Affaires dites de l’avion présidentiel et des équipements militaires : Témoignages à distance par visioconférence : une première dans l’histoire judiciaire malienne
La Cour d’assises spéciale qui statue sur les affaires dites de l’avion présidentiel et des équipements militaires a écrit une nouvelle page de l’histoire de la justice malienne par les témoignages à distance, par visioconférence, de l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly et de l’ancien ministre délégué chargé du Budget, Madani Touré.

Depuis le Canada, le premier chef du gouvernement du Président Ibrahim Boubacar Kéïta a apporté son éclairage par visioconférence. Tout comme Madani Touré, ancien ministre délégué chargé du Budget depuis les Îles Comores. Cette innovation vise à renforcer la transparence et la crédibilité du procès. Elle est à mettre à l’actif du Président de la Cour et ses membres (un ancien président du Tribunal de commerce et un autre ancien Président de Tribunal de grande instance de l’une des Communes de Bamako) mais aussi du parquet général.
Le Président Bamassa Sissoko, qui a conduit les débats de façon sereine et professionnelle, s’emploie depuis la reprise du procès à respecter les droits de la défense. Toutes les questions soulevées par celle-ci sont analysées avec la grande rigueur.
Comme ce fut le cas lors de l’audience du mardi 17 juin 2025, marquée par une requête des avocats de la défense contestant la compétence de la Cour d’assises. Ceux-ci ont invoqué l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale, en particulier l’article 1372, qui prévoit désormais que : «Les dossiers en instance relevant de la Cour d’Assises sont jugés par les chambres criminelles de la Cour d’Appel compétente.»
Sur la base de cette disposition, les avocats estimaient que la Cour d’assises n’était plus habilitée à poursuivre le procès et demandaient l’annulation de la procédure en cours.
Face à cette requête, l’audience avait été suspendue pour permettre à la Cour de statuer. À la reprise des travaux le mercredi 18 juin, le président Bamassa Sissoko a tranché : la requête est rejetée. Il s’est appuyé sur l’article 56 de la Loi n°2024-030 du 13 décembre 2024 portant organisation judiciaire, qui prévoit une clause transitoire. Selon cette disposition : «Les juridictions continuent à connaître des matières qui leur sont dévolues dans leur organisation actuelle, en attendant la mise en œuvre progressive des dispositions de la présente loi. Elles continuent également, dans les mêmes conditions, à recevoir compétence dans leurs ressorts actuels».
Cette lecture juridique a convaincu la défense, qui, après une brève suspension pour concertation, a renoncé à toute contestation sur ce point.
Pour «faux témoignage», «faux et usage de faux» le ministère public requiert l’inculpation du témoin, Colonel à la retraite, Mahamadou Togo, Chef de la Division comptabilité - matière à la Direction des finances et du matériel du ministère de la Défense au moment des faits. Les qualifiant d'appréciations sans fondement, les avocats ont rejeté et exigé l’expertise d’un graphologue pour «comparer» les signatures mises en doute par le ministère public.
Le mardi 24 juin 2025, Mahamadou Togo, Chef de la Division comptabilité - matière à la DFM au ministère de la Défense, au moment des faits, membre de la commission de réception a comparu devant la cour. En sa qualité de témoin, il devait apporter à la Cour des éclairages sur 19 procès-verbaux correspondant à différentes réceptions effectuées. Selon lui, «tous les matériels prévus dans le contrat ont été livrés et correspondent aux 69 milliards FCFA »
Après plusieurs questions, le ministère public représenté par le Procureur Kokè Coulibaly lui fait remarquer que «le Bureau du vérificateur général a révélé que le marché correspondait à 39 milliards FCFA et non 69 milliards FCFA». Et le représentant du contentieux de l’Etat d’abonder dans le même sens que le ministère public. «Dans votre tableau synoptique vous avez présenté effectivement 69 milliards FCFA correspondant au marché. N’avez-vous pas fait correspondre ce tableau aux matériels pour justifier ? », a-t-il demandé au témoin.
Et le témoin de répliquer que ce tableau synoptique a été fait «pour un besoin de suivi et non pour une quelconque justification ».
« Signatures non identiques… »
Le ministère public est revenu à la charge en qualifiant les propos du sieur Togo de « faux témoignage» orchestré. Car selon lui, «rien n’est clair dans ses témoignages...Je requiers qu’il soit retenu dans les liens de l’accusation. Il essaie de témoigner sur la base d’un faux document pour faire corroborer son témoignage », a requis le Procureur Kôkè Coulibaly. Il a tout de suite demandé à la Cour de «poursuivre le témoin pour faux témoignage, faux et usage de faux ».
Pour les avocats de la Défense, ce sont là des «appréciations infondées». Le ministère public, dénonce-t-il, se base «seulement sur des interprétations». Ils ont ensuite demandé «la comparution de Thiô Konaté pour confirmer ou infirmer devant la Cour si les signatures sont les siennes. Ils ont également demandé «à ce que des graphologues fassent une expertise sur les signatures auxquelles le ministère public fait référence».
La Cour a ordonné la comparution de Thiô Konaté, «avant de donner suite à la requête du ministère public» visant à inculper le témoin Mahamadou Togo. Ainsi, son sort est entre les mains de Thiô Konaté, également militaire à la retraite et membre de la commission de réception.
Ousmane Tangara
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