Digitalisation de la sante au Mali : "Devenir un modèle de transformation numérique dans les systèmes de santé"

La mortalité maternelle reste élevée, même si elle a diminué de 464 à 325 décès pour 100 000 naissances entre 2000 et 2022 (pmc.ncbi.nlm.nih.gov). En quoi la digitalisation des outils de santé - en particulier dans les régions à fort taux d’équipement comme Mopti et Sikasso - contribue-t-elle à améliorer l’accès aux soins et réduire la mortalité maternelle et infantile ? L'Observatoire pour le développement humain durable (ODHD), dans "son rapport national sur le Développement Humain" (RNDH), met aborde la question dans l’aspect : "Impact de la digitalisation des soins de santé sur la couverture sanitaire universelle au Mali".

 Le ministère a lancé le programme Disc Mali, basé sur la Community Health Toolkit, le premier déploiement national ouest-africain d’outils numériques pour les soins communautaires (pmc.ncbi.nlm.nih.gov, Medic).

Disc-Mali signifie digitalisation des services de santé communautaire au Mali. Son objectif est "d’équiper tous les agents de santé communautaire (ASC) du Mali d’outils numériques pour planifier les visites à domicile, suivre les grossesses et la santé maternelle, assurer la vaccination et le suivi des enfants, enregistrer et transmettre les données de santé en temps réel, déclencher des rappels automatiques pour les soins ou rendez-vous".

Hawa Koné, agent de santé communautaire au Ségou, utilise l'application Disc Mali pour planifier ses tournées (5 à 10 visites journalières), identifier les enfants à risque, les suivis de vaccination ou prénataux, via rappels digitaux (Medic). Elle souligne que sans l’outil, de nombreux enfants n’auraient pas été sauvés.

De même, l’ONG Muso a mis en place un modèle proactif dès 2008 à Yirimadio, avec des agents de santé allant au domicile des patients, enlevant les frais à l’accès aux soins. Résultat : une baisse spectaculaire de la mortalité infantile de 154 à 7 pour 1000 naissances entre 2008 et 2015.

Selon le rapport 2025 de l’ODHP sur "l’Impact de la digitalisation des soins de santé sur la couverture sanitaire universelle au Mali", 67 % de la population cible perçoivent une amélioration de l'accès aux soins grâce à la digitalisation, notamment dans les régions où des outils tels que la téléconsultation sont déployés. Et 83 % estiment que les outils numériques ont amélioré la performance de la collecte des données.

Quant aux professionnels de la santé, ils apprécient la précision et la fiabilité des données numériques, mais ils expriment des préoccupations quant à la maintenance des équipements et à la fiabilité des connexions Internet mais surtout ils soulignent que l'absence de formation continue et le manque d'équipements adéquats nuisent à l'efficacité des outils numériques, confirmant les données quantitatives.

"Digitalisation a bel et bien amélioré l’accès aux soins, à travers un suivi proactif (Muso), une surveillance régulière, et des outils numériques de rappel et de gestion", souligne le personnel Disc-Mali.

Assa Badiallo, ministre de la Santé et du Développement social, souligne dans le rapport de l’ODHD que "l'intégration des technologies numériques dans le secteur de la santé offre une perspective prometteuse pour l'amélioration de la couverture sanitaire universelle".

L’approche méthodologique utilisée par le rapport de l’ODHD, selon ses auteurs, "a combiné des analyses qualitatives et quantitatives avec des données collectées dans le district de Bamako et cinq régions : Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou et Mopti".

L’étude a impliqué 162 participants, incluant des professionnels de santé, des décideurs politiques, des patients et des experts en santé numérique.

Les résultats ont montré que la digitalisation a déjà produit des impacts positifs notables. "Les professionnels de santé soulignent une meilleure traçabilité des données, une gestion plus efficace des ressources, et une amélioration globale de la qualité des services. Les patients, quant à eux, apprécient les diagnostics plus rapides et précis, ainsi que l’accessibilité accrue aux services sanitaires grâce à des initiatives comme la téléconsultation", souligne le rapport.

"La digitalisation a permis d’améliorer de nombreux aspects du système de santé comme la gestion des données, la qualité des soins, la transparence financière".

Malgré ces avancées, l’étude a mis en lumière plusieurs obstacles majeurs comme le manque d’équipements et de formation, l’interopérabilité limitée, la dépendance de l’aide financière extérieure. "Le manque de formation des professionnels de santé, l’absence d’interopérabilité entre les outils numériques, et une dépendance excessive aux financements externes limitent la durabilité et l’efficacité des initiatives". Par exemple, seulement 27,4 % des répondants estiment que les ressources locales sont mobilisées de manière adéquate pour soutenir la digitalisation.

Le rapport préconise, pour maximiser l’impact de la digitalisation, d’investir dans les infrastructures numériques, de former les professionnels de santé, d’améliorer l’interopérabilité et surtout de mobiliser les ressources locales en renforçant les partenariats public-privé.

"La digitalisation des soins de santé au Mali est à un tournant historique. Les outils numériques offrent une opportunité unique de transformer le système de santé, mais leur adoption réussie nécessite une approche intégrée, combinant investissements technologiques, renforcement des capacités humaines et engagement communautaire. Si les défis actuels sont relevés, le Mali pourrait devenir un modèle de transformation numérique dans les systèmes de santé en Afrique", conclut le rapport.

Aminata Agaly Yattara

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les droits humains (JDH) au Mali et NED.