Banque confédérale pour l'investissement et le développement : Une aubaine pour le Mali de tourner définitivement la page de la crise énergétique pour booster la croissance des industries

Les dirigeants de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont décidé de se doter de la Banque confédérale pour l'investissement et le développement (BCID-AES).

19 Juin 2025 - 01:27
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Banque confédérale pour l'investissement et le développement :  Une aubaine pour le Mali de tourner définitivement la page de la crise énergétique pour booster la croissance des industries
Dr Fousseynou Ouattara, expert en finance de marché et dé¬tenteur d’un Ph.D. Economic Sciences

Pour mieux situer cette initiative dans son contexte économique et géopolitique, Dr Fousseynou Ouattara a accordé une grande interview à «DM TV» d’Abdoul Diallo. Président-directeur général (PDG) de BR&T AFRICA, Dr Ouattara est un expert en finance de marché et dé¬tenteur d’un Ph.D. Economic Sciences (Strategic management). Sans compter qu’il assure la vice-présidence de la Com¬mission Défense nationale, Sécurité et Protection civile du Conseil national de transition (CNT) et préside le Collectif pour la refondation du Mali (COREMA).

«Un pas décisif vers une intégration économique plus renforcée et plus dynamique de la région du Sahel» ! Telle est la conviction affichée par le Premier ministre, Général de division Abdoulaye Maïga, le 23 mai 2025 dans un discours prononcé à une rencontre ministérielle de la Confédération des États du Sahel (AES) pour le compte du pilier «Développement».  À cette rencontre, le PM était accompagné par son homologue du Niger, Ali Mahaman Lamine Zeine, qui a abondé dans le même sens en invitant les acteurs à «s’engager davantage dans la consécration de ce choix commun de nos trois pays».

Cette conviction et cet optimisme sont largement partagés par l’économiste Dr Fousseynou Ouattara, l’invité de «DM TV» d’Abdoul Diallo, il y a quelques semaines. D’une manière générale, de ses explications, nous avons retenu que les banques d'investissement se distinguent par leur rôle d'intermédiaire financier qui facilite la levée de capitaux pour les entreprises et les institutions, ainsi que les conseillent dans des opérations financières complexes. Elles se concentrent surtout sur les marchés de capitaux, les fusions-acquisitions et la gestion d'actifs, tout en offrant des services de courtage et de négociation.

Ainsi, la BCID-AES pourra jouer un rôle important dans l’intermédiation financière en mettant en relation les entreprises et les institutions qui cherchent des fonds avec les investisseurs. Elle pourra aussi intervenir comme conseillère dans les opérations financières en accompagnant les entreprises dans des opérations complexes comme les fusions-acquisitions, les introductions en bourse et les émissions d'obligations. Tout comme la BCID-AES aura un rôle à jouer dans la facilitation des opérations sur les marchés actions et obligataires et dans la gestion des portefeuilles d'investissement pour leurs clients.

Comme toute banque d’investissement, l’institution bancaire confédérale pourra aussi offrir ses services dans le trading et la négociation des produits financiers.  Il est aussi important de savoir que, contrairement aux banques commerciales, les banques d'investissement ne reçoivent pas de dépôts de particuliers et n'accordent pas de crédits. Elles ont néanmoins un fort taux de rentabilité, malgré le niveau de risque élevé de l’activité qu’elles exercent. Au final, il faut retenir que les banques d'investissement sont des acteurs essentiels du monde financier, qui mettent en relation les demandeurs de capitaux avec les investisseurs, tout en offrant des services de conseil et d'exécution sur les marchés financiers.

 Une initiative souverainiste pour booster le développement par des investissements judicieux

Qu’est-ce qu’un pays comme le Mali peut tirer de la création de la BCID-AES ? «Le Mali a besoin de s’industrialiser. Ce qui nécessite de l’électricité. L’accès à l’électricité et à moindre coût doit être une priorité absolue pour le Mali. La création de la BCID peut être une opportunité pour tourner pour de bon la page de la crise énergétique», a répondu Dr Ouattara.

L’autre priorité, selon l’économiste, «c’est la réalisation et l’amélioration des infrastructures routières. Il faut aussi développer les voies ferroviaires qui sont d’une importance capitale dans le transport des marchandises. Il est aujourd’hui vital que toutes nos capitales régionales soient reliées à Bamako par la voie ferrée». C’est une priorité, car cela permet de transporter beaucoup de marchandises et à moindres frais.  La voie ferrée est aussi le meilleur moyen de soustraire le pays au chantage, voire au diktat des transporteurs routiers et de leurs gros porteurs. Sans compter les emplois créés et l’impact sur le secteur informel.

Mais, Dr Ouattara a beaucoup insisté sur l’accès à l’électricité à moindre coût car, a-t-il rappelé, «cela va booster l’implantation des unités industrielles qui aura un impact sur le développement de notre pays grâce aux richesses générées… La Banque va être un précieux atout dans ce sens». Il s’agit aussi d’un projet souverainiste. «Les 8 États de l’UEMOA partagent la même banque centrale qui est la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest  (BCEAO) émettrice du franc CFA. Ce qui lui donne des moyens de pression qui ne favorisent pas trop nos initiatives de développement. La BCID-AES nous permet de contourner ses pressions, car elle peut lever des fonds sur le marché international pour faire face aux besoins d’investissement de chacun des trois pays ou de la confédération. Ainsi, nos États n’auront plus à trop solliciter la Bcéao», a expliqué Dr Fousseynou Ouattara.

