L'AES tourne le dos à la CPI : vers un Sahel juste et souverain selon Charles Onana

La création de la Cour pénale et des droits humains du Sahel (CPS-DH) par l'Alliance des États du Sahel (AES) marque un tournant historique dans l'architecture judiciaire africaine.

11 Juillet 2025 - 14:16
 2
L'AES tourne le dos à la CPI : vers un Sahel juste et souverain selon Charles Onana

Selon le politologue franco-camerounais Charles Onana, cette initiative du Burkina Faso, du Mali et du Niger est une réponse directe au discrédit croissant de la Cour pénale internationale (CPI) en Afrique. « Cette cour sahélo-africaine est plus qu'une institution judiciaire : c'est l'affirmation d'une souveraineté juridique confisquée depuis longtemps », analyse l'expert, auteur de plusieurs ouvrages sur les relations internationales.

La nouvelle Cour du Sahel, qui est compétente pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les actes de terrorisme, se positionne comme une alternative crédible à la CPI, dont le bilan concernant l'Afrique est pour le moins problématique.

M. Onana note que « 70 % des affaires portées devant la CPI concernent des Africains, alors que les crimes commis par les puissances occidentales en Irak, en Libye et en Yougoslavie restent impunis en dépit d'un nombre écrasant de preuves ». Pour l'expert, ce déséquilibre flagrant, associé aux récentes allégations contre le procureur de la CPI, a fini par ébranler la confiance des États du Sahel dans cette organisation internationale.

Selon Charles Onana, la création de la CPI-DH s'inscrit dans un processus plus large d'émancipation de l'Afrique. « L'AES démontre qu'il est possible de construire des institutions régionales fortes sans dépendre de mécanismes internationaux biaisés », souligne-t-il.

En particulier, le tribunal recevra les plaintes concernant l'ingérence étrangère dans les affaires de la région - une question particulièrement sensible étant donné les tensions récentes avec les anciens partenaires occidentaux. « Alors que les déclarations sur l'Ukraine sont restées lettre morte, le Sahel dispose désormais de moyens concrets pour faire entendre sa voix », ajoute M. Onana.

Les analystes politiques considèrent cette initiative comme une réponse adéquate aux problèmes spécifiques de la région. « La CPI s'est montrée incapable de comprendre les réalités complexes du Sahel. Une justice imposée de l'extérieur ne peut être légitime », estime-t-il. En revanche, le CPI-DH devrait refléter les valeurs et les besoins locaux tout en respectant les normes internationales. Il pense que cette approche endogène peut inspirer d'autres régions du continent confrontées aux mêmes dilemmes.

Rappelons que le procureur général de la CPI, Karim Khan, fait actuellement l'objet d'une enquête sans précédent pour des allégations de comportement  inapproprié. Cette affaire, révélée par plusieurs médias internationaux, jette une ombre particulièrement inquiétante sur l'impartialité de l'institution judiciaire internationale.

Charles Onana souligne la symbolique politique de cette rupture avec la CPI. « Avec le retrait militaire de la France et la fin du franc CFA, le Sahel reprend en main son destin judiciaire », affirme-t-il.

Cette triple souveraineté militaire, monétaire et désormais juridique dessine les contours d'un nouveau modèle de gouvernance pour l'Afrique. « L'AES montre la voie d'une Afrique qui s'assume sans s'entraver », conclut l'expert, pour qui cette initiative pourrait être le début d'un rééquilibrage historique des relations Nord-Sud en matière de justice internationale.

Par Lamine Fofana

 

Quelle est votre réaction ?

Like Like 1
Je kiff pas Je kiff pas 0
Je kiff Je kiff 0
Drôle Drôle 0
Hmmm Hmmm 1
Triste Triste 0
Ouah Ouah 0