîner les pieds. On ne sait pas si l’élection aura lieu sur la base du Race, l’actuel fichier ou s’il faut confectionner un nouveau fichier à partir des données du Ravec. Quelle est la position de votre parti ?
Vous êtes au courant que l’administration a très souvent rencontré les partis politiques. La Cds y a toujours participé à travers le secrétaire administratif et celui aux relations extérieures qui en ont fait des comptes rendus très fidèles. Nous avons échangé là-dessus. Nous sommes revenus à l’essentiel, c'est-à-dire la définition même des choses au départ. Le Race, c’est le recensement administratif à caractère électoral. Le Ravec, c’est le recensement administratif à vocation d’état-civil. Le Ravec est un fourre-tout à partir duquel on peut extraire la matière humaine ou la dimension populationniste que l’on souhaite pour des besoins des impôts, de scolarisation, de statistique. Ce qui nous intéresse en tant que classe politique, c’est l’extraction du nombre réel de la population en âge et en capacité de voter. Ce qui fait que nous avons eu beaucoup d’intérêt pour cet aspect de la chose. Au demeurant, ça rassure psychologiquement quand on dit que chaque Malien aura son numéro, une carte d’identité et d’électeur. Avec les échanges que l’administration a eu avec la classe politique, je vous dis qu’il faut mettre les choses en adéquation. Premièrement : le Race a été déjà suffisamment éprouvé en tant que fichier. Deuxièmement : Race ou Ravec, il y a beaucoup d’autres aspects qui peuvent assainir l’environnement électoral.
Pour nous, si les votes ambulants, les témoignages, les procurations sont annulés, quelle que soit la nature du fichier, les hommes politiques doivent être rassurés. Nous avons eu beaucoup d’opportunité. Les derniers trimestres de chaque année, il y a un redressement administratif du fichier électoral avec les représentants des partis politiques. Aujourd’hui, je pense qu’il est possible à partir de septembre de trouver des délégués pour aller faire des redressements administratifs. D’un commun accord, on peut demander à l’administration de ne plus autoriser les dérapages possibles que je reviens de citer. La mise en adéquation pose le problème de l’autre aspect. Est-ce qu’en sept mois, la mise en place d’un fichier nouveau, d’un système informatique fiable et valable à partir des données du Ravec est possible ?
A ce constat, la Cds aura comme revendication l’annulation de ces trois négatifs à savoir les votes ambulants, les témoignages et les procurations. En tant que premier responsable de la Cds, je suis en mesure de dire qu’il faut aller à l’essentiel. L’essentiel pour nous est comme le président de la République vient de le dire (ces discours et déclarations sont des documents de travail pour nous) que le nouveau président soit en fonction impérativement que le 8 juin à midi. Notre choix est qu’on harmonise les consciences pour aller vers le Race. Mais le Race amélioré qui tient compte de ces aspects, objet de contestations et source de contestations.
Sur la question, la classe politique est fortement divisée. Quelle image cela vous donne-t-il ?
Le débat est toujours fécond. Cela me donne l’image du dynamisme de la classe politique qui ne veut pas faire des choix hasardeux mais réfléchis. Pour des choix réfléchis, il faut aller dans les discussions, les contradictions. Mais il faudra qu’elles arrêtent un moment pour aller vers l’essentiel. Je pense que la classe politique doit harmoniser sa position et demander à l’administration de se mettre à jour avec les défauts du Race. Elle doit demander de prendre des mesures réglementaires pour annuler les trois natures de fraude possibles. Je pense que l’administration doit prendre des mesures pour que l’électeur soit le plus proche du bureau de vote. C'est-à-dire de faire de nouveaux découpages pour qu’il y ait, pour chaque 250 habitants, un bureau de vote. A ce moment, ce serait un esprit de responsabilités pour que les échéances électorales se tiennent dans les délais.
Quelles appréciations, faites-vous des réformes constitutionnelles initiées par le président de la République, Amadou Toumani Touré ?
Je pense qu’il faut recentrer cette vision des réformes. Il faut recentrer l’approche de la vision du chef de l’Etat. Comme le fichier, les textes réglementant les élections et la vie publique de notre pays datent de 1992. Ce sont des textes en pratique depuis bientôt deux décennies. Je pense qu’avec l’évolution, l’expérience, la pratique, ces textes doivent être remis en adéquation. Il y a des choses à améliorer dans la vie d’un pays, ou encore dans la gestion des affaires de la cité. Pour ce faire, toute réforme est issue d’une loi. Tous les règlements sont conséquences de la loi. Toutes les lois sont des conséquences de l’esprit constitutionnel. Il n’y a rien de profond qui puisse se faire dans la gestion des affaires publiques sans aller de la source, vers les autres branches. J’estime que ces réformes prises au niveau de la Constitution, jusqu’aux différentes lois (ce qui nous intéresse aujourd’hui dans les aspects électoraux) sont bien inspirées. Je trouve que ces réformes sont non seulement à soutenir mais aussi à mettre en application si possible d’ici les prochaines élections.
Mais déjà, les avances annoncées veulent dire que le chef de l’Etat balise l’avenir. Il y va de l’intérêt de la classe politique et de la population qui a besoin d’être mieux géré. Voilà ce que nous pensons de ces réformes. La tenue de ces réformes avant le départ du président ou les élections est un autre aspect. Ce sont des aspects pratiques dont les difficultés et les possibilités nous seront signalées par les acteurs en charge de la pratique.
A vous entendre, vous soutenez les réformes du président de la République. Pourtant, vous n’êtes pas membre de la majorité présidentielle. Et puis, en 2007, vous n’avez pas soutenu le président ATT. Cette prise de position relève d’un certain courage politique.
Ecoutez ! Est-ce que vous avez vu l’une de mes affiches de campagne lors de ma dernière présidentielle ? C’était ‘’Le Président Blaise Sangaré : le courage en politique’’. Tout cela est une question d’état d’esprit et de culture politique. Mon état d’esprit est que je positive toujours pour mon pays. Ma culture politique est que je suis fondamentalement républicain. En ce sens que je suis pour tout ce qui se fait du bien pour mon pays. Je me dis qu’à la place du président ATT, voilà ce que j’aurais fait. Ce que j’aurais fait, s’il le fait à ma place, je ne peux que le soutenir. Le critiquer gratuitement m’apportera quoi ? Simplement un argument démagogique qui peut se retourner contre moi si Dieu me donne longue vie.
Le fait de ne pas soutenir le président ATT en 2007 est aussi un courage politique. Si personne n’était parti contre ATT en 2007, on serait tombé dans une platitude démocratique. Les jeunes générations auraient pensé qu’il suffit d’avoir un mandat pour avoir un second sans concurrent. C’était mortel pour la démocratie. C’est parce que je suis fondamentalement démocrate au vrai sens du terme et républicain que je me suis dit que chaque fois que j’ai une alternative à proposer, je la propose simplement, sainement. Et dans les règles de l’art. C’est ce que nous nous apprêtons à faire en 2012. Du reste, quelle alternative crédible peut venir de quelqu’un qui ne s’est pas mouillé malgré les possibilités, les moyens ? Je dis en ce moment que je soutiens ces réformes. Si demain, c’est moi qui devrais venir aux affaires, j’allais les entreprendre. Si elles sont entreprises avant moi, cela ne fait que baliser le terrain. C’est la position de tout homme politique engagé pour sa nation qui ne doit pas réfléchir simplement pour sa petite personne, mais pour l’ensemble de la communauté.
Entretien réalisé par Chiaka Doumbia et Bacary Camara
Quelle est votre réaction ?






