G7 de Biarritz : où en est la lutte contre la pauvreté en Afrique ?

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Le président français Emmanuel Macron a invité cinq pays africains au sommet du G7 à Biarritz du 24 au 26 août. Au cœur des enjeux, l’extrême pauvreté. Si rien ne changeait, les objectifs de développement durable pourraient être impactés.

Dans le monde, de moins en moins de personnes vivent dans l’extrême pauvreté. Mais le rythme de la baisse des taux de pauvreté ralentit et fait craindre des difficultés pour atteindre l’objectif fixé à l’international de mettre fin à la pauvreté d’ici à 2030. Selon les données de la Banque mondiale, le pourcentage de personnes vivant dans l’extrême pauvreté est tombé au niveau sans précédent de 10 % en 2015, contre 11 % en 2013. Ces affirmations sont vraies pour toutes les régions du monde, à l’exception de l’Afrique subsaharienne. Une zone classée à part, sans le Maghreb-Machrek, intégrée à la région Mena, d’après la Banque mondiale. « Nous vivons une crise des inégalités qui est, pour moi, la crise du système capitaliste contemporain », déclarait Emmanuel Macron mercredi, en amont du sommet du G7 qui débute sous haute tension sécuritaire, ce samedi à Biarritz en France. Réunis pendant trois jours, les sept pays les plus industrialisés de la planète (France, Royaume-UniÉtats-Unis, Canada, Italie, Allemagne et Japon) se pencheront notamment, à l’initiative de la présidence française, sur la lutte contre les inégalités. La profusion de guerres et les catastrophes sanitaires qui touchent de nombreux pays du continent contribuent à renforcer les inégalités.

Une Afrique subsaharienne qui décroche

Dans tous les cas, les chiffres sont alarmants. Selon les dernières projections, cette région concentrera en 2050 près de 90 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté. « Cette région est la seule à avoir enregistré entre 2013 et 2015 un doublement du nombre de personnes vivant avec moins de 1,9 dollar par jour », constate Carolina Sanchez-Paramo, directrice chargée de la pauvreté à la Banque mondiale.

Le Nigeria, l’Éthiopie et la République démocratique du Congo sont les pays qui comptent le plus grand nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté. « En 2015, les pauvres vivaient pour plus de la moitié en Afrique subsaharienne, et pour plus de 85 % en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. La situation est très différente de ce qu’elle était en 1990, lorsque plus de la moitié des pauvres vivaient dans la région Asie de l’Est et Pacifique. Par suite de la réduction rapide de la pauvreté en Chine, les pauvres qui étaient concentrés en Asie de l’Est dans les années 90, puis en Asie du Sud en 2002, le sont depuis 2010 en Afrique subsaharienne, où leur nombre total ne cesse d’augmenter », écrivent les analystes dans le rapport qui sera entièrement dévoilé le 17 octobre prochain.

… à cause de sa démographie galopante et de ses instabilités

En fait, ce que pointe l’institution mondiale, ce sont des progrès qui se poursuivent, mais de manière inégale et à un rythme plus lent. Selon les auteurs du rapport, le premier facteur bien connu se trouve dans la composition des ménages. « Dans de nombreuses régions, les ménages pauvres comptent proportionnellement davantage de membres économiquement dépendants des adultes en âge de travailler. Partout ailleurs, cette proportion diminue, mais, en Afrique subsaharienne, elle reste relativement constante. »

En second lieu vient la problématique de la démographie. Sous l’effet combiné de la diminution du taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans et de la lenteur relative de la baisse des taux de fécondité, la population continue de croître en Afrique à un rythme plus soutenu que dans le reste du monde. « Le taux de fécondité est plus élevé parmi les pauvres et la famille plus nombreuse. De 7,9 enfants en moyenne, avec 3,5 enfants de moins de 14 ans qui grandissent dans la pauvreté, au détriment de leur éducation et de leur alimentation. »

Autre bémol pour l’Afrique, l’extrême pauvreté est aussi plus répandue dans les pays associés à des situations de fragilité institutionnelle et de conflit. En 2015, 54 % de personnes vivant dans un État fragile ou touché par un conflit se trouvaient majoritairement en Afrique subsaharienne !

Le Nigeria, bientôt le pays le plus pauvre du monde

Des problématiques que l’on retrouve au Nigeria. Le géant africain au pied d’argile serait sur le point de dépasser l’Inde en termes de concentration de population vivant dans l’extrême pauvreté. Selon les calculs de la Banque mondiale pour 2018, le Nigeria compterait 99,2 millions de pauvres en 2018, contre 86,5 en 2015, pour une population de 186 millions d’habitants. « La nature de la croissance est différente dans de nombreux pays d’Afrique, car il y a une dominance de l’économie des secteurs liés à la production de matières premières : elle croît rapidement, mais il n’y a pas d’emploi, elle ne profite pas à la population, et donc la croissance est moins inclusive », analyse Sanchez-Paramo. Dans ce pays, la présence du groupe terroriste Boko Haram, qui a détruit des villes entières, effondré des économies et provoqué le déplacement de 2,3 millions de personnes, selon le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés, n’aide pas non plus. Sans compter l’absence de volonté politique pointée dans un rapport de l’organisation Oxfam lorsque le Nigeria figurait en dernière place sur 152 pays classés en fonction de leur engagement à réduire les inégalités.

Quelles solutions ?

« Si nous voulons mettre fin à la pauvreté d’ici à 2030, nous avons besoin de beaucoup plus d’investissements, en particulier dans la formation du capital humain, pour aider à promouvoir la croissance inclusive nécessaire pour atteindre les pauvres restants », a déclaré le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim. Malgré la régularité des progrès accomplis, l’analyse montre clairement que la bataille pour réduire la pauvreté, au regard de l’objectif de 3 % fixé pour les ODD, sera gagnée si les États fragiles ou touchés par un conflit passe par une croissance qui soit non seulement forte, mais aussi plus particulièrement axée sur les 40 % des plus pauvres.

Modifié le 24/08/2019 à 14:51 – Publié le 19/09/2018 à 18:46 | Le Point.fr

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