Gestion communale : La Mairie de Kayes ou la municipalité de la fraude financière : plus de 70 millions de francs CFA disparus

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Décidément, les dieux semblent tombés sur le crâne du maire de la commune urbaine de Kayes : un rapport d’audit financier met à nu une surfacturation à la pelle dont le maire M. Adama Guindo et ses complices, se sont rendus coupables à la municipalité de la commune urbaine de la cité des rails. S’y ajoutent, la mauvaise gestion et le détournement de fonds qu’ils ont érigé en mode. Ainsi que la non-application de la nomenclature budgétaire et la passation, de gré à gré, des marchés… Au tant de gaffes qui, selon ce document d’audit financier (dont nous avons une copie), ont fait perdre à la commune urbaine de Kayes, la bagatelle de 71,40 millions de francs CFA (71 403 833F) pendant les exercices 2016, 2017 et 2018. Accablant !

La mauvaise gestion a atteint un niveau de non retour dans l’administration malienne. Mais l’impunité aidant, le détournement du dénier public est devenu un excellent sport pour la santé. Tout est devenu normal dans les services publics. Même les plus grands vices sont banalisés. Partout, le même refrain : « moi d’abord, et s’il en reste, la nation pourra en bénéficier ». Plus grave, à chaque rapport d’enquête, les mêmes irrégularités, le même viol du dénier public. Un rapport sur la gestion financière de la municipalité de la commune urbaine de Kayes épingle le Maire, Adama Guindo dont la gestion jure avec l’orthodoxie financière.

D’embrouilles en magouilles

À en croire ce rapport financier, les violations des prescriptions légales sont flagrantes. Pire, sur le plan administratif, le maire et ses complices violent les textes à travers les actes qu’ils posent tous les jours. Il s’agit, selon le document, du non-fonctionnement des services propres. En violation par le maire Adama Guindo des dispositions de l’arrêté du 28 janvier 2004 portant création, organisation et fonctionnement des services de la Mairie.

De  l’indiscipline budgétaire à ciel ouvert

C’est sans appel : la Commune Urbaine de Kayes  approuve des marchés en l’absence de crédit budgétaire. En effet, il ressort des investigations que le Maire de la commune urbaine de Kayes, M. Adama Guindo, a conclu des marchés alors qu’elle ne disposait pas de crédits nécessaires. De l’étude des DAO (Dossiers d’appel d’offres) et des pièces de paiements sur la période 2016, 2017 et 2018, il est noté l’existence de deux contrats de marchés pour la construction du CSCOM de Benkounda pour 2016 et 2018 dont le premier est le Marché n°32 DRMP-DSP Kayes 2016 qui n’a pas été exécuté et n’a pas fait l’objet d’annulation écrite et le deuxième Marché n°22 DRMP-DSP Kayes 2018 a été exécuté. Le lancement de marché en l’absence de crédit budgétaire suffisant est un acte d’indiscipline budgétaire qui ne permet pas à la commune urbaine de Kayes d’honorer en temps opportun ses engagements. Ce qui conduit à des dépenses extra budgétaires.

La Commune Urbaine de Kayes ne tient pas de registre d’enregistrement des offres. Non plus, les offres reçues ne sont pas mentionnées dans un registre approprié.  Le non enregistrement des offres ne facilite pas la traçabilité des offres reçues et constitue un manquement au principe de transparence dans les procédures de passation des marchés.

Par ailleurs, les opérations d’achats sont effectuées, sans demande de cotation des fournisseurs. Cependant, il ressort de l’examen des dossiers des achats effectués par la Mairie de Kayes, durant la période sous revue, que des opérations d’achats ont été effectuées sans mise en concurrence d’au moins trois fournisseurs. La violation des dispositions relatives à la mise en concurrence entre les fournisseurs ne favorise pas le respect du principe de libre accès à la commande publique et la transparence des procédures.

Pire, le Maire de la Commune Urbaine de Kayes n’a pas exigé la fourniture de la caution de bonne exécution à un titulaire de marché. Du coup, il ressort qu’un marché a été exécuté sans la fourniture de la garantie de bonne exécution.

Aussi, après l’analyse des dossiers de marché au titre des exercices 2016, 2017 et 2018, il apparaît qu’un marché a été exécuté sans que le titulaire ait fourni de garantie de bonne exécution. La non exigence de la caution de bonne exécution ne protège pas la commune urbaine de Kayes contre les cas de non-conformité par rapport aux marchés initialement conclus et ne favorise pas la correction des dysfonctionnements constatés dans le cadre desdits marchés.

Au même moment, la Mairie de Kayes ne respecte pas scrupuleusement les critères de qualification des Données Particulières des Appels d’Offres (DPAO). À titre d’exemple les états financiers d’une entreprise comportent pour une même année des chiffres d’affaires différents, aussi aucun de ses états financiers n’a fait l’objet de certification par un comptable agréé. Par ailleurs, les éléments de l’offre ne sont pas complets. La Soumission, le Bordereau des Prix unitaires et le Détail quantitatif et estimatif n’ont pas été paraphés par les quatre représentants du Maître de l’Ouvrage assistant à l’ouverture des plis comme stipulé par le DAO.

