Élevage des chèvres et des pigeons au Mali : Yéhia Ismaïla Dicko, un exemple à suivre !
Yéhia Ismaïla Dicko est l’un des jeunes éleveurs les plus influents du Mali.

Au moment où de nombreux jeunes émigrent vers l’Europe, il a abandonné un job juteux en France et renoncé à une carrière de footballeur, pour se consacrer à sa passion, l’entrepreneuriat dans l’élevage. Au fil du temps, il est devenu un leader dans l’élevage des pigeons et des chèvres.
Courtisé pour son expertise à travers le monde, le patron de la petite ferme Animalerie-Mali figure incontestablement parmi les jeunes qui font la fierté du Mali. Il est une source d’inspiration. Titulaire d’une Licence en communication des organisations et d’un Master en marketing digital et management des technologies, Yéhia Ismaïla Dicko a tout abandonné pour se consacrer à l’entrepreneuriat, notamment l’élevage des pigeons et des chèvres. Ce peuhl a-t-il choisi la voie de ses ancêtres éleveurs ? Peut-être ! Mais pas seulement ça ! Car, de nombreux jeunes issus de cette ethnie, qui ont eu la chance de faire des brillantes études au Maroc avant de les poursuivre en France, préfèrent troquer leurs boubous de bergers contre les costumes et les bureaux climatisés. « C’est d’abord ma passion de l’élevage et, après, j’ai vu qu’on peut se faire de l’argent dans l’élevage. C’est un boulot comme si on travaillait dans un bureau. Je me suis dit qu’on gagne plus d’argent que dans un bureau », justifie-t-il.
Yéhia Ismaïla Dicko ne peut pas dire exactement quand il a piqué ce virus mais son amour pour les animaux et les pigeons a commencé depuis son jeune âge. Après le bac, il achète une paire de pigeons à 200 000 FCFA. En 2016, il s’envole pour le Maroc afin de poursuivre ses études. De loin, il continuait à faire l’élevage. Du Royaume chérifien, il met le cap sur la France. Toujours dans le cadre des études.
Jeune ambitieux, Yéhia Ismaïla Dicko effectue de petits boulots parallèlement à ses études. Il jouait aussi au football dans un club de troisième division. Il croise un chef généreux et compréhensible en la personne du Sénégalais Babacar Daou. « Il me laissait voyager pour voir des oiseaux un peu partout en France », se souvient-il.
« Je ne veux pas vous dire que je suis riche mais je suis libre »
En 2019, il fait venir des oiseaux par la compagnie Air France. La pandémie du coronavirus met fin à sa carrière de footballeur. En 2022, il a tout laissé pour rentrer au Mali pour se consacrer à l’élevage. « J’ai tout abandonné pour faire ça. Je ne veux pas vous dire que je suis riche mais je suis libre. Je suis libre dans ce domaine. Je travaille avec les gens et c’est un programme qui est flexible », souligne-t-il.
À Bacodjicoroni ACI où se trouve sa « petite ferme » dénommée Animalerie, il élève plusieurs variétés de pigeons sur le toit de la maison. Des races de King, de Mondain, des pigeons voyageurs, des pigeons de chair. Au cours de la visite guidée de ses cages, il fait sortir une femelle morte qui saigne par la bouche. « C’est l’un des aléas de l’élevage », lance-t-il. Pour la nourriture des pigeons, Yéhia Ismaïla Dicko peut dépenser 500 000 FCFA par mois. Sans oublier qu’il achète des médicaments en Europe pour ses oiseaux. « J’importe des pigeons pour les revendre, mais aussi je les exporte vers d’autres pays. Je vends des pigeons jusqu’à Bengladesh. Tout ce que j’ai dans la vie, je l’ai grâce à l’élevage des pigeons», précise-t-il.
Des pigeons, Yéhia Ismaïla Dicko a glissé vers l’élevage de races chèvres en provenance de la Suisse ou de l’Afrique du sud. Il donne des détails sur la chèvre Saanen qui vient de la Suisse. L’unité coûte 800 000 FCFA. Selon lui, elle peut donner trois à quatre litres de lait par jour. La vente du lait apporte beaucoup à la ferme grâce à sa propre marque de lait de chèvre. Le jeune entrepreneur fait importer aussi certaines races de chèvres d’Afrique du sud qui peuvent peser jusqu’à 150 kg. « C’est une race qui donne de la viande », avance-t-il. Le patron de la ferme Animalerie est modeste et avare en commentaires : « C’est une petite ferme ici. J’ai des partenaires. Souvent, on peut amener 200 têtes qu’on revend. J’envoie les animaux un peu partout… », annonce-t-il en apportant une précision de taille : « depuis que je suis là, je n’ai aucun soutien de l’Etat ».
