Patrimoine Culturel Immatériel et réconciliation nationale : Le Ginna Dogon sous le Balanzan

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un village dogon
un village dogon

«Permettez-moi de parler de cet arbre Balanzan que les dogon connaissent bien avant de passer au vif du sujet.

Le balanzan est cet arbre humble qui ne porte pas de feuillage pendant la saison des pluies mais profite pour emmagasiner des ressources qu’il régénère pendant la saison sèche et nourrit les animaux du sahel avec ses fruits et feuillages très appétés et nourrissant. C’est une leçon de sagesse chez nous les dogon. Le paysan protège ce gros pied de balanzan qui ne gène nullement ses cultures par son ombrage contrairement aux autres arbres qu’il est parfois obligé d’élaguer (tailler). Les alentours du balanzan réussissent mieux aux cultures parce que, les animaux qui venaient s’y reposer pendant la saison sèche, à la recherche des fruits et feuilles,  avaient fertilisé cette partie du champ que le paysan dogon compare à un parc. Une autre vertu de cet arbre est, que le Balanzan est une plante médicamenteuse avec la vertu  de ses écorces, ses feuilles et ses fruits (soigne les plaies, la toux…). Aussi, le paysan dogon s’est souvent servi de cette plante pour répertorier les points d’eau pour  creuser son puit.

Le choix de balanzan pour votre fondation est bien justifié car vous êtes allé en profondeur de nos valeurs socioculturelles pour trouver la solution à la paix et à la réconciliation dans notre pays.

S’agissant de conflit, de tout temps, il a existé des conflits intra et inter communautaires au Mali, les archives coloniales sont là pour le témoigner.

A l’époque précoloniale, ces conflits étaient résolus à l’interne suivant les us et coutumes de chaque ethnie et par de grandes palabres ou de guerres en ce qui concerne les conflits intercommunautaires.

A l’époque coloniale, les conflits intra-communautaires étaient pour la plupart résolus par les méthodes coutumières, le chef de village ou de canton et les conflits intercommunautaires par l’administration coloniale.

Après l’indépendance, à l’époque des partis uniques (défait constitutionnel), sous la 1ère et la 2ème république, presque tous les conflits étaient systématiquement politisés. Il fallait être « un bon militant » pour gagner un procès !

Sous la 3ème république, avec l’instauration d’un multipartisme tout azimut et d’un libéralisme sauvage, l’apparition de nouveaux riches, la perte des valeurs régulatrices de nos sociétés, tels que, l’honneur, la parole donnée, la solidarité, la fidélité etc. Un procès se gagne selon le poids des portefeuilles des protagonistes.

Toutes les valeurs sociétales qui régissaient les différentes communautés ethniques étant distendues ou ayant presque disparues, n’est-il pas dans la logique de mutation des communautés qu’il y ait recrudescence et diversification de conflits.

Or, il est connu de tous que là où il y a conflit, il ne peut y avoir de développement. Pourtant le Mali, vieille terre de culture, de brasages ethniques, possède d’excellemment moyen pour parvenir à la paix et à la réconciliation.

Il est à noter que c’est une constance au Ginna Dogon depuis sa création, il y a à peu près deux décennies, que d’essayer de résoudre les conflits à travers les multiples ateliers et médiations :es ateliers nationaux de Bamako en 2006, de Bankass en 2009 ; les différentes missions au nord pendant l’occupation et pendant la crise de Kidal du 17 au 21.

Nous pouvons faire les propositions qui suivent dans le cadre du processus de paix et de réconciliation. Il s´agit :

Premièrement, de Faire revivre les valeurs traditionnelles à tous les niveaux ; respect des aspects positifs des Us et coutumes. Ex : Le Toguna chez les dogons, le  vestibule, l’arbre à palabre, le Gèlè chez mes autres parents.

Deuxièment, de Mettre la culture au service de la paix et de la réconciliation en revalorisant certains modes de gestion de conflits : Serment (Binu chez le dogon, dio ou dèguè chez d’autres) ; Cousinage ou Sinankuya Ex : Diarra – Traoré ; Peul-Forgeron-Bobo ; Dogon-Bozo-Songhoï-Touareg etc.) ; Les Nyamakalanw : griots, forgerons, garankés ;

Il faudra un renforcement  du système d’alliance entre les communautés, les ethnies, en perte de valeur…

Il s´agit aussi de :

Revaloriser la fonction et le rôle de la société civile formelle ou informelle ;

Nous devrons revoir le fondement de la famille  à travers une  éducation qui n’occulte plus nos valeurs sociétales ; revalorisation des écoles traditionnelles de formation en disparition comme par ex : le Sigui chez les dogon, les cérémonies de circoncision, une excellente école qui fait apprendre aux enfants  le droit d’aînesse, le respect des autres, la parole donnée, le sens de la responsabilité, le défi et  l’honneur. Nous devrons nous servir de notre histoire pour construire notre présent et notre futur car la construction d’une nation se fait perpétuellement. Nos ancêtres ont fait d’énormes sacrifices pour que cette nation malienne survive ;  nous nous en glorifions. Est-il suffisant aujourd’hui que de vivre uniquement de ce passé ? Non! Nous devons dignement apporter notre pierre à l’édification nationale ;

Faire recours au dialogue et à la concertation en mettant à contribution les parents directs ou proches, les communicateurs traditionnels (Nyamakalaw) et modernes (journalistes) ;

Ne jamais négocier et signer des accords en lieu et place des autres mais  prendre en compte l’avis de toutes les couches mêmes minorités ;

Ne jamais imposer des accords à des communautés contre leur gré;

Utiliser toujours des modes de gestions de conflits ou de réconciliations qui ne frustrent aucun groupe ;

Mettre en place un observatoire de conflits ou rebellions dans les différentes régions du Mali appuyé par des cellules de veille de conflits au niveau de nos communes et cercles en impliquant largement la société civile et en redynamisant la synergie entre élus-chefs coutumiers-Nyamakala ;

Après la résolution d’un conflit, faire  adhérer et soutenir l’instauration d’un moratoire de dix ans sans conflit et mettre toujours en place un mécanisme de suivi des différentes résolutions.

Pour finir, chers séminaristes, le Mali est une terre bénie qui n’a besoin que l’union sacrée des maliennes et des maliens. Mais qui parle de paix, de réconciliation doit s’armer aussi. Il nous faut aujourd’hui une armée  équipée,  formée, disciplinée et républicaine.

Le Ginna Dogon par ma voix invite  les autorités politiques, Administratives, judiciaires, religieuses, coutumières et les bonnes volontés ici présentes à  Soutenir et à  appuyer les termes du présent séminaire de la fondation Balanzan.  Vive la société civile malienne qui s’engagera à œuvrer pour la paix et la réconciliation ! Vive le Mali un et indivisible ! Je vous remercie ! »

Indé Timelly/ Guinna Dogon

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