Observatoire/ Fondation nationale pour la démocratie (National Endowment for Democracy – NED): Campagne nationale d’éducation civique et de mobilisation sociale pour l’effectivité des réformes politiques, institutionnelles et électorales au Mali

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Les avancées majeures en faveur des réformes

 Conférence de presse du samedi 22 octobre 2022

 Dans la perspective de l’adoption d’une nouvelle Constitution, les autorités de la Transition ont pris deux décrets : le décret n°2022-0342/PT-RM du 10 juin 2022, portant création, mission, organisation et fonctionnement de la Commission de rédaction de la Nouvelle Constitution, et le décret n°2022-0394/PT-RM du 29 juin 2022, portant nomination des membres de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution.  La cérémonie d’installation  des membres de la commission  s’est effectuée le 12 juillet 2022, sous la présidence du Président de la Transition, le Colonel Assimi GOÏTA.

Le 27 septembre 2022, le décret n°2022-0601/PT-RM, portant prorogation du délai de la mission de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution, a été promulgué par le Président de la Transition. Suivant l’article 1er : « Par dérogation à l’article 7 du Décret n°2022-0342/PT-RM du 10 juin 2022 portant création, mission, organisation et fonctionnement de la Commission de rédaction de la nouvelle constitution, le délai de la mission de la Commission de rédaction de la nouvelle Constitution est prorogé jusqu’au 31 octobre 2022 ».

Le 12 octobre 2022, la commission a remis au Président de la Transition l’Avant-projet de constitution de la République du Mali. C’est un document qui comprend 195 articles.

Dans l’ensemble, cet avant-projet vient conforter les activités de plaidoyer déroulées par l’Observatoire, depuis le coup d’État du 18 août 2020, par rapport à la nécessité des réformes politiques institutionnelles et électorales durant la Transition.

L’Observatoire salue le courage et l’esprit d’indépendance des membres de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution. 

  1. LES AVANCÉES MAJEURES

 1.1 Le combat contre l’homosexualité

Suivant l’article 9, le mariage et la famille, qui constituent le fondement naturel de la vie en société, sont protégés et promus par l’État. Le mariage est l’union entre un homme et une femme.

1.2 Vers un seul organe de régulation des médias

L’article 15 dit que la liberté de presse est reconnue et garantie. Elle s’exerce dans les conditions fixées par la loi. Cet article remplace l’article 7 de la Constitution du 25 février 1992 selon lequel : « La liberté de presse est reconnue et garantie. Elle s’exerce dans les conditions fixées par la loi. L’égal accès pour tous aux médias d’État est assuré par un organe indépendant dont le statut est fixé par une loi organique. »

 Le nouveau texte Constitutionnel permettra à la Haute Autorité de la Communication d’avoir les pleins pouvoirs, en matière de régulation des médias et de la communication en République du Mali.

 1.3 La possibilité de l’évolution de nos langues nationales en langues officielles

 L’Avant-projet, en son article 31, dit que les langues parlées au Mali par une ou plusieurs communautés linguistiques font partie du patrimoine culturel. Elles ont le statut de langues nationales et ont vocation à devenir des langues officielles. La loi fixe les modalités de protection, de promotion et d’officialisation des langues nationales. Le français est la langue d’expression officielle. L’État peut adopter, par la loi, toute autre langue étrangère comme langue d’expression officielle.

1.4 La promotion de l’intérêt général

 L’intérêt général est mis en valeur à travers l’article 34 : « Les autorités en charge de la gestion de l’État et des autres institutions publiques œuvrent exclusivement à la promotion et à la sauvegarde de l’intérêt général. Les actions qu’elles entreprennent doivent répondre aux besoins et attentes des populations dans le respect des principes de l’État de droit, de participation, de transparence, de responsabilité et de l’obligation de rendre compte »

1.5 La reconnaissance du travail de la société civile

 Contrairement à la Constitution de 1992, le travail des Organisations de la Société Civile (OSC) est reconnu et valorisé. L’article 40 dit que les organisations de la société civile exercent, dans le cadre de la démocratie participative, une mission de veille citoyenne dans les conditions déterminées par la loi.

 1.6 La question tranchée du mandat, de la nationalité et de l’âge

 Suivant l’article 45, le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats de Président de la République.

Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malienne d’origine et ne posséder aucune autre nationalité à la date de dépôt de la candidature. Il doit jouir de tous ses droits civils et politiques, être de bonne moralité et de grande probité. Il doit être âgé de 35 ans au moins et de 75 ans au plus à la date de dépôt de la candidature et être apte à exercer la fonction (article 46).

1.7 La durée revue de l’élection Présidentielle

 L’article 47 dispose que l’élection du nouveau Président de la République a lieu quarante-cinq jours au moins et soixante jours au plus avant l’expiration du mandat du Président en exercice. Suivant la Constitution de 1992, en son Article 32, les élections présidentielles sont fixées vingt et un jours au moins et quarante jours au plus avant l’expiration du mandat du Président en exercice.

