Abattoir frigorifique de Sabalibougou Courani : Course au label Mali et à la certification Iso
Dans ce dossier inédit, Mali Tribune ouvre une large fenêtre sur l’abattage au Mali avec au menu plusieurs sujets relatifs aux conditions dans les abattoirs, la pollution des eaux et des sols autour des abattoirs, la législation en vigueur l’inspection vétérinaire, le prix de la viande au Mali, l’exportation du bétail, etc.

L’Abattoir frigorifique de Sabalibougou Courani (AFS), le seul géré par l’Etat à travers le ministère de l’Elevage et de la Pêche, travaille pour le respect des normes sanitaires et des conditions d’abattage. Objectif : mettre en œuvre la politique des plus hautes autorités de produire une viande certifiée au label Mali destinée à l’exportation.
L’Abattoir frigorifique de Sabalibougou Courani (AFS), derrière Missabougou, a vu le jour en 1988 grâce à un financement de la Banque africaine de développement (Bad). Il est entièrement placé sous la gestion de l’Etat, à travers la direction nationale de la production et des industries animales (DNPIA). Mais, avant, l’AFS a passé une décennie dans une gérance privée qui a fait banqueroute.
Mali Tribune s’est intéressé à certains points essentiels avec l’administrateur provisoire de l’AFS, Harouna Sangaré. Il s’agit notamment des conditions dans les abattoirs, l’inspection vétérinaire, la pollution des eaux et des sols autour de l’abattoir ; la législation en vigueur.
Dans un pays où la religion dominante est l’islam, le système d’abattage des animaux se conforme aux rites en la matière de cette religion. Harouna Sangaré n’en dit pas plus en soutenant que leur priorité est le halal, c’est-à-dire la viande issue de l’abattage conformément à la prescription islamique.
De fait, l’égorgeur de l’AFS a été désigné en 2006 par le Haut conseil islamique du Mali (Hcim). Il est employé et travaille dans les mêmes conditions que les 93 travailleurs contractuels salariés embauchés et déclarés à l’INPS et à l’Amo. Le bœuf est étourdi à l’aide d’un pistolet à pression avant d’être égorgé. Mais les petits ruminants (moutons, chèvres) passent directement sous le couteau.
Dans le cadre du traitement des déchets en vue de garantir un environnement propre et saint, l’AFS voit les choses en grand. "La propreté est notre quotidien. Nous avons signé un contrat d’entretien avec un GIE pour assurer l’entretien des lieux", annonce M. Sangaré. Ce GIE s’occupe de la propreté de l’intérieur pour maintenir le sol d’abattage propre et de l’extérieur des installations de l’abattoir afin d’éviter la pollution des alentours. Le nettoyage se passe avec de la poudre de savon Omo, de l’eau de Javel à 12 %.
Aux dires de Harouna Sangaré, ces nettoyants ne contiennent pas de produits chimiques toxiques. En plus, l’eau de Javel spéciale à 12 %, a été conseillée par une équipe pluridisciplinaire composée de la direction nationale de la santé, du Laboratoire national de la santé, du Laboratoire central vétérinaire, de la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des nuisances et pollutions, de la direction nationale des services vétérinaires et de la direction nationale des productions et des industries animales.
Les sous-produits prisés
Selon lui, le GIE travaille de 6 h à 18 h. Ses activités consistent à nettoyer de l’ère d’abattage le sang, le contenu des panses, les cornes, les sabots. Les déchets (contenu de la panse) sont vidés dans un grand silo et vendus à des propriétaires de champ ou d’usine qui les utilisent comme fumier. Le sang brûlé et séché artisanalement est transformé. Le produit fini termine sa course dans des moulins de fabrique d’aliment pour volailles et bétail.
Concernant les cornes et sabots, ils sont soit transformés artisanalement au Mali soit exportés vers le Nigeria, le Sénégal ou la Chine. Ils entrent dans la fabrication de colle forte. "Aucun sous-produit de l’abattage n’est à jeter. Tout est utilisé dans un secteur ou un autre. Les sous-produits ont leurs avantages et preneurs. Ce qui diminue considérablement la pollution et la nuisance", précise Harouna Sangaré.