Et le hic qui titille, c’est qu’il apparaît que des commissions de dépouillement et de jugement des offres ont éliminé des soumissionnaires pour des motifs non fondés. À titre d’illustration le titulaire des plis n°16, et n°17 relatifs aux travaux d’extension du réseau d’adduction d’eau potable dans la commune urbaine de Kayes, consécutif aux lots n°1 et n°2 n’ont pas été retenus au motif que le soumissionnaire n’a pas fourni de caution. Cependant, au cours de l’examen du dossier les auditeurs ont constaté la présence de la preuve de la caution dans son offre. Le non-respect des procédures d’analyse et d’évaluation des offres dans le cadre de l’attribution des offres contrevient aux principes d’économie et d’efficience du processus d’acquisition, du libre accès à la commande publique, de l’égalité de traitement des candidats et la transparence de l’ensemble du processus.

Le Maire de la commune Urbaine de Kayes a accepté une offre anormalement basse sans les préalables requis. Pour cette raison, la commission de jugement des offres n’a pas demandé par écrit au candidat retenu pour la construction d’un CSCOM à Bencounda toutes précisions utiles afférentes à son offre. Ainsi, après l’analyse des DAO, les offres, et les PV d’analyse des offres des marchés passés pendant la période sous revue, il ressort que pour l’attribution en 2018 du marché relatif à la construction du CSCOM de Bencounda, l’offre du 6ème est près de deux fois et demi (2,5) supérieure à l’offre du premier soit un écart de plus de 124 millions FCFA (124 136 162F). L’acceptation des offres anormalement basses par la commission de jugement des offres expose la commune à des risques d’avenant au marché initial et peut entraîner la non-exécution du marché.

Le régisseur de recettes ne reverse pas la totalité des montants perçus   

De l’analyse des bons de retrait des carnets de vignettes, des bordereaux de versement au Trésor ainsi que le compte administratif de l’exercice 2018, il résulte que l’intégralité des recettes des vignettes vendues à la Mairie de la commune urbaine de Kayes n’a pas été reversée. En effet, la municipalité de la cité des rails a reçu au titre des vignettes de la part du Trésor des carnets dont la valeur est de 64 125 000 FCFA. Les bordereaux de versement de vignettes vendues sur le même exercice indiquent un montant de 60 132 000 FCFA soit un écart non versé de 3 993 000 FCFA.

Autres irrégularités relevées à la Mairie de Kayes, le régisseur n’a pas versé l’intégralité des montants de  la vente des tickets de sortie de véhicule en 2018. Après une étude minutieuse des bons de retrait de carnet du Trésor, les bordereaux de versement au Trésor ainsi que le compte administratif, il résulte que le régisseur n’a pas versé l’intégralité des montants de la vente de tickets de sortie de véhicule en 2018. En effet, les bons de retrait de carnet au Trésor indiquent un montant de 37,5 millions FCFA (37 500 000F). Par contre les bordereaux de versement indiquent un montant de 35 millions (35 185 015F) soit un écart de  plus de 2 millions de nos francs (2 313 985F) non versé.

Et comme si cela ne suffisait pas, la Mairie de Kayes n’a pas appliqué de pénalités sur des marchés qui ont connu du retard pour un montant total de plus de 20 millions FCFA (21 408 751F). Une situation qui a amenée les auditeurs a examiné les contrats des marchés de travaux, les lettres de notification, les ordres de service, les procès-verbaux de réception provisoire et les mandats de paiement. Aussi, elle a effectué un rapprochement des dates de l’Ordre de Service à celles de la réception provisoire. Il résulte de cet examen que l’exécution des marchés : n°019- DRMP-DSP-2018 relatif à la Construction de 18 salles de classes ; n°022-DRM-DSP-2018 relatif à la Construction de 19 salles de classes ; n°20-DRMP-DSP-2018 relatif à la Construction du mur de clôture et n°21-DRMP-DSP-2018 relatif à la construction du CSCOM, a pris du retard sans qu’aucune pénalité de retard n’ait été exigée. Le montant des pénalités dues est de 21,4 millions FCA (21 408 751F. La non application des pénalités de retard constitue un manquement aux dispositions réglementaires qui régissent la passation et l’exécution des marchés.

Par la suite, le Régisseur des dépenses a effectué des dépenses non soutenues par des pièces justificatives.  Il s’agit des dépenses non soutenues par des pièces justificatives d’un montant de 29 647 687 de nos francs. Également, la Maire de Kayes a exécuté des dépenses de travaux et d’acquisition de biens sans factures, ni bordereau de livraison. Le paiement des dépenses sans pièces justificatives est un manquement aux dispositions réglementaires et ne garantit pas l’effectivité des dépenses réalisées.

