Le cas éclairant du Mali
Le Mali a vécu des cycles de rébellion de 1991 à nos jours, occasionnant des pertes en vies humaines et des destructions de biens. Chaque fois, l'engagement d'un processus de paix a momentanément circonscrit les affrontements armés. Malheureusement, ces processus ont oublié la justice. L'une des conséquences de cela est que, en 30 ans, la violence s'est accrue et le nombre de victimes également ! Les conflits irrédentistes ont progressivement muté vers des violences intercommunautaires au centre du pays, sur fond de terrorisme, avec des massacres perpétrés. Les nombreuses actions pénales engagées subsistent non abouties à ce jour. Il aurait peut-être été préférable de donner plus de place à la justice, à la repentance des auteurs et à l'administration de sanctions.
Un constat : le poids exagéré des dirigeants
Nous avons également tendance à politiser la résolution des conflits, en donnant trop de pouvoirs aux personnalités fortes et aux leaders de groupes belligérants, en estimant que ceux-ci peuvent contribuer à calmer les tensions. Par-là, on oublie qu'ils doivent, pour certains d'entre eux, leur existence politique à leurs groupes et, pire, à ces tensions. Ils n'apaiseront les troubles que pour donner le change et n'hésiteront pas à les exacerber en sourdine pour continuer à apparaître comme des solutions. Il en résulte des processus incessants de paix – négociations – accords – confrontations – paix…. Les trop longs processus de paix dans plusieurs pays illustrent cela et, quelques fois, c'est la disparition physique du leader charismatique qui permet d'ouvrir un véritable chapitre de paix et de réconciliation !
Une nécessité : donner plus de place à la justice
En conclusion, il est indispensable de faire moins de place à ces pompiers pyromanes et de donner plus de chance à la justice pour obtenir des opportunités réelles de pacification de nos sociétés et de nos pays. Il est tout aussi utile de nous inscrire dans un processus d'amélioration continue de notre outil de justice, qui doit être crédible, indépendant et fondé sur nos valeurs.
Nous avons, enfin, l'habitude de parler de réconciliation pour mieux endormir les populations face aux difficultés quotidiennes. En effet, les initiateurs de ces processus font mine d'oublier que, dans leur immense majorité, le souci des populations, au-delà de l'histoire et du passé, est aussi et surtout fondé sur le souhait de vivre en sécurité, d'avoir de quoi se nourrir, d'avoir un emploi et de croire en des lendemains meilleurs.
Autrement dit, la justice économique et sociale constitue l'aspiration légitime des Africains. C'est pourquoi, sans la justice et sans une gouvernance efficace, ces tentatives maladroites de réconciliation nationale restent généralement incomplètes, sonnent souvent creux et débouchent sur des impasses.
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Moussa Mara est ancien premier ministre du Mali et actuel président du parti Yelema.