L’inspection est le maillon le plus important dans tout abattoir. Le respect des normes vétérinaires est donc une obligation pour avoir une viande de qualité irréprochable, à l’abri de toute maladie. Pour l’administrateur provisoire de l’AFS, le travail à ce niveau est assuré par deux équipes d’inspection dont une commence le soir et l’autre la nuit.
Les deux équipes sont placées sous la coordination d’un vétérinaire en chef. "Le travail commence dès le soir par le tri des animaux sur pieds. Les veaux, les femelles gestantes en plus des animaux cachectiques sont retirés du lot d’abattage. Cette procédure se fait conformément aux lois de l’abattage", explique M. Sangaré. Cette même équipe d’inspection se divise en trois groupes dans la salle d’abattage. Un groupe s’occupe de la tête, un autre des organes et le dernier des carcasses.
Pour être à cheval sur les normes internationales, le couteau d’inspection est régulièrement trempé dans de l’eau bouillante pour être désinfecté. "L’AFS est le seul à respecter la désinfection du couteau d’abattage. Nous avons reçu une mission de l’Organisation internationale des épizooties (OIE), qui a très bien apprécié cela", fait savoir Harouna Sangaré. La saisie de viande après inspection intervient quand tous les ganglions réagissent aux maladies en plus des cas de viande tuberculeuse qui est directement incinérée.
60 % des boucheries de Bamako approvisionnées par l’AFS
Le sérieux dans l’inspection et le respect strict des normes de salubrité semblent donner une certaine notoriété à l’AES dont la viande est appréciée par les partenaires et clients. Selon son premier responsable, "60 % des boucheries des marchés du district de Bamako s’approvisionnent directement à l’AES".
L’AES est depuis quelque temps lancé dans la course au label Mali. C’est pourquoi le respect de la loi d’abattage s’impose à lui. Il s’agit des lois n°028 du 14 juin 2011 instituant le contrôle sanitaire des produits et denrées alimentaires d’originaire animale et la loi n° 2025-036 du 16 juillet 2015 portant protection du consommateur.
"Les lois d’abattage sont appliquées ici à la lettre. Notre ambition est la certification Iso pour l’exportation de la viande sous le label Mali. Pour en arriver-là, le respect des lois nationales et internationales s’impose à nous", explique M. Sangaré.
L’AES est d’ores et déjà dans l’étape précédant la certification Iso, à en croire son administrateur provisoire. Dans cette démarche, il y a un chemin à suivre appelé "marche en avant". La salle d’abattage est segmentée en trois parties par où se passe toute l’opération. Il s’agit de la partie noire (là où se passent les égorgements) ; la jaune (le lieu de dépeçage) et le blanc (le lieu d’inspection et de découpage de la viande).
Le suivi de cette marche est la condition prioritaire pour obtenir la certification. "Nous sommes d’abord à cette démarche avant de faire appel à l’OIE pour donner son verdict de la certification", souligne M. Sangaré.
Comme moyens logistiques et dans le but de protéger la viande contre la poussière et autres impuretés, l’AES dispose de 3 camions frigorifiques destinés au transport de la viande sur les différents marchés de la capitale. Deux autres camions frigorifiques sont en route, témoignage M. Sangaré.
"L’ambition du ministre de l’Elevage et de la Pêche, Youba Ba est d’exporter notre viande. C’est pourquoi il ne ménage aucun effort pour doter l’AFS en équipements modernes et veiller sur les meilleures conditions de travail de ses agents", se réjouit l’administrateur provisoire.
Abdrahamane Dicko
" Les exportations de bétails contribuent à hauteur de 14 % à 15 % "
Selon le directeur national adjoint, Mamadou Moctar Sow, le Mali est un pays d'élevage par excellence, la ressource en cheptel au Mali est très importante. Il rappelle que notre pays exporte principalement les bovins. Ils partent vers la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin, le Sénégal. Une faible quantité va aussi vers le Niger et la Mauritanie.
Mamadou Moctar Sow, DGA de la Dnpia
M. Sow explique que les retombées pour notre pays sont multiples. "Si on parle de l'exportation sur pied, il y a d'abord les recettes d'exportation en devises, c'est-à-dire les marchands vont à l'extérieur avec des animaux vivant et ils rentrent avec les devises. Chaque année, le Mali exporte des dizaines de milliards en matière de recettes, des devises qui inondent l'économie malienne".
