Quatre raisons de s’inquiéter pour le Sahel, et de douter de l’aide au développement

Pression démographique, systèmes éducatifs débordés, dégradation environnementale et insécurité hypothèquent l’avenir des pays de la zone.
Au départ, il y a la volonté d’oser un plaidoyer optimiste pour l’avenir du Sahel, de refuser l’idée qu’il n’y a rien à faire et qu’il existe pour ces populations une alternative à la migration. A l’arrivée, rien ne donne vraiment de quoi espérer. Le travail mené à l’initiative de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international(Ferdi) et rassemblé dans l’ouvrage Allier sécurité et développement, plaidoyer pour le Sahel s’appuie sur les plus récentes études sur la région, éclairées des témoignages d’observateurs expérimentés. Le tout dresse une longue liste de problèmes voués à s’aggraver plutôt que de solutions dont on pourrait espérer qu’elles seront mises en œuvre demain après avoir été si longtemps différées.
Lire aussi : Quand la bureaucratie européenne freine la lutte contre le terrorisme au Sahel Liberté de parole retrouvée, ce sont deux anciens fonctionnaires, Jean-Michel Severino, ancien directeur de l’Agence française de développement (AFD), et Michel Reveyrand de Menthon, ex-envoyé spécial de l’Union européenne pour le Sahel, qui ont livré le verdict le plus cru sur le rôle joué par l’aide publique au développement dans ces pays lors d’un débat organisé le 2 octobre à la Maison de la chimie, à Paris. « Nous avons collectivement perdu pied avec la réalité du terrain, a reconnu le premier, aujourd’hui à la tête du fonds d’investissement Investisseurs & Partenaires. L’aide par habitant y est parmi les plus élevées du monde. Elle peut représenter jusqu’à 90 % de l’investissement des Etats, mais elle n’embraie pas ». Autrement dit, elle échoue à enclencher des processus de développement dont elle a le mandat. Le jugement du second, qui est devenu conseiller du président d’Orange sur les questions internationales, est tout aussi inquiétant : « Il y a un vrai problème avec l’aide internationale. Chacun envoie ses experts, fait ses évaluations… Depuis quarante ans, on dépense des milliards, sans grands résultats. » Sur cet immense territoire de 3 millions de kilomètres carrés, où la pauvreté se double désormais d’une insécurité liée à des conflits communautaires, aux trafics illicites de marchandises et d’hommes et à la présence de groupes djihadistes, l’aide internationale est en tout cas passée à côté des quatre sujets qui empêchent de croire en un avenir radieux pour le Sahel. Politique de population, développement agricole et éducation sont restés les parents pauvres des interventions internationales. Quant aux opérations de sécurité, elles ont eu le tort, selon les experts, de se concentrer sur les mouvements jugés les plus dangereux « de l’extérieur » – en l’occurrence les mouvements djihadistes – et de délaisser la délinquance quotidienne dont souffrent le plus les populations.
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Des espaces naturels sous pression
Lire aussi : Thierry Nyamen, l’ancien vendeur ambulant qui veut concurrencer Nestlé au Cameroun Les baisses des droits de douanes orchestrées dans le cadre des négociations commerciales internationales continuent souvent de donner une prime aux produits importés sur les produits locaux. De l’aveu même d’Adeline Lescanne-Gautier, directrice générale de Nutriset, une société spécialisée dans la fabrication de produits destinés à lutter contre la malnutrition, citée par le rapport de la Ferdi, « il est plus intéressant au Niger d’importer de France ce type de produits que de les fabriquer sur place ».
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Etats absents et montée de l’insécurité
Lire aussi : « A chacun son Sahel » ou la cacophonie internationale dans la lutte antiterroriste Au cours des quinze dernières années, l’aide aux pays du Sahel s’est élevée à près de 44 milliards de dollars (40 milliards d’euros). Les Etats-Unis sont devenus le premier bailleur de la région devant la France. Plusieurs plans ont été adoptés comme le Plan européen pour le Sahel en 2011, l’Initiative Sahel de la Banque mondiale en 2013 et, dernier en date, le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique, dont l’objectif est de « lutter contre les causes profondes des migrations ». Tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Au Mali, l’aide par habitant est passée de 26 dollars à 72 dollars mais, au Niger, après avoir subi de fortes fluctuations, elle est aujourd’hui identique à celle perçue en 1990, soit 48 dollars. Tous en revanche supportent la même « bureaucratie de l’aide » – lourdeur des procédures, multiplication des conditionnalités, recours aux experts étrangers, manque d’harmonisation entre les bailleurs – qui accapare les maigres ressources humaines des administrations locales et perpétue l’image d’« Etats incapables ». « Il faut garder espoir sur le Sahel sinon on ne va nulle part » a exhorté Tertius Zongo, aujourd’hui conseiller à la Banque africaine de développement. Pour cela, l’aide internationale n’a pas démontré qu’elle était forcément le bon levier.
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