Mohamed Chérif Haidara, président du CSDM à propos de la crise « C’est grâce à la diaspora qu’il n’y a pas de guerre civile au Mali”

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La Conférence d’entente nationale continuera à couler plus d’encre. Pendant une semaine, les Maliens, représentés par diverses composantes, se sont retrouvés pour diagnostiquer les maux dont souffre la nation mère depuis plusieurs années. L’objectif étant de lui apporter tous les soins utiles à l’apaisement des cœurs et à une gouvernance efficace et équitable pour tous les citoyens. A l’occasion, le Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM) a fait entendre sa voix dans plusieurs medias comme c’était le cas lors d’un débat organisé par la chaine TM2. Les thèmes de la mauvaise gouvernance, la discrimination à l’endroit de la diaspora, les investissements colossaux dans le nord du pays, l’alternance en faveur des femmes et des jeunes sont entre autres les sujets que le président du CSDM aborde avec le ton tranchant qu’on lui connait.

Les acquis de la conférence d’entente nationale
Qu’avez-vous retenu de cette conférence ?

Je voudrais tout d’abord, au nom de tous les membres du Conseil Supérieur de la Diaspora Malienne (CSDM), vous remercier de nous avoir invités à cette émission appelée  » Entre nous ». Nous avons été satisfaits de la façon dont le débat s’est déroulé, même si au départ, nous n’avons pas été conviés à temps. Nous avons reçu très tardivement les TDR et avons été convoqués à une réunion avec le médiateur. Les bases n’ont donc pas eu le temps de réagir
Malgré tout, vous avez tenu à y participer
Absolument, parce beaucoup voulaient savoir ce qui allait se passer. Pour cela, nous ne pouvions pas rester en marge. Mais notre surprise et notre satisfaction étaient consécutives à l’exposé du médiateur qui a bien souligné que le processus allait se poursuivre et que toutes les bases auront le temps de contribuer. Le Président de la République lui-même a dit que c’est un train qui démarre et que chacun pourrait embarquer à la gare de sa convenance. Nous avons vu tout le monde rentrer dans la marche, la destination finale étant, la gare du Mali, c’est-à-dire l’entente, la paix et l’unité nationale.
Pour vous, les bases sont jetées ?
Oui et je dirai même que c’est irréversible.
La conférence était le lieu de parler entre Maliens en toute franchise : est-ce que c’était le cas ?
Tout à fait. Nos délégués ont participé à toutes les trois commissions ; paix, réconciliation et unité nationale. Les débats ont été très francs. Les gens se sont exprimés, c’est vrai, avec passion des fois, mais c’était nécessaire. Il faillait qu’ils disent ce qu’ils pensaient réellement. Le 2e jour de la conférence, nous avons vu des délégations venues d’Anefis, du Burkina Faso et de la Mauritanie. Leurs contributions ont été extrêmement importantes pour nous Maliens de la diaspora. Mais il n’y a pas que la diaspora, il y a aussi ceux qui ont été forcés à l’immigration dans les pays voisins. Leur participation a été très appréciée, les débats ont été très francs et on a découvert un certain nombre de choses qu’on n’aurait pas pu découvrir si ce n’est à cette conférence. Moi je dis que cela a été très productif.
J’imagine que parmi vos préoccupations, vous avez dû souligner que très souvent, vous n’êtes pas impliqués dans la gestion du pays alors que vous comptez beaucoup
La mauvaise gouvernance a été soulignée. Cette conférence pour moi, a été une occasion pour réécrire un nouveau contrat social, à tous les niveaux. Pour parler de la gouvernance, j’aimerais parler d’une chose extrêmement importante. La frustration ne vient pas simplement de la gouvernance. Elle est liée à des promesses non tenues par l’état depuis très longtemps. Parlons de l’investissement qui a été fait par nos partenaires et de l’argent sorti du trésor national. A notre niveau, nous avons essayé de savoir ce qui s’est réellement passé. Beaucoup de personnes aujourd’hui sont convaincues que cet argent a été pris, envoyé au nord et que ce sont les gens du nord qui se sont enrichis eux-mêmes au lieu de développer les régions. Mais nous avons découvert une chose, une vraie surprise pendant cette conférence, parce que moi je circulais entre les trois commissions. J’ai remarqué que eux-mêmes, ressortissants du nord, CMA et Plateforme y compris, se plaignaient de n’avoir pas vu cet argent. J’ai dit mais, l’opinion générale pense que vous avez 50% de ce qu’on donne au Mali et qu’à chaque fois que c’est fini, vous créez des problèmes pour en recevoir à nouveau, alors que vous n’avez pas plus de droits que les autres. Si vous n’avez pas reçu l’argent, où est-il donc passé ? Cette question reste pendante et il faut la régler. Pendant qu’ils demandent un investissement égalitaire car n’ayant jusque-là rien vu, les autres pensent que l’argent a bel et bien été envoyé. A ce sujet, il y en a de la Plateforme et de la CMA qui demandent qu’il y ait un audit. Si cet argent est sorti du trésor public, il est parti où ? Pourquoi je parle de cet argent ? C’est parce qu’il est obtenu avec nos partenaires au développement et les ressources de l’état. Nous Maliens de la diaspora, pour l’année 2016, avons contribué pour 15,2% du PIB du Mali. Le ministère des Maliens de l’extérieur est le ministère le plus important du Mali, plus que les départements des finances, de la défense et des affaires étrangères réunis. Vous allez me demander pourquoi ? La défense s’occupe de l’intégrité du territoire. Vous savez qu’aujourd’hui, à partir de Ségou jusqu’à Kidal, il n’y a pas de guerre civile parce que la diaspora envoie de l’argent directement à nos familles. Ce n’est pas par les militaires qu’on n’a pas la guerre civile, mais à cause de la diaspora.