S’agissant de la gestion de l’État civil, c’est du fiasco à la Mairie de Kayes. Le régisseur de recettes n’a pas reversé la totalité des montants dus au titre des carnets d’état civil pour l’exercice 2018.  Il résulte des fouilles que les bons de retrait de carnet au Trésor s’élèvent à un montant de 13,5 millions FCFA. Par contre les bordereaux de versement indiquent un montant de 10,9 millions (10 995 280F) soit un écart de plus de 2 millions FCFA (2 504 720F) non versé.

Poursuivant les enquêtes, les auditeurs démontrent que les Régisseurs des centres d’état civil de la commune urbaine de Kayes n’ont pas reversé l’intégralité des recettes issues des actes de mariage. Le nombre de mariage inscrit dans les registres des différents centres est supérieur au nombre de mariage ayant fait l’objet de quittancier. Après l’analyse des registres de mariage du centre principal, des centres secondaires, du compte administratif et des quittances sur les exercices 2016, 2017 et 2018, il résulte que le nombre de mariage inscrit dans les registres des différents centres est supérieur au nombre de mariage ayant fait l’objet de quittancier. En effet, le centre principal a enregistré plus de mariage dans le registre que de quittancier délivré pour un montant de plus de 6 millions de francs CFA (6 053 430F en 2018 et plus de 3 millions de nos francs (3 783 080F) en 2017 soit un total de 9 836 510 FCFA.

Pour le centre de Kayes N’di, un écart de 753 410 FCFA a été constaté en 2017 et 945 770 FCFA en 2018 soit un montant total de 1 699 180FCFA.

Et comble de la gabegie à la Mairie de Kayes, il n’y a pas de bureau chargée de la gestion du personnel (ce qui occasionne un cumul de fonction) encore moins une comptabilité matières pour la gestion du patrimoine. Pire, la municipalité n’évalue pas la performance des capacités de son personnel. Aussi, le fichier du personnel n’est pas à jour. Un fichier du personnel qui n’est pas à jour ne permet pas à la commune urbaine de Kayes d’avoir en temps réel une situation de ses agents (fonctionnaires des collectivités, agents contractuels, agents de l’Etat) ce qui ne favorise pas une utilisation efficace de son personnel.

Des méthodes mafieuses

La Commune Urbaine de Kayes n’a jamais publié l’avis général indicatif concernant les marchés passés pendant la période sous revue. Cela constitue un manquement au respect de la reddition des comptes et à la transparence des marchés publics et ne permet pas à l’organe chargé des marchés de connaître à l’avance les caractéristiques essentielles des marchés à passer par la commune. Plus grave encore, la Mairie de Kayes ne dispose pas d’un bon système d’archivage des documents comptables et financiers et ne procède point à l’archivage adéquat des documents comptables et financiers.

Par ailleurs, la Mairie de la Commune urbaine de Kayes ne tient pas à jour des documents de base, de mouvement et de gestion de la comptabilité-matières que sont le livre-journal des matières, les fiches de casier, le Bordereau de Mise en Consommation des Matières, les fiches détenteurs, le bordereau d’affectation des matériels. Du coup, le comptable-matières cumule le poste de régisseur de recette. À cet effet, il procède non seulement à la commande des vignettes, et des carnets de tickets de marchés et assure également leurs réceptions en sa qualité de comptable-matières.  La non-tenue régulière des documents de comptabilité-matières, constitue une entrave au suivi et à la sécurisation des biens de la commune. Aussi, le cumul de fonction du comptable-matières et régisseur entache son objectivité dans le processus de la commande publique et de la sauvegarde du patrimoine.

Au tant de gourdes dans la gestion des exercices 2016, 2017 et 2018 de la Mairie de la Commune Urbaine de Kayes et qui ont occasionné un trou de 71 millions de francs CFA dans la caisse. D’où le lieu pour le Vérificateur général de fouiller dans les affaires de la municipalité et d’adresser une dénonciation de faits au Pôle économique et financier relativement : au non reversement de 3,99 millions FCFA de recettes issues de la vente des vignettes ;  au non reversement de 2,31 millions de FCFA de recettes issues de la taxe de sortie des véhicules ; aux pénalités de retard non appliquées pour un montant total de 21,41 millions de FCFA ;  aux dépenses non justifiées relatives à l’acquisition de biens et de travaux pour un montant de 29,65 millions de FCFA ;  au non reversement de 2,5 millions de FCFA au titre de la vente des carnets d’état civil ;  au non reversement des frais d’actes de mariage du centre secondaire de Kayes n’di pour un montant de 1,70 millions de FCFA et au non reversement des recettes issues des actes de mariage du centre principal de Kayes pour un montant de 9,83 millions de FCFA.

Du coup, c’est le sauve-qui-peut, général, à la Mairie de la Commune urbaine de Kayes. Le maire Adama Guindo risque gros. Ces complices aussi ! Accablants.

Jean Pierre James

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