Rumeurs, croyances populaires et désinformation : La part des traditions et des nouvelles technologies

Les croyances populaires et les rumeurs, existantes avant l’ère numérique, sont aujourd’hui amplifiées par les nouvelles technologies. Ces dernières facilitent leur diffusion rapide et à grande échelle, rendant plus difficile la distinction entre information fiable et désinformation. Comment démêler ? Quelles précautions et démarches ?

20 Août 2025 - 02:36
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Rumeurs, croyances populaires et désinformation : La part des traditions et des nouvelles technologies

Une rumeur, aux dires de Mme Ekedi Kotto Maka, spécialiste en communication numérique, analyste des médias sociaux et fondatrice de Rectifa, est une croyance liée à l’actualité qui circule. Une rumeur peut être vraie ou fausse. Sa nature est principalement définie par sa diffusion et son partage.

"La désinformation est un problème majeur dans notre société actuelle, alimentée par des sources intentionnelles et non intentionnelles. Les rumeurs et les croyances populaires, préexistantes aux nouvelles technologies, sont facilement amplifiées par ces dernières, facilitant la propagation de la désinformation. Les rumeurs peuvent contourner les restrictions institutionnelles sur la diffusion d’informations, servant parfois d’outils stratégiques. Les croyances peuvent être positives (basées sur des faits vérifiables), prescriptives (basées sur des règles sociales) ou mixtes (liées à l’invisible). La maîtrise de l’information est capitale dans une société informationnelle et nécessite une meilleure régulation des données", explique Mme Ekedi Kotto Maka.

Pour Dr. Ndiaye Moustapha, enseignant-chercheur en sociologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal, la maîtrise de l’information dans notre société "civilisation informationnelle" ou de "capitalisme informationnel" est indispensable.

"La technologie, et plus particulièrement les réseaux sociaux, ont radicalement changé la manière dont les fausses rumeurs se propagent. Leur vitesse de diffusion et leur visibilité sont accrues, facilitant la propagation d’informations erronées à grande échelle. L’utilisation d’applications permettant de modifier des images et des voix rend ces fausses informations encore plus convaincantes, donnant un semblant de réalité à des informations mensongères. Ce phénomène touche des sujets allant de l’incroyable (vaccins contenant des puces) au banal, et il est crucial de comprendre pourquoi ces informations, même incohérentes, circulent aussi largement", explique-t-il.

Mme Ekedi Kotto Maka souligne l’importance des biais cognitifs dans la propagation des fausses rumeurs. "Le biais de confirmation fait que nous avons tendance à accorder plus de crédit aux informations qui confirment nos croyances préexistantes, même sans preuve tangible. De même, le biais d’autorité nous pousse à croire les informations provenant de sources que nous percevons comme légitimes, qu’il s’agisse de figures publiques, de professionnels de santé ou même de personnes en blouse blanche dans une vidéo sur WhatsApp. Ces biais, profondément humains, doivent être pris en compte pour lutter contre la désinformation", notifie-t-elle.

Les algorithmes jouent un rôle crucial dans la propagation des fausses rumeurs. Ils privilégient les contenus qui suscitent une réaction, qu’elle soit positive ou négative, afin de maximiser l’engagement des utilisateurs. Ce mécanisme favorise la diffusion de contenus émotionnellement chargés, qui confirment ou amplifient nos sentiments, même s’ils sont faux. Le but n’est pas de vérifier la véracité des informations, mais de maximiser l’interaction.

Mme Ekedi Kotto Maka estime que les fausses rumeurs fonctionnent souvent en réactivant des peurs, des croyances ou des souvenirs ancestraux. Elles sont souvent présentées sous forme de narratif émotionnel, utilisant des codes culturels et sociaux pour mieux atteindre leur public. "La lutte contre la désinformation exige une prise de conscience critique des biais cognitifs, une vigilance face aux informations en ligne et une compréhension du fonctionnement des algorithmes. Il est essentiel de développer un esprit critique et de s’interroger sur la source et la crédibilité des informations avant de les partager", ajoute-elle.

A son avis, "les fausses rumeurs se propagent plus vite grâce aux réseaux sociaux. Les images et les voix modifiées rendent les fausses informations plus crédibles. Les rumeurs exploitent souvent des peurs et des croyances préexistantes. Le biais de confirmation et le biais d’autorité influencent notre crédulité. Les algorithmes des réseaux sociaux favorisent les contenus engageants, même s’ils sont faux. La lutte contre la désinformation nécessite une conscience critique et une attention aux émotions".

La monétisation des contenus a exacerbé la prolifération des fausses informations et des rumeurs sur les réseaux sociaux. Le manque ou le non-respect des règles déontologiques journalistiques, comme la correction des erreurs, aggrave le problème. "Les réseaux sociaux monétisés favorisent la diffusion de rumeurs et de fausses informations. Il est crucial de réglementer la diffusion d’informations en ligne pour contrer la désinformation. La Co-régulation entre plateformes, Etats et acteurs locaux est nécessaire. Divers types de médias en ligne (curateurs, médias indépendants, influenceurs) coexistent, créant la confusion. La vérification des faits et le respect de la déontologie journalistique sont essentiels. Une approche proactive et non réactive est nécessaire pour réguler l’espace numérique", pense Dr. Ndiaye.

Mme Ekedi Kotto Maka et Dr. Ndiaye Moustapha sont unanimes sur la nécessité d’une régulation de l’information en ligne. Cependant, ils reconnaissent la difficulté à réguler des contenus provenant de sources étrangères.

La discussion a mis en lumière l’importance de la coopération entre les différents acteurs : les plateformes digitales, les Etats et les acteurs locaux. La monétisation des données et l’accès inégal aux technologies créent des biais. Pour eux, il est urgent pour nos Etats africains, de se doter, en sus, des règles d’éthique dans la régulation de l’IA pour éviter de freiner l’innovation tout en garantissant un espace numérique plus sûr.

Aminata Agaly Yattara

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les droits humains (JDH) au Mali et NED.

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