Editorial : A quelque chose malheur est bon

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C’est par RFI et les chaînes françaises de télévision que les Maliens ont appris que notre territoire, dans sa partie nord et plus précisément Tessalit, a été le théâtre d’une opération militaire conjointement menée par la Mauritanie et la France le jeudi dernier. Quelle que soit l’explication qu’on devrait privilégier ( la Mauritanie a décidé de frapper préventivement des positions de AQMI qui se préparerait à attaquer son territoire ; la France voulait libérer son otage), nous ne pouvons que constater la mise à l’écart de nos autorités politiques et de notre hiérarchie militaire. En effet, ce n’est qu’une fois l’opération terminée que nos autorités ont été informées, par les médias d’abord et ensuite par la Mauritanie et la France. Et pour le moment, en tout cas jusqu’au moment où nous mettions sous presse le journal, nous n’avons enregistré aucune réaction officielle, pas même le plus petit communiqué pour prendre acte de ce qui n’est ni plus ni moins qu’une violation de notre territoire.

 

Pouvait-il en être autrement ? La question, pour provocatrice qu’elle puisse paraître n’en demeure pas moins sensée. En effet, dans la lutte contre le terrorisme, notre pays a été longtemps accusé de mollesse et traité de « maillon faible ». Malgré les propos indignés et les dénégations de notre pays, l’accusation nous colle à la peau. L’épisode Camatte avec pour conséquence le rappel des ambassadeurs de la Mauritanie et de l’Algérie a davantage marginalisé notre pays et renforcé les suspicions en son endroit. Nous avons bien fait des efforts : nous avons accepté que l’Algérie coordonne les actions militaires ; nous avons réaffirmé notre accord pour un droit de poursuite sur notre sol, etc. Mais en vain. Ces différents signes, de bonne volonté selon nos autorités, semblent avoir été plutôt interprétés comme des actes de rachat de la part d’un pays pris en faute qui voudrait faire amende honorable. De toute évidence, un ressort s’est cassé. Pour autant, ceux qui accusent notre pays de faiblesse ont pris dans le paquet des offres, ce qui les intéresse. C’est ainsi que la proposition maintes fois réitérée et martelée à chaque fois que le président de la République en avait l’occasion du droit de poursuite a été exploitée à fond. Une première fois par le Burkina Faso qui a pu obtenir la libération de « son » otage en intervenant directement sur notre territoire. La deuxième fois, c’est l’attaque perpétrée par la Mauritanie qui semble avoir une lecture bien particulière du droit de poursuite dans la mesure où elle a planifié, avec les Français, une opération militaire de manière « préventive », sans souffler un mot à nos autorités. Ce ne serait pas du mépris que cela y ressemble. La prochaine fois, personne ne sait quelle forme la violation de notre territoire prendra. Ce qui est sûr, c’est que si on n’y prend garde, le nord de notre pays risque de devenir l’arrière cours de conflits en tous genres. N’importe quel pays pourrait y venir, régler ses comptes et repartir, ni vu ni connu. Aujourd’hui, nous avons de petites unités d’infiltration ; demain nous pourrions bien avoir la grosse artillerie ; et après demain, qui sait, peut-être que ce seront des bombardements des bases de AQMI, sans qu’on ne soit associé.

 

Mais comme dirait l’autre « à quelque chose malheur est bon ». L’échec de l’opération militaire menée par la Mauritanie et la France a ramené au devant la scène la proposition pleine de bon sens du président ATT : mettons-nous ensemble parce qu’aucun pays seul ne peut combattre les terroristes.

 

Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga

 

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