Au Mali, se mêlent plusieurs facteurs. Combattants se promenant dans la nature suite au conflit Libyen, et touaregs dont la fierté est blessée depuis qu’ils ne sont plus recrutés dans une armée malienne peuplée de Noirs subsahariens. Mais plus que ces particularismes locaux, c’est la rencontre d’une idéologie et d’un environnement propice.Le caméléon Al-Qaïda fait souche dans des contrées escarpées ou désertiques. Vu leur difficulté d’accès, les allégeances et l’entraide y sont primordiales. En Afghanistan, au Yémen et au Sahara, Al-Qaïda épouse les modes de vie traditionnels qui sont schématiquement ceux des farouches tribus bédouines. L’islamisme radical est une franchise commerciale qui estampille du sceau du Jihad les agissements de peuples nomades vivant à l’occasion de rapines. Il puise dans ce terreau propice des recrues ou des appuis. Des tribus façonnées par une topographie rugueuse sont coutumières des guerres irrégulières. Des zones de revendications indépendantistes ou irrédentistes sont redoutées par des pouvoirs centraux défaillants à assumer leurs prérogatives régaliennes (paragraphe déjà publié le 19/05/11 avant le basculement du Mali).
L’islamisme offre un brevet de respectabilité à des pratiques perçues comme exprimant, à la marge, coutumes folkloriques et traditions populaires. Avec sa cartouchière de guérillero Mexicain, à la tête d’une poignée de combattants, Ansar Dine véhicule le mythe héroïque du révolutionnaire ascétique et du bandit au grand cœur. Il fignole l’art de l’extorsion de fonds à 20 millions d’euros l’otage certes, mais avec la permission d’Allah. Ne lutte-t-il pas pour l’extension de son Royaume en détruisant les mausolées impies de Tombouctou ?
Boko Haram, secte islamiste implantée au nord du Nigéria, signifie « l’éducation occidentale est un pêché ». Pour des populations qui ne savent pas si elles mangeront à leur faim le lendemain, c’est réjouissant de penser que les occidentaux sont obligés d’enlever leurs chaussures avant de prendre l’avion et cela ne tire pas vraiment à conséquence si des islamistes les égorgent.
AQMI est perçu, dans cette perspective, comme une tentative de prosélytisme qui permet de se ressourcer au folklore en mangeant une antilope assis en tailleur autour d’un feu de camp. Un peu comme sur l’affiche publicitaire d’un couteau Suisse multifonctions, ou sur la caricature d’un militant « Chasse, pêche, nature et traditions ». Al-Qaïda, de ce point de vue un peu spécial, c’est le parti de l’Inca dans « Tintin et le Temple du soleil » : un parti sauvage mais respectueux des traditions, œuvrant pour la bonne cause et dépositaire d’une forme de salut.
marianne.net/ 24/10/2012