 La question de l’entre-deux tours a été réglé dans l’Avant-projet à travers l’article 48 qui dispose : « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour, il est procédé à l’organisation d’un second tour le troisième dimanche qui suit la proclamation des résultats du premier tour par la Cour constitutionnelle. » L’article 33 de 1992 ordonne que : (…)  Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. Si celle-ci n’est pas obtenue au premier tour de scrutin, il est procédé à un second tour, le deuxième dimanche suivant. Ce second tour est ouvert seulement aux deux candidats ayant réuni le plus grand nombre de suffrages.

1.8 Le renforcement du Serment, l’introduction de la Cour Constitutionnelle et la destitution du Président

 L’article 55 de l’Avant-projet vient renforcer le serment du Président de la République qui prête désormais devant la Cour constitutionnelle, en audience solennelle, et non plus devant la Cour Suprême. Le dernier alinéa, introduit dans la formule de l’article 37 de 1992, constitue une avancée notoire : « (…). En cas de violation de ce serment, que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur de la loi ».

 En plus, l’article 72 dispose que le Président de la République est responsable de faits qualifiés de haute trahison. Il peut être destitué par le Parlement pour haute trahison. Il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment, pose des actes manifestement incompatibles avec l’exercice de ses fonctions, est auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains, d’atteinte aux biens publics, de corruption ou d’enrichissement illicite. (….).

 1.9 La nécessité de la relecture de la Loi n°2022-019 du 24 juin 2022, portant Loi électorale et de la Loi organique des députés. La création d’un Parlement et le mode d’élection. Le règlement du nomadisme politique.

Avant les élections des députés et des membres du Haut Conseil de la Nation, plusieurs textes doivent être obligatoirement relus.

L’article 99 de l’Avant-projet dit que la loi détermine les modalités de l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Elle détermine également les modalités de l’élection ou de désignation des Conseillers de la Nation. Suivant l’article 100, une loi organique fixe pour chacune des deux chambres, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités. Elle détermine également les conditions dans lesquelles il est procédé à leur remplacement en cas de vacance de siège. Avec l’article 101, une loi organique fixe les indemnités et les autres avantages alloués aux députés et aux conseillers de la Nation.

Si l’article 59 de la Constitution de 1992 dit que le Parlement comprend une chambre unique appelée Assemblée nationale, l’article 94 de l’Avant-projet dispose que : « Le Parlement comprend deux chambres : l’Assemblée nationale et le Haut Conseil de la Nation. Le Congrès est la réunion des deux chambres du Parlement. La présidence du Congrès est assurée par le Président de l’Assemblée nationale. »

 Concernant le mode de scrutin, l’article 61 de la Constitution de 1992 dispose que les Députés soient élus pour cinq ans au suffrage universel direct à travers une loi qui fixe les modalités de cette élection. L’article 96 de l’Avant-projet, quant à lui, ordonne que les députés soient élus pour cinq ans au suffrage universel direct avec un mode de scrutin majoritaire, proportionnel ou mixte. Cela renforce la représentation nationale et la pluralité des opinions au sein du Parlement.

Le nomadisme des hommes politiques est réglé à travers l’article 106 qui ordonne : « Tout député qui démissionne de son parti ou tout conseiller de la Nation qui démissionne de son parti ou de l’organisation qu’il représente est déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique. »

 1.10 L’introduction des Normes et Conventions internationales

 Les Normes et Conventions internationales ont été clairement introduites dans l’Avant-projet.

Pour mémoire, l’article 13 de la Déclaration de Bamako de 2000 stipule de « Faire en sorte que les textes fondamentaux régissant la vie démocratique résultent d’un large consensus national, tout en étant conformes aux normes internationales, et soient l’objet d’une adaptation et d’une évaluation régulières ».

L’article 14, alinéa 1, de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance exprime que : « Les États parties renforcent et institutionnalisent le contrôle du pouvoir civil constitutionnel sur les forces armées et de sécurité aux fins de la consolidation de la démocratie et de l’ordre constitutionnel. »

L’article 19 du Protocole additionnel de la CEDEAO, en ses alinéas 1 et 2 dit que : « l’armée est républicaine et au service de la Nation. Sa mission est de défendre l’indépendance, l’intégrité du territoire de l’État et ses institutions démocratiques. Les forces de sécurité publique ont pour mission de veiller au respect de la loi, d’assurer le maintien de l’ordre, la protection des personnes et des biens. »

L’Observatoire constate qu’avec le Chapitre V de l’Avant-projet intitulé « DES FORCES ARMÉES ET DE SÉCURITÉ » :

  • Les Forces armées et de sécurité sont chargées de la défense de l’intégrité du territoire national, de la protection des personnes et de leurs biens, du maintien de l’ordre public et de l’exécution des Elles participent aux actions de développement économique, social et culturel du pays (article 88) ;
  • Les Forces armées et de sécurité sont au service de la Nation. Elles sont républicaines, apolitiques et soumises à l’autorité politique (article 89).

