Les Enfants atteints de Macrocéphalie au Mali : Démystifier le mal pour sauver des vies

16 Juillet 2025 - 02:04
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Les Enfants atteints de Macrocéphalie au Mali : Démystifier le mal pour sauver des vies
Pr. Moussa Diallo

Partagées entre douleurs physiques et dépenses financières, les personnes atteintes de macrocéphalie, caractérisée par une augmentation démesurée de la taille de la tête, font face à des fausses informations et croyances donnant lieu à une stigmatisation qui rend leur quotidien encore plus pénible. Des spécialistes de la santé, notamment le Pr Moussa Diallo, neurochirurgien au CHU-Gabriel Touré, appellent à démystifier cette maladie, qui met en péril la vie des malades et de leurs familles, faute d’informations fiables sur ce mal que l’on croit à tort inguérissable ou surnaturel dans notre pays.

« On ne veut pas de ‘Boli’ dans notre équipe, où on va confondre sa tête avec le ballon », cette expression semble avoir marqué à jamais Adjara Kouévi, Togolaise résidant à Bamako, mère d’un enfant atteint de macrocéphalie, qu’elle a perdu à l’âge de 12 ans. Selon elle, à la suite de la perte de son fils, elle était partagée entre la douleur et le soulagement de voir son petit garçon délivré des railleries de ses camarades. Elle raconte que son enfant avait peu de camarades de jeu. « Même ses propres frères et sœurs avaient honte de se montrer en public avec lui en raison de sa dysmorphie (grosseur de la tête) et de ses mouvements incertains ».Cette gêne est également ressentie par Kadia Nimaga, qui parle des regards sur son enfant lorsqu’elle le promène dans les rues : « lorsque l’enfant sort dans sa chaise roulante, les passants le regardent avec pitié, certains semblent choqués et d’autres curieux. Dans mon voisinage, les adultes ne disent rien, mais certains enfants le voient comme une curiosité et le provoquent », déplore-t-elle.

D’autres vivent des situations encore plus graves

Le 20 juin 2025, l’activiste humanitaire Djimé Kanté alertait sur sa page Facebook en ces termes : « À cause de leur macrocéphalie, des enfants sont traités de monstres et leurs mères mises hors de leur foyer, souvent du village ».

En effet, certains malades et leurs parents vivent un véritable calvaire, notamment les mères de ces enfants, souvent accusées à tort d’être responsables de « ce malheur ». Certaines personnes, par méconnaissance, donnent d’autres connotations à cette maladie, telles que la malédiction, l’envoûtement ou simplement « enfant possédé par des djinns », explique le Pr Moussa Diallo.

D’ailleurs, il raconte l’histoire d’une patiente, une jeune aide-ménagère travaillant à Bamako, dont l’enfant était atteint de macrocéphalie. Après un parcours difficile pour sauver la vie de son enfant, la jeune femme a finalement reçu le soutien de SAMU Social Mali, et son enfant a bénéficié de soins et d’une opération.

Cependant, selon le Pr Moussa Diallo, au retour de l’aide-ménagère et de son enfant dans leur village natal, ce dernier a mystérieusement disparu. D’après le médecin, la jeune femme soupçonnait qu’on ait mis fin aux jours de son enfant, car elle avait été maintes fois mise en garde de ne pas rester avec un « enfant qui appartenait aux génies protecteurs du village » et qui devait leur être retourné. Elle a déclaré que même ses propres parents croyaient en cela, ce qui l’a conduite à penser que la disparition de son enfant n’était pas ordinaire.

Mme Awa Diomaté affirme également s’être battue pour convaincre son frère et sa belle-sœur que leur enfant atteint de macrocéphalie n’était pas un « enfant djinn », ainsi sauver la vie de ce dernier.

Confronté à des cas similaires au quotidien, le Pr Moussa Diallo déclare qu’il est urgent de démystifier cette maladie pour préserver des vies. À ses dires, la plupart des malades subissent une longue errance thérapeutique, consultants tradithérapeutes, féticheurs, marabouts et médecins de proximité avant d’atteindre un diagnostic correct, mais souvent tardif.

Explication de l'hydrocéphalie et de la macrocéphalie

Le Pr Moussa Diallo explique que la macrocéphalie est l’une des manifestations de l’hydrocéphalie, qui se caractérise par une accumulation excessive de liquide céphalorachidien dans le crâne. Cela peut survenir lorsque la production de liquide dépasse son évacuation normale ou lorsqu’il y a un obstacle à son écoulement. Selon le professeur, cette condition peut se manifester chez les adultes comme chez les enfants. La macrocéphalie, quant à elle, fait référence à une augmentation anormale du volume crânien et concerne principalement les nourrissons, de la naissance jusqu’à 24 mois.

Il poursuit en expliquant que lorsque le liquide s'accumule dans la tête d'un enfant dont les os du crâne sont encore malléables, la tête peut grossir de manière inquiétante, et là, on parle de macrocéphalie ou de macrocrânie. Ce phénomène peut entraîner des retards de développement physique, mental et intellectuel. De plus, les enfants atteints de macrocéphalie peuvent présenter des difficultés à manger et à interagir, devenant ainsi des « enfants difficiles à gérer ». Ils peuvent également souffrir de dysmorphie faciale, avec un front très proéminent et des vaisseaux sanguins apparents.

Selon le Pr Moussa Diallo, la maladie est souvent méconnue, même dans le milieu médical, alors qu’elle nécessite une prise en charge précoce. Pour lui, il est essentiel de démystifier l’hydrocéphalie et la macrocéphalie, briser les préjugés, combattre la stigmatisation liée à la maladie afin de préserver des vies, améliorer la qualité de vie de nombreux enfants atteints et sauver des ménages.

 

Khadydiatou Sanogo/maliweb.net

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains (JDH) au Mali et NED

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