Accusations intenses de mauvaise gouvernance à la BAD : Tirs groupés sur le président Adesina Le chef de l’Etat nigérian en bouclier

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La crise au sommet de la Banque africaine de développement (BAD) rappelle à maints égards celle de 1995 où des gouverneurs usaient de procédés peu orthodoxes pour faire pression sur le président d’alors, le Sénégalais Babacar Ndiaye, afin de le pousser à la démission, à quelques mois seulement de la fin de son mandat.  En effet, en pleine campagne pour un second mandat à la tête de la Banque africaine de développement, lors de l’élection prévue au mois d’août prochain, l’actuel président de l’institution bancaire africaine, le Nigérian Akinwumi Adesina, doit faire face à des accusations internes de mauvaise gouvernance. Ses dénégations n’y font rien et malgré une enquête interne qui l’a innocenté, il est actuellement la cible de tirs groupés, obligeant le président nigerian, Muhamdu Buhari, à se positionner en bouclier.

Après le Secrétaire d’Etat du Trésor américain qui demande l’ouverture d’une enquête par courrier adressé à la Présidente du Conseil des Gouverneurs de la Banque Africaine de Développement le 22 mai dernier, cinq anciens vice-présidents de la Banque africaine de développement (BAD) plaident pour “une investigation indépendante “examinant” les allégations et les éléments de preuve” présentés par un groupe de lanceurs d’alerte et visant la gouvernance du patron de l’institution, le Nigérian Akinwumi Adesina. Ces anciens présidents se sont exprimés à travers une lettre adressée au Conseil des gouverneurs. La correspondance est cosignée par le Tchadien Bedoumra Kordjé, le Mauritanien Ousmane Kane, le Malien Birama Sidibé, le Sud-africain Mandla Gantsho et le Zimbabwéen Thomas Zondo Sakala.

A l’origine de cette affaire très embarrassante pour l’actuel président de la Bad, candidat à sa succession lors de l’élection prévue au mois d’août prochain, des membres du personnel qui déclarent être “préoccupés” par des pratiques jugées douteuses qu’ils ont recensées avec minutie, dans l’ombre, pour éviter, disent-ils, une “crise institutionnelle”. Ils se sont fait passer pour des lanceurs d’alerte, comme le permet le code de conduite de la Banque, pour aussi rester dans l’anonymat par peur de représailles. C’est exactement le 19 janvier qu’ils ont déposé plainte et transmis au département de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la Banque un document de onze pages détaillant seize cas d’abus présumés, impliquant parfois directement le président Adesina.

Une enquête interne fut menée au sein de la Banque en toute discrétion et le Comité d’éthique, au final, a innocenté le président Adesina qui a eu à déclarer, à plusieurs reprises, que “les 16 allégations formulées contre lui étaient fausses, et sans faits, preuves et documents, comme l’exigent les règles et règlements de la Banque”.

Mais les lanceurs d’alerte reviennent à la charge et déplorent des entraves à l’enquête et “des tentatives faites pour découvrir nos identités”, écrivaient-ils dans une lettre adressée au début de mois d’avril, cette fois directement aux gouverneurs de la BAD, représentant les 54 pays membres africains et les 26 pays non régionaux (dont la France et les USA). “Des membres du personnel proches du président se sont efforcés de saboter toutes les tentatives du comité d’éthique de remplir ses fonctions”, soulignaient les lanceurs d’alerte dans cette correspondance.

On croyait cette affaire close, mais voilà qu’au beau milieu de cette crise, la vice-présidente pour l’Agriculture et le développement social et humain, Jennifer Blanke, démissionne. L’Americano-suisse était connue comme proche d’Akinwumi Adesina qui l’a nommée à ce poste qu’il a lui-même créé en fin 2016. Blanke s’était rangée aux côtés du président de la BAD qu’elle a défendu aux premières heures du scandale. Sa démission est donc source de supputations et constitue un coup dur pour le président Adesina, même si, officiellement, le motif invoqué pour la démission est une raison familiale. Comme si cela ne suffisait pas, le Secrétaire d’Etat du Trésor américain entre en jeu pour demander de diligenter une enquête.

La ministre nigériane des Finances, Zainab Ahmed, fera une sortie pour porter la voix du Nigeria qui s’oppose à cette injonction du secrétaire d’Etat américain cherchant à remettre sur la table une affaire classée. S’ensuit alors la lettre des cinq anciens présidents de la Bad, demandant l’ouverture d’une enquête indépendante.

Des tirs groupés qui ont donc amené le président Muhamadu Bouhari à se positionner en bouclier, affirmant sans détour qu’il prend la défense de son protégé, Adesina, qui a été ministre de l’Agriculture au Nigeria, de 2011 à 2015, année de son élection au poste de président de la BAD.

Ces faits qui interviennent à quelques semaines de l’élection du président de la BAD où Adesina est pour le moment le seul candidat à sa succession, ne peuvent que faire penser aux manœuvres du genre contre le Sénégalais, feu Babacar Ndiaye, en 1995. Les comploteurs n’étaient pas parvenus à leurs fins car Babacar Ndiaye avait pu résister. En sera-t-il de même pour Adesina ? Affaire à suivre !                                  

 Amadou Bamba NIANG

 

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