1.11 L’élargissement de la Cour Constitutionnelle, le rétrécissement du mandat et des pouvoirs. La question tranchée de la reformation

Dans l’Avant-projet, la Cour constitutionnelle comprend neuf membres qui portent le titre de conseillers. Le mandat des conseillers est de sept ans non renouvelables. Les neuf membres de la Cour constitutionnelle sont désignés comme suit : Deux par le Président de la République ; Un par le Président de l’Assemblée nationale ; Un par le Président du Haut Conseil de la Nation ; Deux par le Conseil supérieur de la magistrature ; Deux enseignants-chercheurs de droit public désignés par un Collège constitué par les recteurs des universités publiques de droit ; Un par l’Ordre des avocats. Les conseillers sont choisis à titre principal parmi les professeurs de droit public, les avocats et les magistrats ayant au moins vingt ans d’expérience, ainsi que les personnalités qualifiées qui ont honoré le service de la Nation. Les conseillers ainsi désignés sont nommés par décret du Président de la République (article 148).

L’article 91 de la Constitution de 1992 donne un mandat de sept ans renouvelables une fois. Les neuf membres étaient désignés seulement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le Conseil supérieur de la magistrature. L’article poursuit que les Conseillers sont choisis à titre principal parmi les Professeurs de droits, les Avocats et les Magistrats ayant au moins quinze ans d’activité, ainsi que les personnalités qualifiées qui ont honoré le service de l’État.

Avec l’Avant-projet, la Cour constitutionnelle voit ses compétences rétrécies en matière d’élection. Elle reste maître du jeu concernant l’élection du Président de la République et le Référendum. Elle contrôle la régularité et proclame les résultats définitifs (articles 49 et 154).

Désormais, avec l’Avant-projet, c’est seulement en cas de contestation, que la Cour constitutionnelle statue sur la régularité de l’élection des députés et de l’élection ou la désignation des conseillers de la Nation (article 155). Et lorsqu’elle fait droit à une requête, la Cour peut, selon le cas, annuler l’élection contestée ou réformer les résultats provisoires. Lorsque la réformation a pour conséquence l’inversion des résultats proclamés, la Cour constitutionnelle prononce l’annulation de l’élection (article 157).

 1.12 Les procédures de la révision Constitutionnelle élargies

 Avec l’Avant-projet, l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux membres du Parlement. Le projet ou la proposition de révision doit être adopté en termes identiques par les deux chambres du Parlement à la majorité des deux tiers de leurs membres. La révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum (article 190).

Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La laïcité, la forme républicaine de l’État, le nombre de mandats du Président de la République et le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision (article 191). Ici, le nombre de mandats du Président de la République est venu renforcer l’article 118 de la Constitution de 1992 selon lequel aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de l’État ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision.

  1. LES ATTENTES NON COMBLÉES

 2.1. La discrimination positive non prise en compte

L’article 1er de l’Avant-projet dispose que : « Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la région, la couleur, la langue, la race, l’ethnie, le sexe, la religion ou l’opinion politique est prohibée. »

L’Observatoire est d’avis que la discrimination positive, dans le cadre de la Loi N°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, devrait figurer dans cet article premier.

2.2. Le maintien du Conseil Économique

L’article 36 de l’Avant-projet dispose que les institutions de la République sont : 1. le Président de la République ; 2. le Gouvernement ; 3. le Parlement ; 4. la Cour suprême ; 5. la Cour constitutionnelle ; 6. la Cour des comptes ; 7. le Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental.

L’Observatoire, bien que saluant l’arrivée de la Cour des comptes, est d’avis que le Conseil Économique, Social, Culturel et Environnemental ne devrait pas être une institution au détriment de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) et de la Haute Autorité de la Communication (HAC).

2.3. La possibilité non offerte au peuple de faire respecter le serment

 Si le dernier alinéa de l’article 55 de l’Avant-projet dit qu’en cas de violation du serment, le peuple retire sa confiance au Président de la République, aucun mécanisme citoyen de sa mise en œuvre n’existe.

2.4. La séparation des pouvoirs non résolue

L’Observatoire déplore le fait que le Président de la République soit non seulement le Président du Conseil supérieur de la magistrature mais aussi le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire ; assisté par le Conseil supérieur de la magistrature (articles 64 et 136).

La séparation des pouvoirs, entre l’exécutif et le judiciaire, n’a pas été résolue dans l’Avant-projet de la nouvelle Constitution ; conformément aux Normes et Conventions internationales.

2.5. Les dispositions contre le coup d’État à renforcer

 L’Avant-projet insiste sur le fait que le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’État. Tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible contre le peuple malien (article 192).

L’Observatoire estime qu’il fallait plutôt mettre : « Tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible et non amnistiable contre le peuple malien ».

L’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, est une plateforme de 36 Organisations Non Gouvernementales (ONG) et Associations de la société civile ayant développé une expertise dans le domaine électoral et sur les questions liées à la gouvernance démocratique depuis 1996 au Mali.

 

Contact Presse :

Dr Ibrahima SANGHO, Président de l’Observatoire

Téléphone : +223 76 23 36 00. Email : [email protected]

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