Mais quand notre ministère des finances négocie avec le Fonds et les banques, ce sont des va-et-vient avec de l’argent du contribuable qui est dépensé. Ce sont aussi des cabinets de lobbying qui sont payés pour obtenir le prêt. Le prêt est pourtant remboursé, mais par qui ? Par tout le contribuable malien. Nous (de la diaspora), nous avons apporté près 800 Milliards, c’est-à-dire, largement au-dessus de toute l’aide au développement réunie. Ce sont donc le Ministère et le Ministre les plus importants. Désormais, nous voudrions qu’il y ait une égalité de traitement d’avec les autres ministères. Voilà un ministère qui est sans budget, je vous dis, sans budget. Quand il y a un problème quelque part, il faut qu’on coure derrière ce ministre pendant des jours et même plusieurs semaines sans avoir de l’argent pour faire rapatrier ces Maliens. Comment pouvez-vous comprendre que notre ministère soit le plus grand pourvoyeur d’argent pour le pays et en même temps le plus pauvre de tous les départements ? C’est une frustration pour nous. Nous n’avons pas voulu le dire à la conférence mais nous avons demandé les états généraux de l’immigration malienne. Au cours de ces états généraux, nous aimerions discuter de tous ces problèmes pour sortir un document qu’on soumettra au ministre. Nous aimerions au moins retrouver ce que nous investissons pour stabiliser le Mali.
Les femmes ont parlé de leurs préoccupations singulières, allez-vous les aider, vous les hommes ?
La femme ne peut être que l’une des quatre choses. Elle est soit votre fille, femme, sœur ou mère. On ne traite la femme que selon ces catégories. En agissant comme tel, on donne parfois l’impression de décider à leur place. Mais ce n’est pas vraiment le cas. Aujourd’hui, 53 à 54% de la population malienne est femme. 75% des Maliens sont jeunes. On n’a donc pas d’avenir sans les jeunes. Pour parler de la diaspora que je connais le mieux, il y a 15 à 20 ans, c’étaient des jeunes garçons et des hommes qui partaient. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ce sont de jeunes filles qui partent. Nous avons près de 45% de filles et femmes qui partent à l’extérieur. C’est extrêmement inquiétant. Nous sommes donc conscients de ce qui arrive à nos sœurs, filles et mamans. Et parlant d’alternance, mon avis est qu’on puisse vous confier la gestion du pays, juste pour un mandat (rires sur le plateau). Si on arrête d’envoyer de l’argent, l’ORTM va cesser d’émettre.
Une de vos propositions est d’avoir une représentation à l’assemblée nationale.
Tout à fait et en y voyant de très près, il y a discrimination. Nous Maliens de la diaspora sommes discriminés, les femmes et les jeunes sont discriminés, les gens du nord sont discriminés. La question est donc purement et simplement discrimination. Ainsi, on passe à la revendication et quand on n’a pas d’interlocuteur en face, on passe à la violence. Nous avons eu la chance de nous retrouver dans le processus d’Alger, … pour se mettre d’accord sur l’article 5 et on signe un nouveau contrat social. Un Malien sur trois vient à l’étranger. Etant donné que nous sommes égaux devant la loi, comment pouvez-vous décider pour notre compte sans nous impliquer ? A l’assemblée, nous avons une commission des affaires étrangères avec un seul membre vivant à l’extérieur. Ce n’est pas admissible. Nous disons, qu’au-delà de l’égalité, notre nombre est important ainsi que notre apport économique. Nous pouvons contribuer à changer les problèmes que le Mali vit actuellement. Nous le faisons déjà. Ces discriminations doivent cesser. Nous devons avoir un groupe parlementaire à l’assemblée nationale qui va discuter de nos problèmes et proposer des solutions au sein l’hémicycle. J’ai rencontré la commission lois de l’assemblée nationale. Vous savez ce qu’ils ont prévu ? C’est de remplacer le Haut conseil des collectivités en sénat avec 2 sénateurs au nom des Maliens de l’extérieur. On n’est pas d’accord. Le sénat n’empêche pas les députés à l’assemblée. Nous voulons les sénateurs avec le nombre qui nous revient de droit et le 1/10 des députés. Maintenant, nous pourront ensemble voir les critères d’éligibilité. Le Mali a toujours été le pionnier dans beaucoup de choses. Je suis de la diaspora et j’en parle. Nous avons pu élaborer la meilleure politique de l’immigration au monde. Tous les pays nous ont pratiquement copiés. L’imam Malick disait que pour faire la différence entre deux choses, il faut les comparer. Le Sénégal qui s’est inspiré de notre politique nationale de migration (PONAM) a déjà des députés. Au Mali, on nous parle de coût. Nom de Dieu, et nos 800 Milliards ?
La fin de la crise passe par quoi selon vous?
Le problème essentiel pour le Mali est l’équité dans tout. C’est le manque d’équité qui crée la frustration. Il faut l’équité dans tout ! Dans la distribution des biens, dans l’emploi et dans la proportion des prérogatives données. Si le gouvernement est équitable, on trouvera une solution à 50%. Les autres 50% sont liés au respect des accords signés par toutes les parties. Moi je ne voudrais pas qu’il y ait une autre conférence pour Mopti. La présente conférence doit englober tout. Les jeunes qui font 75% de la population ainsi que les femmes doivent être mis au centre des décisions. Le pays le mieux géré au monde est africain. C’est le Rwanda où 65% des dirigeants sont des femmes et jeunes. Si on peut copier le Rwanda, en mettant les jeunes et les femmes au centre de décisions, dans l’équité et le respect des accords signés, nous aurons la paix pour longtemps dans ce pays.
Z. M. K

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