Appel aux jeunes à entreprendre et à l’Etat de les soutenir
Yéhia Ismaïla Dicko appelle les jeunes à entreprendre et à éviter de se caser dans un bureau. « Etre entrepreneur n’est pas forcément être éleveur, mais ça peut-être dans un autre domaine », lance-t-il. Il appelle l’Etat à créer les conditions nécessaires pour orienter les jeunes vers l’entrepreneuriat. Il insiste aussi sur le soutien de la famille. « La famille aussi doit beaucoup nous aider. Par exemple laisser le choix à l’enfant de faire ce qu’il a vraiment envie de faire. De nombreux jeunes veulent entreprendre mais la famille veut qu’ils travaillent dans les administrations, les bureaux et autres ».
Le jeune entrepreneur a la ferme conviction, l’élevage et l’agriculture sont des leviers essentiels pour assurer le développement du pays. L’avenir, c’est l’agriculture et l’élevage, tranche Yéhia Ismaïla Dicko. Il propose au gouvernement du Mali de mieux encadrer des jeunes qui sortent des écoles comme l’IPR de Katibougou. « J’ai récemment invité là-bas et j’ai vu des jeunes qui sont dans l’agro-pastorale et d’autres qui sont dans l’élevage. On peut les accompagner…», conseille-t-il.
« L’Etat doit améliorer vraiment sa politique par rapport à l’élevage. Je mets l’accent sur l’élevage puisque c’est mon domaine. L’Etat doit changer sa politique, selon mes expériences en tant que jeune éleveur et entrepreneur. J’ai été dans plusieurs pays et j’ai vu comment ça fonctionnait là-bas », rapporte-t-il. Yéhia Ismaïla Dicko estime que les structures mises en place qui n’ont pas beaucoup d’impact doivent rapprocher vraiment les éleveurs et travailler avec eux.
L’Etat sénégalais a fait pour l’élevage ce que les Sud-africains n’ont pas fait. Il cite la politique de l’ancien Président du Sénégal Macky Sall qui a fait venir du Brésil des races de vaches à lait. Depuis 2017, le Sénégal a opté pour l’autosuffisance et importe des génisses à des prix très abordables. « Cela va développer le pays et empêcher d’importer du lait en poudre ».
Les jeunes entrepreneurs, reconnaît notre interlocuteur, rencontrent de sérieuses difficultés Mali notamment le manque de fonds. Selon lui, « cela ne doit pas être une raison pour croiser les doigts.. » Les aliments-bétails, regrette le patron de la ferme Animalerie, coûtent très chers au Mali. «Grâce à moi, beaucoup de gens ont aimé l’élevage, se réjouit Yéhia Ismaïla Dicko. Sa ferme est devenue une école où les jeunes stagiaires se bousculent. Au moment du passage de notre équipe de reportage en début avril, trois étudiants de l’école polytechnique Alou Koné séjournaient chez lui dans le cadre de stage. Selon l’un de ses stagiaires, Diallo, Yéhia Ismaïla Dicko est un très bon encadreur. « Nous apprenons beaucoup de choses avec lui et il est disponible pour nous. Il nous montre tout ce qui est essentiel dans l’élevage… Après les études, il va nous aider à construire notre propre entreprise », témoigne l’étudiant de l’école polytechnique Alou Koné.
Une expertise reconnue au-delà du Mali
Yéhia Ismaïla Dicko s’investit dans le partage de connaissances et la promotion de l’entrepreneuriat. Ainsi, il organise des formations payantes en ligne à 10 000 FCFA par personne. Il procède aussi à des journées portes ouvertes pour expliquer l’élevage. « J’ai écrit deux guides sur l’élevage (l’un sur l’élevage des pigeons et l’autre sur l’élevage des chèvres) », rapporte ce fils de fonctionnaire. Au fil du temps, il s’est forgé une solide réputation de jeune leader très suivi sur les plateformes digitales. Sur l’une de ses pages de réseaux sociaux, il compte plus de 200 000 abonnés et devient le jeune éleveur le plus suivi sur Facebook.
Dans l’écosystème sous-régional, voire international du business des pigeons et des chèvres, Yéhia Ismaïla Dicko est l’un des meilleurs ambassadeurs du Mali. Il parcourt le monde pour participer à de grands salons y vendre son expertise, comme le Salon international de Limoges. En novembre 2022, il publie dans le prestigieux Bulletin du Club français du King.
Jusque-là, il est l’un des rares Africains à paraître dans ce magazine créé depuis 1981. Le jeune entrepreneur rend hommage à des éleveurs de pigeons en France notamment Bénoît Lalanda, les frères Zinck André et Georges, Kévin Aujol. Abou Kane, le Président des éleveurs du Sénégal figure aussi parmi les soutiens du jeune Dicko. « C’est l’élevage de mouton qui fait de lui un milliardaire».
Au-delà de l’élevage des pigeons et des chèvres, Yéhia Ismaïla Dicko travaille à étendre ses activités pour devenir milliardaire comme Abou Kane.
Fatou Djourté
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