En termes de revenus des éleveurs, il affirme que les marchands de bétails gagnent plus. "Il y a aussi les effets multiplicateurs dans notre économie rurale. Le monde rural, c'est les ventes des exportations. Quand ils vont amener les devises ce sont ces devises qui servent à faire certains travaux, certaines dépenses des familles rurales, donc elles contribuent fortement, ça crée des emplois directs ou indirects. Il y a aussi les recettes fiscales et douanières".
M. Sow signale que les exportations de bétails contribuent présentement à hauteur de 14 % à 15 % du PIB du Mali. En 2022, les devises d'exportation du cheptel vers ces pays-là, se sont chiffrées à peu près à 62 milliards de F CFA. Il note aussi le côté défavorable en termes des retombées. "Quand on exporte, on perd les sous-produits d'abattage ; à savoir : la corne, la peau et autres parties qui sont aussi un maillon très important pour l'économie malienne. Donc il y a des avantages et des inconvénients. Les devises rentrent mais en termes d'économie, le Mali perd ses sous-produits d'abattage".
Concernant le fonctionnement des marchés à bétail, Mamadou Moctar Sow souligne qu’ils sont structurés. Ils sont organisés en faîtière, notamment la Fédération des groupements interprofessionnels du bétail et de la viande (Fébevim) qui est composée par trois familles : les producteurs, les marchands les transformateurs. "Les marchands de bétail sont érigés en coopérative de gestion et les marchés à bétail sont gérés par cette coopérative".
Chaque marché à bétail est géré par un comité de gestion de marché à bétail présidé par un comité par rapport à la gestion du marché. Ces marchés sont approvisionnés par des marchés secondaires. Il y a des marchés frontaliers qui sont approvisionnés par les marchés secondaires et tertiaires.
Ce sont ces différents marchés qui approvisionnent les marchés frontaliers ou par l'exportation. "Ici à Bamako, on a deux gros marchés à bétail, il s'agit de Niamana et Kati-Drall, ces deux marchés sont aussi gérés par un comité de gestion et les exportations se font directement depuis ces marchés", conclut M. Sow.
Ibrahima Ndiaye
Charcuterie :
La viande, un luxe
Les conditions de travail des charcutiers sont difficiles : le transport de 200 kg de viande ou plus sur une moto, la manipulation des machines et outils tranchants qui peuvent les blesser. Les bouchers ont un syndicat et des associations. "J’ai dix ans d’exercice dans ce métier. Je m’approvisionne toujours à l’abattoir", explique Kalifa Berthé, boucher à Kalabancoura. "Je ne suis pas au courant de l’existence de l’association des bouchers dans mon quartier, je travaille seul, le kilo de la viande est à 3200 F CFA chez moi, d’autres le vends à 3300 F CFA ça dépend des endroits", déclare M. C., boucher à Kabala.
Malgré la disponibilité des bœufs, la viande devient de plus en plus chère. Au marché Dibida dans la Commune III de Bamako, Seydou Kamian, membre du syndicat des bouchers affirme que "le prix du bétail contribue à cette hausse car le coût des bœufs a subitement augmenté. Le bœuf qu’on achetait à 400 000 F CFA est passé à 500 000 F CFA, voire plus, pour réaliser un peu de bénéfice, nous sommes obligés d’augmenter notre prix entre 3200 F CFA et 3500 F CFA".
"Moi je suis détaillant, je prends avec mon patron à 3200 F CFA et je revends à 3300 F CFA, ce qui me fait un bénéfice de 100 F CFA. Quant à mon patron, il se procure au garbal de Niamana pour l’envoyer ensuite à l’abattoir qui est payant. Les bœufs sont très chers en ce moment", dit Tidiane Diarra, boucher à Niamakoro Courani. "Les syndicats sont nos chefs, c’est eux qui prennent les décisions par exemple la décision des grèves. En cas de conflits, ils interviennent, ce sont nos guides dans ce métier".
Odile Dembélé
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