L’expert en finance n’a pas manqué de rappeler les méfaits du CFA sur le développement de nos États. Les pays de la zone CFA étaient par exemple obligés de vendre leurs produits d’exportation, généralement en dollars ou, à la rigueur, en euros et les recettes transitaient toujours par le Trésor français. Elles étaient utilisées par la France à sa guise. Et quand nos États avaient besoin d’argent, elle (France) puisait dans cet argent pour leur accorder des crédits avec un taux d’intérêt non négligeable. Autrement, «tu ne peux pas jouir de ton propre argent au moment que tu veux. Il faut que tu t’endettes pour faire face à tes besoins. C’est la raison principale qui fait que la France ne veut pas que ce lien d’asservissement soit brisé», a déploré le spécialiste de l’économie du marché.

Autrement, le Premier ministre Abdoulaye Maïga a raison de nous rappeler que la création de la BCID-AES est une «nouvelle page de notre histoire partagée, que nos enfants liront avec fierté, qui marque non seulement la volonté de souveraineté retrouvée, mais aussi l’audace d’un avenir repensé et remodelé par le Collège des chefs d’État de la Confédération des États de l’AES». Gageons que les dirigeants de l’alliance vont tout mettre en œuvre pour doter la banque des moyens de la performance attendue et combler l’attente suscitée : booster un marché d’au moins 78 millions de consommateurs !

Moussa Bolly

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Quand le temps prouve la dépendance budgétaire de la France du franc CFA !

 Dans l’interview accordée à nos confrères «DM TV» par l’économiste Fousseynou Ouattara, il a été beaucoup question aussi du franc CFA, des avantages que la France tire de cette monnaie aux dépens de nos États, de l’impact de la fermeture du compte d’opération sur le budget français… L’un des arguments longtemps utilisés par Paris pour convaincre nos États que le CFA était un atout pour eux est la garantie de sa convertibilité. «Depuis que le franc CFA est opérationnel (il est né le 26 décembre 1945), notre compte d’opération n’a jamais manqué de devise au point que nous puissions solliciter la France pour garantir la convertibilité de cette monnaie», a aussi précisé Dr Ouattara. Et cela au vu et au su de nos dirigeants.

Il a également rappelé que lors de la dévaluation de 1994, le Premier ministre français (Edouard Balladur) a clairement fait comprendre à nos dirigeants et à nos peuples que «la question de monnaie n’est pas technique, mais qu’elle est plutôt politique car touchant à la souveraineté, donc à l’indépendance des États». La dévaluation du CFA n’avait pas donc une motivation économique. Elle n’était nullement liée à une question de convertibilité ou à un quelconque problème économique. La preuve, a assuré l’invité de «DM TV», «notre solde n’a jamais été déficitaire».

Heureusement que, en attendant la fin du CFA, la situation a beaucoup évolué. «Les Français ne siègent plus au conseil d’administration de la Bcéao et le compte d’opération a été fermé», s’est réjoui l’expert. Mais, a-t-il aussi souligné, «un adage dit aussi quand tu chasses le chien et que tu continues à voir sa queue, ce qu’il ne s’est pas trop éloigné. La France n’a pas donc encore dit son dernier mot parce que ces mesures lui créent beaucoup de problèmes.  Le déficit de son budget ne cesse de croître depuis la fermeture de notre compte d’opération. La réalité est en train de démontrer ce que les Français ont toujours nié : ce pays profitait plus du CFA que nos États et cette monnaie est un atout précieux pour son trésor».

En 2024, le déficit public en France s'est élevé à 5,8 % du PIB, soit 169,6 milliards d'euros. Ce chiffre est inférieur aux 6 % initialement anticipés par le gouvernement, mais reste supérieur à la moyenne de la zone euro (3,1 %). Selon l’Insee, l'endettement public est monté à 113 % du PIB à la fin de 2024. Un record hors période de crise et la hausse risque de se prolonger jusqu'en 2030. La charge (intérêts) de la dette française va annuellement de 60 à 100 millions d’euros. La charge des intérêts de la dette de l'État représente, officiellement en 2024, plus de 50 milliards d'euros. Ce montant étant appelé à croître fortement en raison de l'augmentation des taux d'intérêt, la France devrait alors connaître la hausse la plus importante (en points de PIB) parmi les États européens avec plus de 1 % à l'horizon 2030.

«C’est en partie la raison qui fait que les autorités françaises en veulent plus aux États de l’AES, plus précisément au Mali. Et cela parce que nous leur avons fermé les robinets qui alimentaient leur trésor, leur budget… Elles sont frustrées de nous voir nous en sortir sans leur pays, et aussi de nous voir développer un partenariat plus respectueux et surtout mutuellement avantageux avec d’autres pays (la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie, l’Inde…)», a expliqué Dr Fousseynou Ouattara.

M.B

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